L'Europe, de partenaire à boulet

<p>El presidente de Estados Unidos, Donald Trump - REUTERS/NATHAN HOWARD</p>
Le président américain Donald Trump - REUTERS/NATHAN HOWARD
Depuis son premier mandat, Donald Trump a manifesté son mépris envers l'Europe, remettant en question l'OTAN et critiquant ses partenaires commerciaux

Et à la veille de son retour au pouvoir, ses positions semblaient confirmer son intention de mépriser un Vieux Continent qu'il perçoit comme soumis et dépourvu d'importance géopolitique pour faire face, rivaliser ou même collaborer avec des puissances telles que la Russie ou la Chine. 

Si la politique de Trump va bouleverser l'ordre mondial, l'Europe sera particulièrement touchée. 

L'hostilité de Trump envers l'Europe a été constante et explicite. Il n'a pas caché son mécontentement face aux maigres contributions européennes à la défense commune, soulignant que les États-Unis sont le principal contributeur et le principal garant de la dissuasion militaire. Et il est prêt à faire payer des droits pour jouer les Oncle Sam.

Fatigué de ce qu'il considère comme la passivité d'un partenaire dépendant et abusif, Trump a en outre répondu par des menaces de retrait de l'OTAN et d'imposition de droits de douane sur les produits européens afin d'équilibrer une balance commerciale qu'il juge défavorable.

Cependant, son attitude transcende la simple négociation bilatérale. Son rapprochement avec la Russie et même la Chine, considérées à la fois comme des concurrents et des partenaires potentiels, reconfigure la géopolitique mondiale et modifie l'axe transatlantique traditionnel. En marginalisant l'Europe, Trump ne recherche pas seulement des avantages économiques, mais se libère d'un fardeau pour favoriser les intérêts américains au-delà de ce qui est politiquement correct. 

Sa mépris pour le leadership européen se reflète dans son traitement de l'Ukraine et de son président, Zelenski, qu'il a qualifié de manière désobligeante. Cette position laisse l'Europe dans une position d'incertitude concernant la guerre en Ukraine, avec des implications directes pour la sécurité continentale. Le scénario comprend des concessions territoriales à la Russie, l'exploitation partagée des ressources rares ukrainiennes. 

La principale source d'inquiétude pour l'Europe est la sécurité. La menace d'un retrait américain de l'OTAN pose un défi sans précédent, poussant l'Union européenne à envisager une autonomie défensive qui, bien que nécessaire, s'avère difficile dans un contexte de divisions politiques internes. Le sommet d'urgence convoqué par Macron à Paris le 18 février 2025 s'est avéré infructueux : aucun accord n'a été trouvé pour déployer des forces européennes en Ukraine, ce qui témoigne d'un manque de cohésion. 

Alors que certains pays de l'Est, comme la Serbie, la Croatie, la Hongrie et la Slovaquie, affichent leur sympathie ou leur soutien ouvert à Moscou, beaucoup d'autres gardent un silence absolu. Cette fragmentation mine la capacité de l'Europe à répondre de manière unie à la pression russe, qui profiterait du retrait américain pour étendre son influence. 

L'empire de Trump s'étend également à la politique intérieure européenne. La montée du populisme en Italie, en Allemagne, en Hongrie et en France, entre autres, inspirée par son style et son discours, alimente les nationalismes, les rhétoriques anti-immigration, les politiques de fermeture des frontières, la remise en question des institutions multinationales, etc. Tout cela menace l'Union européenne et ravive les craintes de fragmentation. L'histoire nous rappelle que les deux guerres mondiales ont été préparées dans une Europe divisée, avec des rivalités nationalistes incontrôlées. Le risque de répéter ce scénario ne peut être sous-estimé. 

L'Europe et sa soumission inconditionnelle aux États-Unis ne se plient plus aux ambitions du président américain ; en outre, le fouillis bureaucratique de 27 administrations, au sein d'une UE qui se limite à être une entité économique, sans véritable pouvoir politique, la place devant un choix historique. 

À cela s'ajoutent ses constantes contradictions. L'expansion européenne vers les pays de l'Est sans intégrer la Russie dans sa sphère économique en raison de différences sur la conception de la démocratie et le respect des droits de l'homme contraste avec son silence face au génocide sioniste à Gaza. 

En dehors de l'Europe, la politique étrangère de Trump maintient sa fermeté dans les alliances stratégiques avec le Royaume-Uni, l'Asie et le Moyen-Orient. 

En Asie, l'annexion de Taïwan à la Chine n'est pas si farfelue après une réorganisation complexe des chaînes d'approvisionnement en microprocesseurs de l'île vers les États-Unis. 

Il est probable que la coalition « Trump-Poutine » mette fin aux régimes iranien et yéménite, farouches opposants au régime sioniste israélien, en consolidant les alliances avec l'Arabie saoudite dans le cadre des Accords d'Abraham. Cependant, la proposition de faire de Gaza une destination touristique ne sera pas acceptée par les pays arabes, alliés traditionnels des États-Unis. 

En Afrique du Nord, la position de l'Égypte sur la crise à Gaza n'est pas sans poser un dilemme à Trump et à son partenaire Netanyahou. À l'autre extrémité, le Maroc bénéficiera d'une coopération renforcée, notamment en ce qui concerne le Sahara, en reprenant les projets en cours, comme l'ouverture d'un consulat à Dakhla. En outre, une étape décisive sera franchie dans la résolution du conflit devant le Conseil de sécurité de l'ONU, soutenue par l'appui majoritaire de la communauté internationale au plan d'autonomie sous souveraineté marocaine. 

L'Europe est confrontée à un « tir ami » qui lui fait perdre, en plus de sa défense, de l'importance géopolitique. La loyauté transatlantique qui l'a maintenue au cours des quatre-vingts dernières années en tant que « puissance boutique », comme l'a définie Macron, l'oblige désormais à une plus grande autonomie qui mettra à l'épreuve sa capacité à redéfinir sa sécurité et son rôle sur la scène mondiale sans tutelle. Dans le cas contraire, elle ne serait qu'un pion sur l'échiquier de Washington, Moscou et Pékin. 

Quelqu'un a dit que la folie, c'est de maintenir indéfiniment le même statu quo et d'attendre des résultats différents. Le président des États-Unis est un homme d'affaires en quête de succès et d'un bilan final fructueux qui justifie son slogan « Make America First Again ». Ses décisions visent ainsi des résultats immédiats et des bénéfices tangibles pour le pays ; et ses actions ne sont que de simples transactions économiques qui déconcertent les experts en relations internationales. 

Donald Trump n'agit pas de manière improvisée. Il n'obtiendra probablement pas tout ce qu'il se propose. Cependant, sa position répond à une logique d'entreprise visant à maximiser les profits. Analyser ses mouvements à partir de la théorie institutionnaliste des coûts de transaction (R. Coase) permet de comprendre que, pour Trump, la politique est un commerce à grande échelle.