Israël et les Arabes

La nouvelle est tombée comme un couperet. Les Emirats Arabes unis ont signé un accord de normalisation avec Israël. Très vite il s’en est suivi un tollé d’indignation du côté des Palestiniens qui se sont senti trahis par un pays frère. L’autorité palestinienne a fortement condamné ce qu’elle a qualifié de « trahison de Jérusalem, de la mosquée Al-Aqsa et de la cause palestinienne ».
Mahmoud Abbas a vite fait de rappeler son ambassadeur aux Emirats pour marquer son mécontentement et a demandé une session extraordinaire auprès de la Ligue Arabe. Mais tout le monde le sait et le dit haut et bas, « la Ligue Arabe c’est beaucoup de paroles et très peu de décisions ».
C’est sous la houlette de Donald Trump que le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, et Mohammed Ben Zayed sont parvenus à cet accord, s’en est félicité le président américain.
Les Emirats Arabes n’ont cessé de se défendre pour justifier la normalisation en brandissant la carte de la paix. Hind al Otaiba, directrice de communication du ministère des affaires étrangères émirati a annoncé dans un tweet que cet accord tripartite a « a abouti à un accord pour mettre fin à l'annexion israélienne des terres palestiniennes ».
La maison blanche dans un communiqué de presse, a de son côté assuré qu’Israël va plutôt suspendre la déclaration de souveraineté sur les zones de Cisjordanie évoquée dans le plan de Trump. Netanyahou s’est vite empressé de rajouter qu’il ne renonçait pas à l’annexion de Jérusalem.
C’est donc dans les nuances que se fait la diplomatie. Israël s’est réjouie, en revanche, des futurs accords bilatéraux en matière de tourisme, d’investissement, de sécurité et de télécommunications qui vont être signé dans les semaines qui arrivent et dont les contenus seront rendus public prochainement a-t-on promis.
Si la nouvelle a choqué beaucoup de monde, ceux qui s’intéressent un peu à la question savent que des rapprochements entre Israël et les E.A.U ont déjà été consentis. En octobre 2018, la ministre israélienne de la culture et du sport Miri Regev s’était rendue à Abu Dhabi dans une visite de travail. Elle était à ce titre la première Israélienne à se rendre sur le sol des Emirats officiellement. La ministre est pourtant bien connue pour son extrémisme et ses déclarations racistes et anti-arabes. Il s’en est suivi une série de visites comme celle du ministre de la communication Ayoub Kara et le ministre des affaires étrangères Yisrael Katz et même celle, plus discrète de Nétanyahou.
Depuis l’annonce de la normalisation, les réactions d’indignation se sont succédées dans les pays arabes. Les appels au boycott des Emirats ont fusé de part et d’autre et on a appelé à une position commune au nom de la oumma (la communauté) arabe et musulmane.
Où est le monde arabe ? se demandent les internautes sur les réseaux sociaux. La réponse est : nulle part. Le monde arabe n’a jamais existé et il n’existera jamais. C’est une utopie dont il faudrait s’en défaire.
Cet accord de normalisation est peut-être l’occasion de s’arrêter sur cette escroquerie historique que nous avons tous étudié à l’école, entendu, lu…
La question de la Palestine et ce qui se passe dans les territoires occupés devrait interpeller en dehors de l’ethnie, de la religion, de la langue. Elle touche avant tout aux droits humains et au vivre ensemble et il faudrait la traiter entant que telle.
S’il faut boycotter des pays arabes qui ont des rapports avec Israël, certains y laisseront leur peau !
L’Egypte reconnait Israël et des représentations diplomatiques dans les deux pays existent depuis les accords de Camp David. Les Israéliens peuvent se rendre en Egypte sans être inquiété ce qui n’est pas le cas pour les Palestiniens souvent malmenés dans les aéroports égyptiens. Il y a à peine deux ans l’acteur palestinien Ali Selimane avait été interdit de rentrer en Egypte pour faire partie du jury du festival du film d’El Gouna tandis que le tourisme israélien fait vivre tout le Sinaï égyptien.
Suite aux accords d’Oslo et en 1994, la Jordanie a également reconnu Israël. Je ne connais, par ailleurs, personne dans le « monde arabe » qui boycotte les Etats-Unis (même après le deal du siècle et l’annexion de Jérusalem).
Depuis 2018, Riad flirt avec Tel Aviv. Mohammed Ben Salman affirmait qu’Israël a le « droit d’exister ». Personne n’a boycotté l’Arabie Saoudite et le pèlerinage à la Mecque continue d’enrichir la monarchie saoudienne.
Rien ne peut freiner les intérêts stratégiques communs que se partagent ces deux pays. L’Arabie Saoudite est prête à tout pour diminuer l’influence de son grand ennemi, l’Iran et comme le dit le vieil adage, l’ennemi de mon ennemi est mon ami. L’axe Riad-Washington-Tel Aviv auquel s’ajoute maintenant les Emirats Arabes Unis n’est qu’un rempart contre l’Iran.
On sait par ailleurs que le Kuweit et le sultanat d’Oman vont également vers une normalisation des relations avec Israël.
Il faudrait peut-être se faire à l’idée que la paix entre Israël et la Palestine ne viendra pas de l’extérieur mais de l’intérieur. Un plan de paix entre les deux pays ne sera effectif qu’en respectant les lignes définies en 1967.