La Turquie étend la prospection en Méditerranée orientale et la Grèce avertit qu'elle invalidera l'annonce turque
L'idée de Recep Tayyip Erdogan de construire la « patrie bleue » est maintenue dans la politique étrangère turque. Cette stratégie expansionniste vise à contrôler et à consolider Ankara dans les trois mers environnantes où se trouvent les eaux et les ressources de la Méditerranée orientale et de la mer Égée contrôlées par la Grèce et d'autres pays.
En outre, ce plan prévoit que plusieurs îles grecques deviendront la propriété de la Turquie. Les activités d'expansion font partie d'un plan complexe qui a la Méditerranée, la mer Égée, la Syrie et la mer Rouge comme principaux endroits pour établir un plus grand contrôle dans les mers entourant le territoire turc.
Dans ce contexte, la Turquie poursuivra jusqu'au 12 septembre ses prospections dans les eaux en litige avec la Grèce en Méditerranée orientale. Alors que les tensions s'intensifient avec Athènes sur la juridiction en Méditerranée, Ankara va prolonger de dix jours supplémentaires les explorations avec le navire sismique Oruç Reis, qui navigue dans la zone maritime entre la Crète et Chypre depuis plusieurs semaines, selon le service d'alerte maritime NAVTEX. La mission de l'Oruç Reis devait se terminer le 1er septembre.
Cette annonce a provoqué une réaction de colère de la part de la Grèce. En réponse à cette prolongation de l'expédition, la Grèce a émis un avertissement aux marins avec l'intention d'invalider l'annonce turque. Le ministère grec des affaires étrangères a qualifié l'avertissement d'illégal et a exhorté la Turquie à apaiser les tensions et à œuvrer pour la stabilité dans la région.
« Nous appelons la Turquie à prendre ses distances par rapport aux tromperies quotidiennes dans lesquelles elle est impliquée et à travailler pour la sécurité et la stabilité de la région », a souligné le ministère dans sa déclaration.
Fin 2019, la Turquie a signé un accord avec la Libye lui donnant le contrôle du territoire maritime libyen et établissant une sorte de « corridor » maritime en Méditerranée orientale. Le contrôle du territoire a permis à Ankara de contrôler le mouvement des navires dans les gisements de gaz naturel. Il y a dix ans, on a découvert que cette région était riche en gaz naturel et plusieurs pays ont fait valoir leurs droits sur la zone. La signature entre Ankara et Tripoli a provoqué la colère de la Grèce, et les Nations unies n'ont pas non plus approuvé cet accord. En réponse à cet accord, la Grèce a ratifié un accord sur les frontières maritimes avec l'Égypte.
C'est alors qu'Erdogan a envoyé des navires d'exploration et de forage et en réponse, la Grèce a déclaré qu'elle défendrait son territoire. Le lieu d'exploitation du navire turc se trouve dans un secteur maritime revendiqué comme zone économique exclusive (ZEE) par Athènes. La réponse turque a été de survoler les îles grecques avec des avions de chasse et de mettre des navires de guerre dans la zone. Il convient de rappeler que la Turquie n'est pas signataire de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer et ne prend donc pas en compte les ZEE revendiquées par la Grèce et Chypre.
L'escalade militaire ne s'est pas arrêtée là et une frégate grecque est entrée en collision avec une frégate turque accompagnant l'Oruç Reis, ce qui a poussé la France à agir. Le président français, Emmanuel Macron, a annoncé le renforcement temporaire de la présence militaire française en Méditerranée, avec l'envoi de deux avions de chasse Rafale et de la frégate navale Lafayette.
La militarisation de la région est devenue visible sur l'île grecque de Kastelorizo. Le gouvernement turc a accusé les Grecs d'avoir envoyé des troupes sur l'île et d'avoir ainsi violé le traité de Paris de 1947 que les deux pays ont signé pour décider des termes de la paix après la Seconde Guerre mondiale. Le désarmement de cette île était sous les garanties de l'accord de paix, aussi Ankara a-t-elle annoncé qu'elle ne permettrait pas « ces provocations au large de nos côtes ». Pour sa part, Athènes a assuré que les militaires étaient déjà déployés sur la petite île et que les derniers mouvements n'étaient qu'une rotation de troupes de routine.
Les tensions entre les deux membres de l'Alliance de l'Atlantique Nord (OTAN) ont inquiété Bruxelles. L'Union européenne a soutenu la position d'Athènes et envisage des sanctions contre la Turquie, mais plusieurs appels à la compréhension mutuelle ont été lancés par Bruxelles pour les deux parties au conflit. Il y a deux positions dans ce conflit : une position plus dure avec la Turquie, incluant la France, la Grèce et Chypre, et une ligne plus conciliante impliquant l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne. Le ministre allemand des affaires étrangères, Heiko Maas, s'est rendu en Grèce et en Turquie la semaine dernière pour encourager le dialogue et a mis en garde les deux gouvernements contre une nouvelle escalade militaire. Berlin, qui assure la présidence de l'Union européenne, prend la tête de cette crise en Méditerranée. Le Conseil européen devrait prendre ces sanctions à la fin de ce mois.