De cette poussière, ces boues

Vladimir Poutine est devenu Premier ministre en août 1999 grâce à la nomination du président de l'époque, Boris Eltsine, et en l'espace de quatre mois fulgurants, il occupait déjà la présidence russe par intérim, suite à la démission prématurée d'Eltsine.
Depuis lors, le village planétaire n'a fait qu'empirer. Et maintenant, il va rester six ans de plus, jusqu'en 2030, et la Constitution elle-même lui accorde un autre mandat jusqu'en 2036.
Il aura 73 ans cette année et j'ai du mal à imaginer qu'il puisse passer 85 ans à contrôler le destin de la Russie ; le stalinisme a duré de 1924 à 1953, jusqu'à ce que la mort chasse Iosif Staline du pouvoir après vingt-neuf ans de dictature.
Poutine fêtera cette année son jubilé d'argent et, s'il arrive vivant en 2030, il aura régné plus longtemps que Staline, sans parler du tsar Nicolas II qui a tenu 23 ans en tant qu'empereur.
Nous ne pouvons pas nous réjouir qu'un dictateur aussi menaçant, aussi autodéclaré et aussi capable d'éliminer ses ennemis sous notre nez soit encore à la tête de la Russie.
Pour les Européens, c'est un cauchemar en ces temps martiaux où plus personne ne cache, ni ne déguise, que nous sommes engagés dans une guerre ; nos sourires s'effaceront quand on commencera à appeler les jeunes pour le service militaire, car celui-ci redeviendra obligatoire, comme on l'étudie déjà en Allemagne et dans d'autres pays.
La question est de savoir comment, à ce stade, aucun des dirigeants du grand petit village mondial n'a vu le loup déguisé en agneau et ne l'a laissé se déchaîner et, pire encore, ne l'a autorisé à envahir la Crimée. Les États-Unis et l'Union européenne (UE) sont restés les bras croisés en 2014, se contentant de réagir avec indignation par de tièdes sanctions et en excluant la Russie du G7.
Le président américain Barack Obama est donc en partie responsable du gâchis actuel en Ukraine et du fait que les Européens consacrent une part de plus en plus importante de leur budget non pas à l'éducation, mais à l'achat d'armes, à la production de munitions et à l'équipement de leurs armées respectives.
L'Ukraine n'aurait jamais dû être laissée seule. L'égoïsme européen a pris le dessus et a simplement dit : "C'est le problème de l'Ukraine". Et parce qu'Obama avait le poids du prix Nobel de la paix derrière lui, il a choisi d'ignorer Poutine et d'ignorer le sort des Ukrainiens.
Dix ans plus tard, les Ukrainiens meurent pour défendre leur souveraineté et leur existence en tant que nation ; et ils le font pour tenter de libérer les territoires occupés par l'armée russe.
Si l'Ukraine avait été soutenue en 2014, cette situation n'existerait pas. Poutine, qui est un ancien agent du KGB et qui a ensuite été chef du Service fédéral de sécurité (FSS) et secrétaire du Conseil de sécurité, connaît bien le profil et la personnalité de ses adversaires. Il est habile et calculateur.
Tout au long de ses années au pouvoir, il a accumulé les décisions, jaugeant la réponse des États-Unis et de leurs alliés à ses mouvements stratégiques.
De plus, il est passé du statut d'homme politique ayant clairement l'ambition de repositionner la Russie en tant que contrepoids à la puissance américaine (qu'il avait perdue après l'éclatement de l'URSS en 1991 et la fin de la guerre froide) à celui de totem d'un nouvel empire.
C'est le genre d'homme politique qui fait enquêter ses ennemis, qui les fait chanter en leur donnant des informations compromettantes et en leur révélant des informations confidentielles ; c'est le genre d'homme politique qui se venge et qui n'a pas de scrupules.
L'image de Poutine me vient à l'esprit, dimanche dernier, entouré de millennials et de jeunes de la génération Z ; le nouveau tsar chantait son triomphe au milieu d'une "fausse" élection tandis que les jeunes sélectionnés applaudissaient comme des robots, sans gesticuler, sans cligner des yeux... sans sourire. Ils ont massivement peur de lui, ils sont nés alors que Poutine était déjà au pouvoir ; il n'est pas possible que cette maudite dialectique nous amène à des cycles de l'histoire dans lesquels un satrape impérialiste détruit l'avenir, non seulement de ses gouvernés, mais aussi d'autres pays.