Petits complots entre amis

Commençons par une petite charade : Nous avons d’un côté l’Egypte, les Emirats arabes unis, l’Arabie Saoudite, la Russie et même les Etats-Unis, de l’autre : la Turquie est l’ONU. Qu’est-ce qui fait de ce premier groupe hétérogène, des alliés et qu’est-ce qui fait que les deux formations s’opposent ?
Bien sûr dans les discours officiels, on nous dira qu’il s’agit de rétablir la paix. On nous parlera des droits de l’homme, de contenir le flux migratoire, de crise humanitaire à endiguer et de lutte anti-terroriste… Mais en réalité, Chacun défend son intérêt financier.
Au milieu de tous ces calculs, un pays de quelque 8 millions d’habitants vit sous les affres d’une guerre fratricide faite de massacres et de kidnappings quotidiens. Ceux qui ont la malchance d’avoir la peau noire, eux, deviennent tout simplement esclaves.
Depuis la mort de Kadhafi, la Libye est devenu un No mans land où s’affrontent différentes fractions dans une lutte au pouvoir qui semble sans fin. Et cette guerre a cela de particulier : elle est téléguidée de l’extérieur depuis son déclenchement en 2011. Les belligérants comptent sur leurs amis pour conquérir un peu plus de territoire et surtout avoir les puits de pétrole sous contrôle.
D’un côté nous avons Fayez al-Sarraj, le chef du Gouvernement d’union nationale (GNA) reconnu par l’ONU est appuyé par La Turquie mais dont le pouvoir n’est pas très étendu en dehors de Tripoli. De l’autre côté, il y a le général Khalifa Haftar qui avait entamé une lutte anti-terroriste et qui est devenu peu à peu le nouvel homme fort du pays. Aujourd’hui, il veut prendre Tripoli. Cet allié des occidentaux a de sérieux arguments : il détient une bonne partie des puits de pétrole et il a réussi à combattre le terrorisme islamiste. Et qu’il soit reconnu ou non par l’ONU devient, dans ce contexte, secondaire.
La récente prise de Syrte par le général Haftar a été un coup fatal porté à Al-Sarraj et à Erdogan qui avait volé à son secours. Merkel a appelé à un sommet pour trouver une solution à la crise libyenne mais qui n’a malheureusement abouti à rien de concret. L’appel au moratoire sur la vente d’armes à la Libye n’a jamais été respecté mais la demande a été réitérée pour continuer à se donner bonne conscience. Ce que ce sommet a réussi, en revanche, c’est à fâcher le Maroc et la Grèce qui n’ont pas été invités, tandis que la Tunisie vexée, a décliné l’invitation de dernière minute et l’Algérie a trouvé une bonne occasion pour reprendre le flambeau.
En effet, en mal de légitimité nationale, le président algérien Tebboune tente de se trouver un rôle à l’international et veut devenir un interlocuteur privilégié dans la crise libyenne. Alger se propose pour accueillir le forum de réconciliation entre Haftar et Al-Sarraj.
Dans cette guerre par procuration, ce qui est étonnant, par ailleurs, c’est son traitement médiatique. En effet, la presse s’est focalisée dans le traitement de la crise libyenne à rapporter les réactions des différents pays et alliés, laissant très peu de place à l’analyses de la situation sur le terrain. Un traitement assez symptomatique de ce qui se passe.
De son côté l’Union africaine voulant se donner un rôle qu’elle considère spolié par l’Europe s’est réuni à Addis-Abeba pour tenter de trouver une issue à la crise mais là encore rien de concret n’est sorti des réunions.
Oui mais la France dans tout ça, me diriez-vous ? N’est-ce pas ce pays qui a enclenché la guerre en Libye ? Eh bien la France continue de jouer un double jeu en essayent de s’aligner à la position de l’ONU tout en continuant à soutenir Haftar. Ce qui lui a valu d’ailleurs un rappel à l’ordre de la part de Tripoli qui, en mai dernier, a décidé de suspendre les activités de
Total. Faut-il rappeler que le tiers du chiffre d’affaire de l’entreprise française se fait en Libye. En décembre dernier, les tensions semblaient s’apaiser et le pétrolier français a signé un accord avec La National Oil Corporation (compagnie pétrolière nationale Libyenne) pour une concession dans le bassin de Waha (Syrte). Mais depuis la prise de Syrte par les général Haftar, voyons sur quel pied la France va-t-elle danser! Oui, bien sûr, on n’a pas parlé des Libyens dans tout ça.
Parce que totu simplement : les Libyens, tout le monde s’en fout ! D’ailleurs, ni Haftar ni Al-Sarraj n’étaient au sommet de Berlin!