La Turquie redéfinit son rôle en Syrie en soutenant la nouvelle armée et en maintenant sa présence militaire

Le président turc Recep Tayyip Erdogan s'exprime lors du Forum d'affaires Malaisie-Turquie lors de sa visite de travail en Malaisie, à Putrajaya, le 11 février 2025 - REUTERS/Hasnoor Hussani
Ankara consolide son influence régionale grâce à une stratégie à long terme axée sur la sécurité des frontières et le retour des réfugiés 

La Turquie a opéré un tournant stratégique significatif dans sa politique envers la Syrie. C'est ce qu'a confirmé le ministre de la Défense, Yasar Guler, qui a révélé qu'Ankara fournissait une formation et des conseils à la nouvelle armée syrienne, tout en renforçant ses capacités défensives. Il a toutefois précisé qu'il n'y avait pas de plans immédiats pour retirer les plus de 20 000 soldats turcs déployés dans le nord du pays voisin. 

Cette présence prolongée et de plus en plus structurelle reflète une stratégie à long terme qui va au-delà du simple soutien logistique. La Turquie cherche non seulement à maintenir sa sécurité frontalière et à combattre les groupes kurdes qu'elle considère comme terroristes, mais aussi à devenir un acteur clé dans la reconfiguration de l'avenir de la Syrie. Selon Guler, tout retrait ne sera envisagé que lorsque la paix, la stabilité totale, le retour en toute sécurité des réfugiés et l'élimination complète des menaces dans la région auront été assurés. 

Le changement est notable. La Turquie est passée du soutien à certains groupes d'opposition à l'un des principaux alliés du nouveau gouvernement syrien, issu de la chute de Bachar al-Assad en décembre dernier. Cette évolution témoigne d'un pragmatisme renouvelé dans la politique étrangère turque, qui mise désormais sur la coopération entre États pour protéger ses intérêts, même si cela implique de reconfigurer d'anciennes alliances. 

L'influence d'Ankara se manifeste sur plusieurs fronts. Outre son soutien militaire, la Turquie s'est engagée à collaborer à la reconstruction de la Syrie et à faciliter le retour de millions de réfugiés. Elle a également joué, aux côtés de l'Arabie saoudite, un rôle crucial dans la levée des sanctions internationales imposées par les États-Unis et l'Union européenne, renforçant ainsi sa position diplomatique dans la région. 

Le président syrien Ahmed al-Sharaa rencontre le président américain Donald Trump et le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane en Arabie saoudite - Saudi Press Agency via REUTERS

Cependant, ce regain d'influence turque en Syrie n'est pas sans friction. Israël, en particulier, observe avec inquiétude le renforcement des relations entre Ankara et Damas. Les frappes aériennes israéliennes dans le sud de la Syrie se poursuivent, tandis que les deux puissances régionales mènent des discussions discrètes pour éviter une escalade militaire directe. 

Guler a souligné que ces réunions avec Israël sont de nature technique et visent à mettre en place un mécanisme de résolution des conflits. « Il ne faut pas confondre ces canaux avec une normalisation des relations », a précisé le ministre à Reuters, indiquant clairement que la Turquie maintient une ligne dure face aux actions israéliennes, en particulier à Gaza. 

Le président turc Recep Tayyip Erdogan - REUTERS/Hasnoor Hussani

Ankara trace une nouvelle feuille de route en Syrie : consolider sa présence militaire, remodeler le système de sécurité de son voisin et gérer les tensions régionales sans compromettre ses principes géopolitiques. Cette stratégie ambitieuse et soigneusement calibrée pourrait redéfinir l'équilibre des pouvoirs au Moyen-Orient pour les années à venir.