Grève iranienne : des dizaines de milliers de chauffeurs routiers mobilisés dans 130 villes de 30 provinces
- L’explosion à port de Bandar Abbas : le déclencheur de la grève
- L’importance stratégique du secteur des transports routiers
- L’impact de la grève sur d’autres secteurs économiques
- Un soutien croissant à la grève :
- Réaction du régime iranien
- « Une grève orchestrée par les médias hostiles étrangers »
- Conclusion
Dès le jeudi 22 mai au matin, des chauffeurs de différentes villes du pays ont commencé à rejoindre le mouvement. À ce jour, la grève s’est étendue à 130 villes réparties dans 30 provinces.
L’explosion à port de Bandar Abbas : le déclencheur de la grève
Lors d’une puissante explosion au port de Bandar Abbas, un grand nombre de chauffeurs et leurs camions ont été brûlés. L’explosion a été provoquée par le stockage dangereux de propergol solide pour missiles (perchlorate de sodium), appartenant aux Gardiens de la révolution, entreposé sans aucune mesure de sécurité parmi des marchandises civiles ordinaires. Cet incident a provoqué de lourdes pertes humaines et matérielles, suscitant la colère des citoyens et en particulier des camionneurs.
L’importance stratégique du secteur des transports routiers
Plus de 90 % du transport de marchandises en Iran est assuré par ce secteur. Selon les statistiques disponibles, environ 900 000 chauffeurs et plus de 400 000 camions actifs circulent quotidiennement dans le pays, transportant des millions de tonnes de marchandises, dont du carburant, des denrées alimentaires, des produits agricoles et industriels. l’économie iranienne est fortement dépendante du transport routier, ce qui fait des camionneurs l’un des corps professionnels les plus puissants du pays.
Une grève dans ce secteur peut agir comme un effet domino, affectant rapidement divers segments de l’économie et entraînant potentiellement des pressions politiques significatives.
L’impact de la grève sur d’autres secteurs économiques
Les chaînes d’approvisionnement alimentaire sont déjà perturbées, et des rapports font état de pénuries de carburant dans certaines régions, notamment dans la province du Markazi (Centre).
Revendications principales des camionneurs :
- La hausse du prix du gazole et la demande de rétablissement des quotas de carburant subventionné, autrefois fournis à un tarif préférentiel aux camionneurs.
- L’ajustement des tarifs de transport en fonction du taux d’inflation.
- Le coût excessif des assurances.
- Le prix élevé des pièces de rechange.
- L’élimination de la mafia du transport routier.
Adel Najafzadeh, député iranien, a déclaré :
« La flotte nationale de transport est en train de s’effondrer en raison du manque d’attention au cours des dernières décennies, de l’absence de modernisation, et du défaut de soutien concret envers les travailleurs du secteur routier. » (Journal Ham-Mihan, 26 mai 2025)
Un soutien croissant à la grève :
La mobilisation gagne du terrain dans divers secteurs. Les agriculteurs, les boulangers ainsi que de nombreux citoyens touchés directement par les coupures d’électricité prolongées ont exprimé leur solidarité avec les conducteurs routiers.
Une vidéo partagée sur les réseaux sociaux montre une banderole accrochée à une passerelle piétonne à Téhéran le mardi 27 mai, sur laquelle on peut lire : « Camionneurs courageux et unis, vos grèves ravivent l’espoir d’un soulèvement national. Nous sommes à vos côtés jusqu’à la victoire. »
Ce soutien populaire augmente la probabilité que la grève se transforme en mouvement de protestation nationale. Le 27 mai, le nombre de villes impliquées est passé de 93 à 125, accentuant ainsi la pression sur le régime.
Certains qualifient ce mouvement de « guerre économique ascendante » contre la corruption systémique et un gouvernement incompétent.
Maryam Radjavi, cheffe de la Résistance iranienne, a exprimé son soutien total à la grève des camionneurs et a déclaré :
« Tant que ce régime est en place, la pauvreté, la discrimination et la corruption s’aggraveront. La seule voie est celle de la contestation et de la résistance pour récupérer la souveraineté nationale des mains de la République islamique. »
Réaction du régime iranien
Le régime iranien a adopté une double stratégie de répression et de désinformation. Pendant ce temps, les médias proches du pouvoir gardent le silence sur cette affaire. Des arrestations et battements ont été signalées dans plusieurs villes telles que Chiraz, Sanandaj, etc. Le régime a menacé d'annuler le Permis de travail et de confisquer les camions. Parallèlement, des forces de sécurité ont été déployées dans les principaux centres de transport.
Le 25 mai, Mohammad Bagher Ghalibaf, président du Parlement, a promis une « attention immédiate » aux revendications des chauffeurs. Cependant, les mesures proposées – comme l'augmentation éventuelle du quota de carburant – ont été rejetées comme insuffisantes par les conducteurs. Le régime a même promis 500 litres de carburant gratuit à ceux qui ne participeraient pas à la grève, mais les chauffeurs n'y ont prêté aucune attention. Dans certaines zones, les conducteurs grévistes ont bloqué les routes pour empêcher les agents du régime de briser la grève.
La plus grande crainte du régime est que d'autres corps professionnels rejoignent les camionneurs, déclenchant ainsi une grève générale.
« Une grève orchestrée par les médias hostiles étrangers »
Avec l’élargissement de la grève, les députés ont exprimé leur inquiétude. Mohammadreza Rezaei, président de la commission du développement urbain, a mis en garde contre les conséquences :
« Si les chauffeurs cessent le travail ne serait-ce qu’un jour, les pertes économiques s’élèveront à des milliers de milliards de tomans. Les ennemis du pays guettent et visent en particulier cette communauté de chauffeurs, qui joue un rôle stratégique dans l’approvisionnement en carburant et en biens. » (Journal « Ham-Mihan » – 25 mai 2025)
Reza Akbari, vice-ministre des Transports, a déclaré :
« Une minorité de chauffeurs cherchent à semer le trouble. Ces actions sont le résultat d’une incitation par les médias hostiles étrangers qui veulent faire passer nos routes pour dangereuses. » (Agence semi-officielle ILNA – 25 mai 2025)
Conclusion
Rien n'indique que la grève s'essouffle. Les syndicats de chauffeurs restent mobilisés et insistent sur le fait qu’ils ne reprendront le travail qu’en échange de garanties concrètes. Dans un contexte explosif de pénuries d’eau et de coupures d’électricité prolongées, il semble peu probable que le régime soit en mesure de résoudre les problèmes des camionneurs. Ainsi, tant que les causes profondes de la colère populaire subsistent, il faut s’attendre à voir poindre un soulèvement à l’horizon politique du pays.