Ben Salmane abolit la flagellation

Mohamed bin Salman

Le jeune Roi d’Arabie Saoudite, Mohammad ben Salmane nous a habitués à des sorties médiatiques toujours singulières et stupéfiantes. Le monarque trentenaire fait beaucoup parler de lui depuis qu’il a pris le pouvoir en juin 2017, et il faut l’avouer, c’est souvent en mal. L’ombre de Khashoggi, le journaliste saoudien assassiné dans son ambassade à Ankara plane toujours sur le royaume et a éclaboussé jusqu’à ses plus hauts dignitaires et surtout écorné l’image du jeune roi réformateur et moderne. Mais cette fois-ci, c’est différent. Des actions d’envergure ont être mise en place pour redorer le blason du royaume. Aujourd’hui, M.B.S, s’impose en réformateur et introduit des changements importants dans le code pénal saoudien : il abolit la flagellation et la peine de mort pour les mineurs. Une réforme de taille attendue depuis bien longtemps et saluée à juste titre par les instances internationales. 

Pour mémoire, la pratique de la flagellation était applicable dans les cas du Hudud (les limites) qui tombent sous le coup de la charia selon la conception du royaume saoudien. En clair, on y avait recours pour punir toute relations sexuelles hors mariage, pour une simple consommation d’alcool et bien évidemment pour tout soupçon d’apostasie. Les images insoutenables de Raëf Badaoui, condamné à mille coups de fouets pour injure à la religion continueront à nous hanter longtemps encore. Dans le nouveau code, dont on ne connait pas encore la date d’application, des peines de prison et des amendes remplaceront ces pratiques barbares. 

Ces réformes sont audacieuses au pays du Wahabisme. L’Arabie Saoudite prône un Islam sunnite rigoriste d’obédience hanbalite. Cet Islam préconise une lecture littéraire du coran en opposition à toute lecture spirituelle salvatrice. En clair, c’est le mot qui prime sur l’esprit d’où sa rigidité. Qu’on le veuille ou non ce qui se passe en Arabie Saoudite concerne tous les pays musulmans. L’image de l’Islam y est attachée. La monarchie gardienne des lieux saints, reste un modèle pour les musulmans sunnites et c’est à cette aune qu’il faudrait mesurer ces progrès également.

Ces amendements judiciaires s’inscrivent dans un chantier de réformes sociales entamées par M.B.S pour assoir son pouvoir et moderniser ce pays qui semble hors du temps. Depuis 2018, les femmes qui étaient assujetties à voyager sous tutelle masculine sont autorisées à se rendre à l’étranger sans requérir au préalable l’agrément du référent masculin comme ce fut le cas depuis longtemps. Une décision qui n’a pas plu à tout le monde dans ce pays connu pour son conservatisme. Mais Ben Salmane règne en maître absolu et affirme que toute personne âgée d’au moins 21 ans, sans distinction de sexe, a droit à un passeport saoudien et peut voyager librement. Aujourd’hui à Riad on peut même croiser des saoudiennes non voilées. Depuis, qu’elles ont fait tomber leurs abaya et même si elles sont sévèrement critiquées et montrées du doigt, elles poursuivent leur émancipation, exercent leur liberté et peu importe le prix qu’elles doivent payer. Les femmes saoudiennes ont été autorisées à conduire également, ce qui était un sacrilège il y a quelques années. 

En perpétuel guerre et en émulation avec les monarchies du Golfe, l’Arabie-Saoudite veut être regardée autrement, entrer dans le XXIème siècle. A l’heure où Abu Dhabi s’est offert le Louvre et que le Qatar s’est positionné, depuis plusieurs années, en soutien avéré des cinémas arabes à travers le mastodonte, Doha Film Institute, l’Arabie Saoudite traîne une réputation de monarchie bédouine hors temps et en dehors de notre civilisation.

Pour pallier à cette réputation qui lui colle à la peau, M.B.S a lancé de grands chantiers de divertissements et veut même repositionner son pays touristiquement. Jeddah World Fest est un de ces outils de changement. Le festival qui s’étend sur 66 jours a même convié la sulfureuse Nicky Minaj à se produire sur les terres saintes ainsi que la légèrement vêtue star libanaise, Nancy Ajram. La rappeuse américaine avait fini par décliner l’invitation après avoir été prise à parti par ses fans, ONG et autres activistes des droits humains. « Je pense qu'il est important pour moi de manifester clairement mon soutien aux droits des femmes, à la communauté LGBTQ et à la liberté d'expression », a-t-elle fini par annoncer avant de se retirer. Aussi un festival de cinéma a été créé au pays de la Charia et souhaite rivaliser avec les festivals du Caire et autres tapis rouges du moyen Orient. Et même si le Festival de la mer rouge, a été annulé cette année à cause la pandémie, la volonté de s’ouvrir au septième art est toujours d’actualité. 

Le pays dont a hérité M.B.S n’est pas à sa première tentative de modernisation même si cela pourrait prêter à sourire. Des réformes avaient déjà été entreprises il y a bien longtemps par le Roi Fayçal. Ce qui lui a, d’ailleurs, coûté la vie. Le Monarque fils de Abdelaziz ibn Saoud qui a accédé au pouvoir en 1964, a été un fin stratège, réformateur et visionnaire. Fayçal s’était battu contre le clergé de son époque pour éduquer les femmes et s’est confronté au refus féroce des conservateurs. C’était un monarque en avance sur son temps. Sa volonté de moderniser son pays était honnête mais nous sommes au début des années 70. A l’époque il n’y avait pas internet et le peuple saoudien n’était même pas prêt à accepter la télévision. Le roi a dû se battre pour autoriser la première station télévisée du pays ! Des émeutes mémorables avaient éclaté à cette annonce pour l’interdire. 

Si le Roi Fayçal a été un véritable équilibriste jonglant entre les courants réformistes et conservateurs, M.B.S lui, semble prendre ses décisions en toute diligence et sans rendre de compte à personne sinon à lui-même et cela va aussi bien de ses bonnes que de ses mauvaises décisions. N’oublions pas que selon les rapports de Human Rights Watch 184 personnes ont été exécutées en 2019 en Arabie Saoudite et beaucoup de prisonniers d’opinion croupissent toujours dans les prisons saoudiennes.