Libye : violences faites aux migrants dans les centres de détention
De multiples ONG dénoncent la situation migratoire en Libye, où les migrants subissent des abus continus dans les centres de détention libyens contrôlés par le gouvernement de Tripoli ou par des groupes criminels. Les bateaux transportant des réfugiés vers l'Europe sont interceptés par les garde-côtes libyens et renvoyés vers des centres de détention, en partie grâce à un financement européen. En d'autres occasions, les migrants parviennent à atteindre le sol européen, généralement la Sicile, car c'est la région européenne la plus proche de la côte libanaise, où la plupart sont également refoulés.
Un rapport publié par Médecins pour les droits de l'homme (MEDU), basé sur les témoignages de migrants recueillis dans la ville sicilienne de Ragusa, décrit la situation comme insupportable pour les détenus de ces centres. Certains des migrants qui ont parlé à MEDU de leurs expériences témoignent actuellement lors d'un procès dans la capitale sicilienne.
C'est pourquoi MEDU a exhorté le gouvernement italien à exiger le respect des droits de l'homme des migrants comme condition indispensable à la coopération avec la Libye. "Même s'il est du devoir de l'Italie de coopérer avec la Libye pour contribuer à son processus de stabilisation et de démocratisation, notre gouvernement ne peut pas ignorer hypocritement les très graves violations des droits de l'homme commises à l'encontre de dizaines de milliers de migrants détenus et placés dans des centres de détention informels", a déclaré un porte-parole de MEDU.
Les législateurs italiens ont approuvé le renouvellement du financement de la formation des garde-côtes libyens. Le programme de formation s'inscrit dans le cadre des missions militaires de l'Italie à l'étranger. Des partis comme Italia Viva ont refusé de voter pour l'initiative. L'un de ses membres, Giuseppina Occhionero, a déclaré qu'il était essentiel d'exercer une pression maximale sur le gouvernement italien afin d'arrêter et de prévenir ces violations systématiques des droits de l'homme. Parmi ceux qui ont approuvé une aide accrue pour les garde-côtes libyens figurent les Frères d'Italie, un parti dont la popularité est en pleine expansion.
Dans son rapport sur les abus commis dans les camps de détention libyens, Amnesty International a appelé les pays européens à suspendre leur coopération avec la Libye en matière de migration et de contrôle des frontières. Selon le rapport publié le 15 juillet, la Libye est depuis longtemps un pays peu sûr pour les réfugiés et les migrants. Les acteurs étatiques et non étatiques les soumettent à un catalogue de violations et d'abus des droits de l'homme, notamment les homicides illégaux, la torture et autres mauvais traitements, le viol et autres violences sexuelles, la détention arbitraire indéfinie dans des conditions cruelles et inhumaines, et le travail forcé, entre autres. Malgré des exemples bien documentés d'abus horribles commis en toute impunité depuis plus d'une décennie, les États et institutions européens continuent de fournir un soutien matériel et de mettre en œuvre des politiques migratoires qui permettent aux garde-côtes libyens d'intercepter des hommes, des femmes et des enfants qui tentent de se mettre en sécurité en traversant la mer Méditerranée et de les renvoyer de force en Libye.
Il convient de rappeler que la Libye est un État en déliquescence, car son gouvernement ne peut garantir son propre fonctionnement, a perdu le monopole de la force contre les groupes criminels et ne dispose pas des capacités et des ressources nécessaires pour répondre aux besoins essentiels de ses citoyens. Pour cette raison, tous les centres de détention ne dépendent pas du gouvernement ou ne sont pas contrôlés par lui.
On peut se demander pourquoi l'UE continue d'envoyer des paquets d'aide à des pays tels que la Libye ou la Turquie pour retenir à l'intérieur de leurs frontières les personnes cherchant refuge dans l'UE, sachant que ces pays ne respectent peut-être pas les droits de l'homme. Dans le cas de la Libye, cela est non seulement possible, mais a été démontré et dénoncé à de multiples reprises.
En 2016, avec l'arrivée de milliers de réfugiés sur les côtes grecques et italiennes, l'espace Schengen et le régime d'asile européen commun (RAEC) risquaient de s'effondrer. En réponse à la crise migratoire, les États membres ont imposé des mesures unilatérales contraires à la libre circulation qui caractérise l'UE : fermeture unilatérale des frontières, refus de laisser passer les réfugiés vers d'autres États membres, dévalorisation des systèmes d'asile nationaux, etc.
Dès le début, la France a rejeté les migrants arrivant par l'Italie, ce qui est illégal. Peu à peu, cette pratique est devenue de plus en plus courante parmi les États membres, la redistribution des réfugiés au sein de l'UE devenant impossible. Face à cette situation, l'Italie n'a pas pu faire face aux vagues de migrants et a décidé de fermer ses ports. En l'absence d'un consensus minimal pour réformer le RAEC, l'UE a décidé de mettre en place une série de mesures visant à maintenir les réfugiés en dehors de l'UE ou à sa périphérie, de sorte que la gestion des vagues de réfugiés soit externalisée.
Le Conseil européen a inventé deux nouveaux concepts : des plates-formes régionales de débarquement pour "dissuader les migrants d'entreprendre des voyages dangereux" et des centres contrôlés pour prendre en charge les personnes débarquées dans l'UE "sur la base d'un effort partagé". L'idée sous-jacente est que, si les migrants sont "confinés" à l'extérieur des frontières de l'Union, il n'est pas nécessaire d'affronter un débat diviseur sur la solidarité interne des États membres.
Les conditions dans lesquelles les demandeurs d'asile sont détenus en Libye se sont avérées inhumaines et inacceptables, ce qui rend ce système insoutenable à long terme. Il est contradictoire que l'UE, où les droits de l'homme sont respectés, contribue indirectement à ces abus. Il est donc nécessaire de se demander si ce système est le meilleur possible, tout comme le débat sur la solidarité interne est inévitable.