Les dessous du Gaz de Schiste

La richesse du sous-sol algériens est, à la fois, un cadeau du ciel et un don du démon. A l’heure des bilans et des révoltes, on se rend bien compte que ce qui a donné un coup d’accélérateur à l’économie du pays est également ce qui le conduit aujourd’hui encore à sa perte.
Depuis l’indépendance en 1962, l’Algérie a vécu sous le régime d’une économie basée exclusivement sur la rente pétrolière. Aujourd’hui on apprend qu’elle détient la quatrième plus grande réserve de gaz de schiste au monde après les Etats-Unis, La Chine et l’Argentine. Des quantités bien plus supérieurs à celles du gaz traditionnel dont se prévaut le pays. Se réjouir de ce classement à la seule aune de sa rentabilité immédiate serait une grave erreur d’appréciation. La situation mérite qu’on s’y arrête. Et aujourd’hui plus qu’avant les Algériens ne veulent plus se résoudre à l’inévitable !
Le 23 janvier dernier le président algérien Abdelmajid Tebboune a déclaré : « Le gaz de schiste est nécessaire ». Mais ce n’était pas la seule affirmation choquante du président. Pour rassurer son auditoire, Tebboune prend pour exemple les Etats-Unis. « Les puits de gaz de schistes sont forés au milieu des villas où habitent des citoyens américains », affirme-t-il sans sourciller.
Le président ne semble pas savoir que les braves citoyens américains souffrent depuis de maladies respiratoires, d’allergies, de nuisance sonore et pour couronner le tout, leur eau regorge de méthane et il suffit d’approcher sa cigarette d’un peu trop près d’une carafe d’eau pour faire flamber toute la table et pas seulement le dessert !
Et le parallèle entre les Etats-Unis et l’Algérie ne devrait pas aller plus loin.
Contrairement à l’Algérie, l’Oncle Sam est un pays d’eau et de grands lacs et nous sommes un pays de désert et de sécheresse.
En effet, parler de Gaz de Schiste revient essentiellement à évoquer les problèmes d’eau. La technique d’extraction consiste à éjecter de grandes quantités du précieux liquide pour fracturer les couches de schistes et libérer le gaz qui s’y trouve. Il faut entre 15 à 25 millions de litres d’eau par puits pour réaliser cette opération. Des quantités d’eau énormes qui vont assécher le pays, tuer les oasis et causer des déplacements de populations. Et le problème d’eau ne s’arrête pas là. La fracturation pollue les nappes phréatiques, en l’occurrence, celle Albienne et cela à des kilomètres alentour. Priver le Sud de son eau c’est le tuer sans lui donner aucune chance de survie.
Jusqu’à quand allons-nous créer des monstres qui nous échappent ? N’est-il pas temps d’apprendre des erreurs du passé ? Pour mémoire, il y a quelques années déjà une tentative de forage avait causé d’énormes dégâts à Ouargla, dans le Sud-Est algérien. Il suffit d’aller sur Google earth pour découvrir l’ampleur du désastre.
A In Salah (site destiné au forage de gaz de schiste) et dans d’autres villes du pays, du Nord ou du Sud, des manifestants appellent les politiques à un moratoire. Aujourd’hui cette revendication est devenue celle du Hirak algérien.
Pareille question mérite un débat national et un suffrage universel. La Sonatrach, entreprise nationale des hydrocarbures reste sourde aux revendications des citoyens et les décisions continuent d’être prises de façon unilatérale.
De son côté, la France qui interdit l’exploitation du Gaz de schiste sur son territoire n’éprouve, paradoxalement, aucune gêne à s’en procurer chez les autres. Depuis 2018, l’hexagone en importe des Etats-Unis mais le fort potentiel algérien et sa proximité en fait un partenaire de choix. D’ailleurs, en Algérie, l’entreprise Total est indexée. Pour rappel un contrat a déjà été signé avec la France sous la présidence Bouteflika. Les populations du Sud ne se remettent toujours pas des dégâts causés par les essais nucléaires français en Algérie et voilà que le gaz de schiste nous promet une nouvelle catastrophe écologique dont on ne mesure ni l’ampleur ni les conséquences !