Le Sahara, entre dialogue et guerre

L'oligarchie militaire algérienne précipite une nouvelle dynamique en intensifiant ses provocations contre le Royaume du Maroc.L'appel à la guerre du Polisario a été suivi d'hostilités verbales et de menaces de la part du haut commandement de l'état-major algérien.
Si en politique on choisit habituellement entre le mauvais et le pire, dans le cas du Sahara marocain la décision est entre le dialogue et la guerre. L'équation géopolitique, ainsi posée, n'est pas aussi complexe qu'il y paraît si l'on considère la signification d'une guerre dans la région.
Le Maroc, potentiellement bien positionné, fait face à une Algérie en faillite technique, économique et sociale et, lourdement armée, frappe dans un contexte qui résonne des tambours de la guerre.
Alors que le Hirak appelle avec insistance à la responsabilité et à des changements radicaux aboutissant à la disparition du gouvernement militaire et de ses méthodes inconstantes pour se concentrer sur un gouvernement civil de salut national, le président Tebboune, dans ses dernières déclarations, insiste sur le fait que sa position sur le Sahara reste inchangée, fixant ainsi la ligne à suivre par le Polisario. Le pays saigne précisément parce qu'il a hypothéqué toutes ses richesses, présentes et futures, sur les armements et fait du Sahara sa cause nationale, compromettant ainsi sa propre stabilité politique, économique et sociale. En fait, l'Algérie est dans une crise grave (sans ressources, sans liquidités et sans vaccin) et, surtout, sans savoir comment justifier son échec auprès d'une population en contestation permanente. Les jeunes du Hirak crient "Non aux militaires corrompus", "Oui à un gouvernement civil", "Indépendance", "Sahara marocain", " le Polisario dehors", etc., ridiculisant en outre les militaires pour leur sophisme de première puissance de la région et de leaders de l'Afrique. Le changement de Bouteflika pour Tebboune était un mirage. Et cette fois, Hirak semble déterminé à renverser le statu quo. Même l'annonce récente de la dissolution du parlement et de nouvelles élections pour le 12 juin n'a pas satisfait les masses. Et comme si cela ne suffisait pas, le leader séparatiste de la Kabylie en exil, Ferhat Mehenni, vient d'appeler à un référendum d'autodétermination pour cette région berbère le 20 avril 2021.
L'inflation galopante, la corruption généralisée, la répression, les pénuries et l'extrême pauvreté ont finalement sapé le pouvoir de facto des "généraux". Le marché des capitaux lui refuse tout crédit. La France, lassée des militaires, n'offre que des biens en échange, mais pas de liquidités. Les pays du Golfe refusent de l'aider en raison de sa violence politique et de son alignement sur l'Iran. Ses partenaires traditionnels, la Chine et la Russie, se limitent à lui offrir une aide ponctuelle et humanitaire (don de vaccin, Sinopharm et Sputnik). N'oublions pas que nous parlons d'un pays aux ressources incapables de se débrouiller seul et qui est inclus dans le programme COVAX de l'OMS pour le vaccin anti-COVID-19, destiné spécialement aux pays pauvres.
Ainsi, le régime algérien, qui vit le pire scénario possible, assiste impuissant à son dépassement par le Maroc, qui a su se positionner sur l'échiquier géopolitique et géoéconomique du continent africain. En réponse, les "généraux" ont choisi de hausser encore le ton contre leur voisin, l'accusant de tous les maux. La presse algérienne, unanime, ne cesse de lancer des " fake news " qui dépassent l'éthique déontologique de la profession. Les accusations diffamatoires répétées et leurs transgressions verbales proviennent de l'ensemble de l'establishment algérien. Leurs manœuvres d'intimidation s'étendent également aux États-Unis, à la France et à Israël.
Récemment, une émission de télévision algérienne a tenté de se moquer de Mohammed VI en montrant son spectacle de marionnettes, ce qui n'est pas habituel dans les pays arabes. Un acte offensant, pour le Maroc, qui a mis le feu aux réseaux sociaux. Paradoxalement, un jeune internaute algérien, Walid Kechida, a été condamné le 4 janvier 2021 à trois ans de prison pour "crime contre le président" après avoir publié ses caricatures sur Facebook.
On ne se bat pas à deux sans le vouloir, mais le Maroc est entraîné dans une confrontation guerrière sans le vouloir. Car il est possible que les "généraux", blessés dans leur orgueil, soient prêts à mourir en tuant, dans une fuite en avant désespérée, en s'impliquant militairement dans le Sahara marocain. Une guerre ouverte dans la région reste donc une option plus que probable. La dernière provocation, le 18 mars 2021, a consisté à déposséder de leurs récoltes des agriculteurs marocains qui exploitaient leurs cultures depuis plus d'un demi-siècle, en territoire algérien près de la frontière avec Figuig. Cela rappelle le drame de l'expulsion de plus de 50 000 Marocains d'Algérie en 1975, juste après la Marche verte.
Pour éviter une guerre dans le bassin méditerranéen, il faudrait que le miracle d'un dialogue entre les parties fonctionne. Il est évident que l'Algérie est impliquée et participe activement au conflit et est déjà mentionnée dans les dernières résolutions de l'ONU. Le Front Polisario, affaibli et divisé, n'est qu'un instrument aux ordres de l'Algérie et n'a pas de bougie dans ces funérailles. A cet égard, le Maroc s'est toujours montré ouvert au dialogue, tendant la main à l'Algérie à plusieurs reprises. Elle n'a pas encore relevé le gant.
Les militaires algériens font constamment appel à l'esprit de leur révolution dans l'espoir qu'une confrontation détournerait l'attention du Hirak et apaiserait la fracture sociale. Car ils semblent avoir besoin d'un certain succès pour justifier leur catastrophe économique et leur politique ratée au Sahara. A cet égard, il convient de noter que le Royaume du Maroc a démontré son pouvoir de retenue dans le maintien de la paix par une diplomatie proactive efficace, là où elle s'est avérée meurtrière.
Un scénario de guerre serait désastreux pour les prétendants, pour la région et pour le continent. Et rien ne serait plus jamais pareil. Tant le Maroc que la communauté internationale, en particulier les États-Unis, la France, l'UE et Israël, ainsi que la société algérienne elle-même, ne toléreraient pas la continuité d'une oligarchie militaire menaçante, sans projet national et de plus en plus "iranisée". Elle ne permettrait pas non plus la formation d'une république sahraouie, surveillée par l'Algérie, sur les côtes atlantiques et au milieu d'une zone en proie à des terroristes incontrôlés. Dans ce contexte hypothétique, la question de l'énorme arsenal détenu par les "généraux" se pose nécessairement. Plus précisément, la priorité serait d'éviter qu'il ne tombe entre les mains des terroristes d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI, dont le chef est un Algérien) et de Daech (dont le chef est un Sahraoui des camps de Tindouf), qui sont très actifs au Sahel.
La communauté internationale, encline à une autonomie du Sahara marocain aux conditions proposées par le Maroc, aura la tâche de forcer le régime algérien au dialogue et le Maroc à ne pas se laisser entraîner dans une guerre ouverte avec l'Algérie.
La banalité du mal ne peut faire taire la parole ni prolonger de façon inhumaine l'agonie des otages sahraouis de Tindouf.
Abdel-Wahed Ouarzazi, professeur de sciences économiques