Une délégation israélienne se rend à Moscou pour empêcher la fermeture de l'Agence juive
Le bureau du nouveau Premier ministre israélien, Yair Lapid, a annoncé mercredi qu'une délégation hébraïque se rendrait à Moscou le 27 juillet au soir. La réunion, initialement prévue dimanche, a lieu un jour avant la première audience de l'appel russe visant à "dissoudre" les bureaux de l'Agence juive. Elle doit servir d'espace de négociation et de rapprochement avec les responsables du Kremlin, afin d'empêcher la fermeture de la branche locale de l'organisation.
La semaine dernière, le ministère russe de la Justice a officiellement déposé un recours auprès du tribunal de district de Basmanny à Moscou, affirmant que l'Agence juive a violé les lois du pays en matière de protection de la vie privée et qu'elle doit donc être fermée. D'autres preuves et détails devraient maintenant être présentés lors de la première audience prévue pour le jeudi 28.
La délégation légale doit "être prête à partir pour Moscou dès que l'approbation russe pour les pourparlers sera reçue", et s'efforcera "d'épuiser tous les dialogues légaux et diplomatiques" pour résoudre le conflit, tels étaient les ordres du leader Yair Lapid dans cette situation, dès dimanche. Cependant, le refus du Kremlin de délivrer les visas nécessaires jusqu'à lundi soir a retardé le voyage des représentants hébraïques, et a accru la tension entre les deux puissances.
L'Agence juive pour la Terre d'Israël, qui a été fondée en 1929 et a joué un rôle clé dans la création de l'État d'Israël (en 1948), est aujourd'hui la plus grande organisation juive à but non lucratif au monde. Bien qu'elle se prétende officiellement indépendante, ses liens étroits avec l'État d'Israël en font une institution quasi-gouvernementale, dont l'un des principaux objectifs est de faciliter la migration de personnes juives de n'importe quel pays du monde vers le territoire juif.
Son action sur le sol russe a débuté lorsque la Russie faisait encore partie de l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), en 1989 - deux ans avant la chute du régime - et a ainsi contribué au départ de centaines de milliers de Juifs d'URSS lors du déclin du géant communiste.
"Les relations entre la Russie et Israël sont fondées sur une longue histoire, une communication régulière et des intérêts mutuels", a déclaré il y a quelques jours un porte-parole du Premier ministre Yair Lapid. "Et la communauté juive est au cœur de ces relations". Toutefois, le récent appel du ministère russe de la Justice aux autorités judiciaires du pays, demandant la fermeture de la branche locale de l'Agence juive, semble refléter une situation très différente.
Alors que les liens russo-israéliens se sont progressivement détériorés depuis le début de l'offensive russe en Ukraine, l'arrivée récente de Yair Lapid (ministre des Affaires étrangères sous Naftali Bennet) à la tête du gouvernement hébreu n'a fait qu'accentuer les incompréhensions.
"Cela ne s'est pas produit sous [l'ancien Premier ministre Naftali] Bennett. Cela ne s'est pas produit sous [l'ancien Premier ministre Benjamin] Netanyahu. Il y a quelque chose dans ce gouvernement", a déclaré l'analyste politique Ksenia Svetlova au Times of Israel. La rhétorique sévère de Yair Lapid contre l'"opération militaire spéciale" de Moscou sur le sol ukrainien - qu'il a décrite comme une violation de l'"ordre mondial" - bien que prudente, est loin de la position adoucie de son prédécesseur, Naftali Bennett, qui limitait les critiques directes de l'invasion et s'efforçait de jouer un rôle de médiateur entre Kiev et Moscou.
Les analystes ont donc affirmé que la tentative de démantèlement de l'Agence juive de Russie pourrait n'être rien d'autre qu'un avertissement du Kremlin en réponse à la condamnation continue de l'invasion par Lapid.
"La fermeture des bureaux de l'Agence juive serait un développement grave qui affecterait les relations", a prévenu Yair Lapid lors d'une réunion avec les chefs de gouvernement dimanche. Et tandis que le porte-parole du président russe, Dmitri Peskov, exhortait Israël à "ne pas politiser la situation, à ne pas la projeter sur l'ensemble des relations russo-israéliennes" et à "adopter une attitude prudente vis-à-vis de la situation", Nachman Shai, ministre israélien des Affaires de la diaspora, n'a pas tardé à lancer un avertissement : "Les Juifs russes ne seront pas pris en otage par la guerre en Ukraine. La tentative de punir l'Agence juive pour la position d'Israël sur la guerre est déplorable et offensante".
Pour sa part, l'ambassadeur Arkady Mil-Man a fait valoir, dans un article publié par l'Institut israélien d'études de sécurité nationale, que d'autres raisons pourraient expliquer cette décision, notamment une hausse significative du sentiment antisémite dans le pays, la réponse inadéquate de l'Agence juive elle-même et une intolérance croissante à l'égard des entités étrangères. Cela a été mis en évidence par le Kremlin qui a récemment élargi le concept d'"agent étranger" pour inclure toute entité qui reçoit un soutien étranger et s'engage dans des actions jugées contraires à l'intérêt national.
Depuis le début de la guerre, l'organisation israélienne a facilité le transfert de milliers d'Ukrainiens et de plus de 10 000 Russes vers le territoire juif en vertu de la "loi du retour". De ce fait, elle abrite déjà une population russophone d'environ 1,2 million de personnes.
Et si Israël n'a pas imposé de sanctions à Moscou, comme l'ont fait ses partenaires occidentaux, ni envoyé d'aide militaire à l'Ukraine, le gouvernement hébreu a envoyé une aide humanitaire et des cargaisons de casques et de gilets pare-balles au pays attaqué, et a qualifié l'offensive russe d'"invasion injustifiée". Mais même dans sa position critique, Lapid n'a pas voulu perdre complètement la retenue rhétorique, car son alliance avec le Kremlin est essentielle pour maintenir des positions d'attaque contre les milices iraniennes et les groupes liés à Téhéran (principal ennemi régional d'Israël) sur le territoire syrien, où les troupes de Moscou soutiennent le régime de Bachar al-Assad.