Le Maroc face à la crise

Coronavirus en Marruecos

Comment gérer une crise sanitaire d’une ampleur internationale ? Une situation inédite dans l’histoire de l’humanité où quelque trois milliards de personnes sont confinées à travers le monde pour un délai indéterminé ! Cette absence d’échéance a créé des angoisses, fait chuter les bourses et convoque une crise économique grave. 

Chaque pays selon ses capacités sanitaires, sa richesse ou sa pauvreté a opté pour une stratégie différente afin de ralentir la propagation du virus qui a paralysé le monde en l’absence d’un traitement efficace. 

Pour éviter que les hôpitaux soient pris d’assaut et que le personnel médical soit au bord du burn-out, au Maroc la décision du confinement a été prise très tôt. Il faut dire que la crise en Italie a probablement joué un grand rôle dans cette vitesse de réaction. Nul ne peut oublier les images choquantes des déplacements des populations du Nord vers le Sud, les hôpitaux débordés, les morts qu’on ne compte plus…. Cela a fait comprendre au reste du monde que sans règles strictes, la propagation du virus peut avoir des effets dévastateurs sur un pays. 

Le point fort du Maroc face à cette crise est peut-être la conscience de son impuissance face à la maladie. La monarchie chérifienne sait la fragilité de ses infrastructures sanitaires, elle sait également que le pays ne pourrait pas faire face à la montée exponentielle de la maladie et c’est ainsi que des décisions drastiques ont été prises. Dès l’annonce des premiers cas positifs au Covid-19, le Maroc a pris des décisions assez sévères : fermeture des écoles, suspension des lignes aériennes et le confinement total a été décrété du jour au lendemain. 

Une telle décision politique est lourde de conséquences économiques. Le pays en est conscient, d’autant plus qu’il fonctionne beaucoup à l’informel. Cette part pèse près de 170 milliards de Dirhams soit 20% du PIB hors agriculture, selon une étude du cabinet Roland-Berger. 

Si ailleurs, on se préoccupe de la santé des PME étant les entreprises les plus fragiles, ici on pense à ceux qui vivent dans les bidonvilles, ceux des montagnes isolées, ceux qui vivent au jour le jour et ils sont nombreux ! 

La décision du Roi s’est suivie d’actes : un fond dédié au Coronavirus a été rapidement annoncé. 10 milliards de Dirhams (environs 900 millions d’euros) pour «la prise en charge des dépenses de mise à niveau du dispositif médical, en termes d’infrastructures et de moyens supplémentaires à acquérir dans l’urgence », annonce-t-on du côté du Palais. 

Les grandes entreprises nationales ou autres filiales étrangères présentes sur le sol marocain ont mis la main à la poche dès l’annonce de la création du fonds. Sur cette longue liste on retrouve les leaders comme le géant pétrolier Afriquia, Bank of Africa, l’Office chérifien des phosphates (OCP), Maroc Télécom, Fonds Hassan II, Banque Populaire…Aussi, des dons d’un mois de salaires ont également été consentis par ministres et parlementaires pour faire face à la crise. 

Le Maroc est ainsi devenu le N°4 mondial en mobilisation financière. (2,7 du PIB). Ces richesses redistribuées iront aux secteurs structurants comme celui du tourisme qui montre déjà des signes de faiblesse mais l’argent ira aussi aux plus démunis. 1200 dirhams (à peu près 100 euros, le Smig au Maroc est autour de 240 euros), ont été prévus pour les ménages de plus de quatre personnes, assure un communiqué officiel du cabinet royal. La distribution des aides financières se fera progressivement à compter du lundi 6 avril afin de respecter les mesures préventives dictées par la pandémie, indique-t-on.

A côté de ces moyens de lutte, il y a une stratégie médicale à adopter et à ce niveau le Maroc avait une longue d’avance également. Pendant qu’en France on se disputait autour du traitement antipaludique dont les effets cliniques se sont avérés assez encourageants et qu’on mettait en doute la parole du professeur Raoult, infectiologue mondialement connu et qui préconise l’utilisation de la chloroquine, le Maroc s’est empressé d’adopter la médication décriée (La France ne l’autorisera officiellement que le 26 mars par décret présidentiel !). 

Et pour les besoins de la cause, le Maroc a réquisitionné les stocks de Nivaquine et de Plaquenil fabriqués sur son sol par Sanofi Maroc à Casablanca, ce qui n’a pas manqué de scandaliser certaines. Mais ceci est une autre histoire… Dans les rues marocaines, les ‘moqadem’ (auxiliaires d’administration, responsables de quartier hérités des temps anciens) servent de police de proximité. C’est eux qui surveillent et veillent au bon fonctionnement du confinement. Ils ont, selon les quartiers et les circonstances, utilisé l’humour ou la force pour maintenir les Marocains chez eux et ce n’était chose aisée.  

Bien sûr tout n’est pas parfait dans le royaume de Mohamed VI, les premiers jours de la mise en place d’un tel dispositif des couacs et dysfonctionnements ont été enregistrés, où les laisser-passer n’ont pas été distribués à tous et des bavures policières ont été signalées par les citoyens mais très vite, ces actions ont été saluées par la plupart. 

Le confinement se généralise un peu partout dans le monde et même dans des pays comme le Royaume Uni qui avait prôné au départ l’immunité collective. Et comme partout ailleurs, la police a été mise au service d’un déficit sanitaire (mis à part quelques exceptions). Les lignes bougent. Certaines batailles sont gagnées au détriment d’autres. En l’occurrence les libertés ne font que reculer devant les états d’urgence. 

Le Maroc a eu raison de jouer sur l’anticipation. Pour l’instant le flux est contenu mais jusqu’à quand ? En l’absence de tests systématiques, le problème n’est pas encore résolu et jusqu’à l’heure actuelle aucune communication sérieuse n’a été faite dans ce sens. Pour l’instant nous gagnons du temps pour empêcher le virus de gagner du terrain. Mais à un moment ou à un autre il faudrait sortir du confinement mais à quoi ressemblera ce monde de l’après ?