Relations stratégiques entre la Turquie et l'Arabie Saoudite
Les fondations de l'ère présidentielle d'Erdogan s'effritent. Le pronostic d'une politique économique ratée, qui a conduit à la dévaluation de la livre turque et à une inflation galopante dans le pays, est en train d'envahir la campagne électorale turque qui a pratiquement débuté par le tremblement de terre de février.
Et l'image d'un Erdogan "plus faible que jamais" s'est facilement répandue dans l'opposition turque, réunie dans la coalition dirigée par Kemal Kiliçdaroglu, le chef du Parti républicain du peuple, qui aspire à détrôner l'usé Erdogan lors des prochaines élections du 14 mai, pour la première fois depuis 2003. Mais le président toujours en place continue de tisser une politique étrangère grandiose pour résoudre les problèmes intérieurs.
Le président turc a depuis longtemps rééquilibré ses relations avec ses voisins après s'être lancé dans une politique étrangère agressive. C'était une façon de reconstruire son statut politique et de sortir de l'isolationnisme qu'Erdogan lui-même avait encouragé. Depuis, le gouvernement turc s'est rapproché de l'Égypte, des Émirats arabes unis et surtout de l'Arabie saoudite, le poids lourd du Golfe qui promet de venir à la rescousse de la Turquie en proie à une crise économique désastreuse.
Il est donc dans l'intérêt d'Erdogan d'être prudent dans ses relations avec son nouveau partenaire. Cette semaine, le vice-ministre turc des Affaires étrangères, Burak Akcapar, a rencontré son homologue saoudien, Waleed Al-Khuraiji, à Riyad, afin de discuter de questions régionales et internationales d'intérêt et de renforcer la coopération dans le cadre du premier cycle de consultations politiques entre les deux pays, y compris dans le domaine de l'économie.
Burak Akcapar a également visité le succulent siège du Congrès de coopération du Golfe (CCG) et s'est entretenu avec son secrétaire, Jassem Albudaiwi, et le secrétaire général adjoint pour les affaires politiques et les négociations, Abdulaziz Aluwaisheg. Cet intérêt a été encouragé par Ankara après que Riyad a injecté 5 milliards de dollars dans la banque centrale turque le mois dernier, une aide catalytique majeure dans la lutte contre la crise économique du pays.
Quoi qu'il en soit, ce renforcement des liens intervient dans la foulée de la détente d'Erdogan avec le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman, scellée il y a un an par la visite du président turc dans le royaume wahhabite et celle du prince héritier en Turquie deux mois plus tard. La tension ayant été enterrée après l'affaire Khashoggi, bin Salman a adopté une approche mesurée de la coopération économique avec Erdogan, notamment en levant le boycott saoudien des produits turcs.
Le royaume saoudien a pris l'initiative de soutenir la Turquie au lendemain du tremblement de terre qui a dévasté le sud de la Turquie en envoyant de l'aide humanitaire et des secours. Mais Riyad est allé au-delà d'une pilule d'aide à un moment critique : les nouvelles relations commerciales d'Ankara avec le golfe Persique. Erdogan, comme s'il s'agissait de sa dernière carte dans les limbes présidentielles, vise à obtenir des échanges étrangers avec le Golfe similaires au volume d'affaires qu'il a déjà avec la Chine, le Qatar, la Corée du Sud et les Émirats arabes unis, d'une valeur de plus de 28 milliards de dollars.