L’Accord d’Istanbul, le retrait de trop !

Atalayar_Convenio Estambul Turquía

A l’heure où la livre turque ne cesse de se déprécier atteignant des chiffres record, Recep Tayyip Erdoğan réussi à détourner l’attention des problèmes économiques et crée la polémique en se retirant de la Convention d’Istanbul. L’accord en usage depuis 2014, oblige les gouvernements à se doter d’une forte législation pour protéger les femmes des violences domestiques et des abus tels que le viol conjugal et la mutilation génitale féminine pour ne citer que ceux-là. Mais qu’en est-t-il aujourd’hui à l’heure où la situation des femmes turques n’a cessé de se détériorer ?  Selon les ONG en place, trois femmes sont assassinées en Turquie chaque jour ! (En Europe on parle d’une femme tous les trois jours). 

Aussi alarmants qu’ils soient, ces chiffres sont en deçà de la réalité et les femmes continuent de subir une société qui se radicalise au profit du mâle dominant.

A titre d’exemple, le gouvernement actuel tente d’alléger les peines des violeurs qui épouseraient leurs victimes.  Une législation qui existait dans le Moyen Orient et qui a été abrogée dans de nombreux pays dont le Liban et la Jordanie. Si les violences envers les femmes n’ont jamais cessé, elles ont triplé en 2020 de par le monde et la Turquie n’échappe pas à la règle. Les mesures de restrictions et de confinement ont touché les populations les plus fragiles et les femmes ont été en première ligne subissant violences physiques et psychologiques.

Mars est le seul mois de l’année où l’on marque une halte pour le faire le bilan en matière des luttes pour les droits des femmes qui ne cessent de reculer un peu partout dans les monde. Se retirer de l’Accord d’Istanbul en ce mois précisément a une forte symbolique et le message qu’envoie le chef de l’Etat aux Turques est dénué de toute ambiguïté. 

Atalayar_Mujeres Turquia

L’année dernière les célébrations de la journée internationale des droits des femmes ont été interdites. Les marches du 8 mars à Istanbul ont été empêchées à grand renfort sécuritaire et les artères principales de la ville ont été fermées. Cette interdiction préparait déjà le terrain à faire taire les voix contestataires.

Le débat public autour de la convention d’Istanbul a culminé en août dernier. Les groupes religieux et conservateurs avaient déployé un grand effort en matière de lobbying contre cet arsenal juridique le considérant comme étant un « danger pour les valeurs familiales turques ».

« Nos lois garantissent les droits des femmes ainsi que notre Constitution. Notre système judiciaire est suffisamment dynamique et solide pour mettre en œuvre de nouvelles réglementations si nécessaire », a twitté la ministre de la Famille et des Politiques sociales, Zehra Zumrut Selcuk. 
Mais toute rhétorique politique est vaine devant les faits. 78 féminicides ont été commis depuis le début de l’année en Turquie et aucune mesure n’a été prise pour freiner cette violence.

Pour les femmes, le message du gouvernement est on ne peut plus clair : les hommes peuvent continuer à bafouer leurs droits dans l’impunité générale. « Il est évident que ce retrait va encourager les meurtres, les violes des femmes », a dénoncé la Coalition des femmes turques. 

Atalayar_Mujeres Turquia

Dans un entretien accordé à CNN, l’écrivaine à succès Elif Shafak a déclaré que « le droit des femmes en Turquie est en crise et les violences qu’elles subissent ne cessent de s’accroitre ». L’écrivaine n’est pas la seule à s’inquiéter pour la situation socio-politique de son pays et à l’exprimer. Le 20 mars dernier, les rues d’Istanbul ont été envahies par des milliers de manifestants.

« Annule ta décision, applique le traité ! », ont scandé hommes et femmes. Mais aucune oreille n’a été attentive à ces revendications à l’intérieur du pays.

Le Conseil de l’Europe a considéré ce retrait comme « une nouvelle dévastatrice » qui « compromet la protection des femmes ». L’Europe appliquera-t-elle des sanctions contre Ankara ? Pour l’instant aucune décision dans ce sens n’a été annoncée.

De son côté le président américain Joe Biden, s’est dit déçu et préoccupé par cette décision : « Partout dans le monde, nous assistons à une augmentation des violences domestiques (…). Les pays devraient travailler pour renforcer et renouveler leurs engagements à mettre fin à la violence contre les femmes, et non rejeter les traités internationaux conçus pour protéger les femmes et tenir les agresseurs pour responsables ».

Si les droits des femmes sont bafoués, un modèle masculin est en train de se mettre en place en Turquie, celui de la violence et de la domination.