Une désintégration ordonnée au Maghreb et une nouvelle carte politique au Sahel ?

Horizons Institut Geopolitique
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La reconfiguration géopolitique qui se dessine actuellement dans l’espace MaghrebSahel est le fruit d’une convergence de facteurs historiques, économiques et sécuritaires
  1. Complémentarités naturelles et obstacles artificiels
  2. L’obstacle algérien
  3. Le maroc comme pays charnière
  4. Scénario de reconfiguration 2025-2035
  5. Implications et perspectives

Les frontières héritées de la colonisation, tracées arbitrairement selon les intérêts des puissances européennes, ont créé des États artificiels ignorant les réalités ethniques, culturelles et économiques séculaires. Cette division artificielle est aujourd’hui remise en cause par la nécessité d’un développement intégré de la région et l’impératif de stabilisation du Sahel.

La multiplication des initiatives de développement régional, particulièrement celles portées par le Maroc, exige une réorganisation territoriale cohérente. L’African Atlantic Gas Pipeline, l’Initiative pour l’accès à l’Atlantique des pays du Sahel, ou encore le projet de liaison ferroviaire Le Caire-Tanger, ne peuvent atteindre leur plein potentiel dans le cadre des frontières actuelles. Ces projets structurants nécessitent un espace fluide, intégré, où les complémentarités naturelles peuvent s’exprimer pleinement.

L’échec répété des approches purement sécuritaires au Sahel démontre la nécessité d’un changement de paradigme. De l’opération Serval à Barkhane, en passant par les différentes initiatives du G5 Sahel, toutes les tentatives de stabilisation focalisées uniquement sur l’aspect militaire ont échoué. Cette leçon historique impose une approche nouvelle, combinant sécurité et développement dans un cadre territorial repensé.

Complémentarités naturelles et obstacles artificiels

Les espaces Maghreb et Sahel présentent des complémentarités géostratégiques naturelles évidentes. Le Maghreb offre un double accès à la Méditerranée et à l’Atlantique, tandis que le Sahel constitue la profondeur stratégique indispensable vers l’Afrique subsaharienne. Cette complémentarité naturelle, qui a historiquement structuré les échanges transsahariens pendant des siècles, se trouve aujourd’hui entravée par des frontières coloniales qui ignorent les réalités historiques, ethniques et économiques.

L’obstacle algérien

L’Algérie constitue actuellement l’obstacle majeur à toute intégration régionale. Le projet emblématique de liaison ferroviaire Le Caire-Tanger, vital pour le développement nord-africain, reste bloqué par son intransigeance. Cette obstruction systématique aux projets d’intégration régionale s’accompagne de tensions avec pratiquement tous ses voisins : relations exécrables avec le Maliconflit larvé avec le Maroc, tentatives de déstabilisation, tensions avec la Tunisie et la Libye.

L’aveuglement géostratégique du régime algérien se manifeste également dans ses choix diplomatiques hasardeux. Le récent soutien au régime Assad, alors même qu’un consensus international se dessine pour son départ, illustre cette incapacité chronique à lire les évolutions géopolitiques mondiales. Cette myopie stratégique, combinée à une économie non diversifiée et une armée en perte de capacités, précipite l’isolement du pays.

Le maroc comme pays charnière

Dans ce contexte, le Maroc émerge naturellement comme pays charnière grâce à sa position géographique unique. Sa double façade maritime, sa proximité avec l’Europe et sa profondeur africaine en font un hub naturel pour l’intégration régionale. Cette position s’accompagne d’une expertise éprouvée en matière de développement intégré, illustrée par la réussite de grands projets structurants et une vision holistique du développement.

Le leadership marocain s’exprime à travers plusieurs initiatives majeures : l’African Atlantic Gas Pipeline (AAGP), projet de 25 milliards de dollars constituant l’épine dorsale d’une nouvelle intégration régionale, l’Initiative pour l’accès à l’Atlantique des pays du Sahel, l’Alliance des États Africains Atlantiques, le projet Dakhla Gateway et les corridors économiques Est-Ouest.

Scénario de reconfiguration 2025-2035

Cette analyse projette une recomposition majeure avec :

  • Le retour au Maroc des territoires du Sahara oriental dont il avait été amputé
  • L’émergence d’un nouvel État fédéré sahélien intégrant une partie du Sud algérien
  • Une Algérie recentrée sur l’ancienne régence d’Alger
  • Une Kabylie indépendante
  • Un plan massif de modernisation pour la nouvelle Algérie et la Kabylie

Cette reconfiguration est favorisée par la nouvelle doctrine américaine non-interventionniste et l’acceptation d’une cohabitation russo-américaine dans la région. Le soutien financier international et l’implication des acteurs économiques globaux facilient cette transition ordonnée.

Implications et perspectives

La mise en œuvre exige une gestion ordonnée des transitions, des garanties internationales solides et un accompagnement économique substantiel. Les bénéfices attendus incluent une stabilité régionale renforcée, une intégration économique approfondie, un développement plus équilibré et une réduction des tensions ethniques.

Cette reconfiguration géopolitique majeure ouvre la voie à un nouvel ordre régional plus stable et prospère, fondé sur le respect des réalités historiques et ethniques tout en s’intégrant dans une dynamique de développement moderne et durable.

Abdelhakim Yamani. Institut Géopolitique Horizons