Reconnaissance internationale de la Palestine : marketing politique ou véritable changement ?

Le Dôme du Rocher dans l'enceinte d'Al-Aqsa, dans la vieille ville de Jérusalem, le 25 février 2025 - REUTERS/ AMMAR/ AWAD
Depuis des décennies, le Moyen-Orient, et en particulier la question palestinienne, reste l'un des dossiers les plus complexes et les plus sensibles des affaires internationales
  1. La reconnaissance comme outil de marketing politique
  2. Principales initiatives de paix 
  3. Netanyahu et Lapid : visions concurrentes pour le rôle futur d'Israël au Moyen-Orient
  4. Implication internationale : l'Arabie saoudite, la France et les Nations unies en tant qu'organisateurs de la conférence de New York du 15 mai 2025 
  5. Les Palestiniens méritent d'avoir leur propre État 

La reconnaissance de la Palestine en tant qu'État indépendant et souverain est devenue de plus en plus symbolique, plutôt qu'une étape concrète vers l'accession à un véritable statut d'État et à l'indépendance du peuple palestinien. Alors que certains pays, tels que la Turquie, les Émirats arabes unis, l'Égypte, la Jordanie et le Maroc, ont mené des politiques pragmatiques et constructives visant à promouvoir la stabilité et la coopération avec Israël et les institutions internationalement reconnues de l'Autorité palestinienne, d'autres, comme l'Iran, l'Arabie saoudite, le Qatar et certains segments de l'Union européenne, ont souvent contribué à compliquer davantage une situation déjà très confuse.

En soutenant des groupes militants tels que le Hamas, l'Iran a alimenté l'extrémisme et contribué à la déstabilisation de la région, sapant ainsi les efforts de paix à long terme et réduisant les perspectives d'un règlement durable. En revanche, certains pays européens, dont l'Allemagne, la Croatie et l'Italie, maintiennent une position complexe et souvent contradictoire sur la question palestinienne. En Allemagne, le poids historique de la culpabilité liée à l'Holocauste continue d'influencer les décisions politiques, limitant souvent la capacité du pays à mener une politique équilibrée au Moyen-Orient. La Croatie reste profondément marquée par son héritage historique, en particulier l'existence et le rôle de l'État indépendant de Croatie (NDH) fasciste entre 1941 et 1945, ce qui rend sa position encore plus confuse. L'Italie, marquée par son passé fasciste et façonnée par les gouvernements de droite actuels, fait preuve d'une ambivalence et d'une incohérence importantes dans sa politique étrangère sur cette question. La France, quant à elle, est confrontée à des tensions ethniques et religieuses croissantes, notamment entre ses communautés arabo-musulmane et juive. Elle porte également le poids d'un passé colonial au Moyen-Orient, notamment en Syrie et au Liban. Ces facteurs ont rendu sa position politique sur Israël et la Palestine souvent incohérente et réactive. Dans le même temps, la montée des mouvements populistes, notamment le gouvernement de Viktor Orbán en Hongrie, et l'influence croissante des forces populistes et d'extrême droite en Pologne et en République tchèque continuent d'éroder la capacité de l'Union européenne à présenter une position cohérente et unifiée sur la question.

La reconnaissance comme outil de marketing politique

La reconnaissance de la Palestine en tant qu'État est souvent utilisée davantage comme un geste symbolique à des fins politiques ou publicitaires que comme une mesure significative ayant un impact tangible sur le terrain ou au sein des institutions internationales. La question palestinienne continue de servir de vecteur de manipulation politique, tandis que la souveraineté et les capacités des autorités palestiniennes restent très limitées. 

La Turquie, les Émirats arabes unis et l'Égypte, le plus grand État arabe, se distinguent comme des acteurs clés au Moyen-Orient, en particulier en ce qui concerne la question palestinienne. Contrairement à d'autres pays de la région, tels que l'Irak, la Syrie et le Yémen, ainsi qu'à ceux qui instrumentalisent souvent la souffrance du peuple palestinien à des fins propres, ces trois pays occupent des positions cruciales dans la politique régionale.

En tant que pays musulman clé et membre de l'OTAN, la Turquie joue un rôle actif dans les initiatives diplomatiques et les efforts visant à maintenir la cause palestinienne sous les feux de la rampe internationale, tout en équilibrant soigneusement les intérêts concurrents au sein du paysage politique complexe de la région. D'autre part, les Émirats arabes unis, grâce à leur approche réaliste et à leur engagement diplomatique, apportent une aide concrète au peuple palestinien, se forgeant ainsi une réputation de partenaire régional crédible.

Il convient de noter que ces États entretiennent des relations diplomatiques tant avec Tel-Aviv qu'avec l'Autorité palestinienne, reflétant ainsi une position pragmatique visant à concilier les priorités régionales et les attentes internationales. Cette double approche leur permet de jouer le rôle d'intermédiaires dans les relations sensibles et multifacettes entre Israël et les dirigeants palestiniens.

La Turquie, les Émirats arabes unis et l'Égypte sont des acteurs régionaux clés qui, chacun à leur manière, façonnent la dynamique autour de la question palestinienne. La Turquie exerce son influence par la diplomatie et son rayonnement régional, les Émirats arabes unis par leur soutien politique et leurs relations bilatérales croissantes, tandis que l'Égypte, forte de son rôle historique et de sa position stratégique, joue un rôle central dans les efforts de paix et les questions de sécurité régionale. De nombreux autres pays utilisent toutefois la cause palestinienne comme un outil de marketing politique, soit pour apaiser, soit pour rallier leur opinion publique. En revanche, ces trois pays fondent leur rôle sur des intérêts pragmatiques et stratégiques. Leur implication met en évidence la complexité de la situation, qui est souvent réduite à un enjeu géopolitique, la souffrance du peuple palestinien étant exploitée à des fins stratégiques plus larges.

Principales initiatives de paix 

  • La conférence de Madrid en 1991 a marqué les premiers contacts directs entre Israël et les États arabes, y compris des représentants palestiniens, mais elle s'est conclue sans résultats tangibles. 
  • Les accords d'Oslo de 1993 et 1995 ont conduit à la reconnaissance mutuelle entre Israël et l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et ont établi l'Autorité palestinienne. Des changements politiques ont suivi, mais la violence a persisté. 
  • Le mémorandum de Wye River, négocié par les États-Unis en 1998, a réuni le leader palestinien Yasser Arafat et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu (alors dans son premier mandat). Cet accord n'a jamais été pleinement mis en œuvre. 
  • Le sommet de Camp David, qui s'est tenu en 2000 à la suite des négociations de Wye, a échoué en raison de désaccords sur Jérusalem, le retour des réfugiés et le tracé définitif des frontières. L'échec des pourparlers a déclenché le déclenchement de la deuxième Intifada. 
  • Les pourparlers de Taba en 2001 ont été les plus proches d'un compromis, mais ils ont été interrompus par un changement de gouvernement en Israël. 
  • L'Initiative de paix arabe, lancée par la Ligue arabe en 2002, proposait la normalisation complète des relations avec Israël en échange d'un retrait total des territoires occupés. 
  • La Feuille de route pour la paix, présentée en 2003 par le Quatuor (l'ONU, les États-Unis, l'UE et la Russie), n'a jamais été pleinement mise en œuvre. 
  • La conférence d'Annapolis en 2007 était une initiative américaine visant à relancer le processus de paix, mais les divisions internes palestiniennes (conflit entre le Fatah et le Hamas) et l'opération militaire israélienne qui a suivi en 2008 ont compromis son impact. 
  • La Conférence de Paris pour la paix de 2017, initiée par l'UE et la France, a tenté de proposer un nouveau cadre de négociation. Israël a refusé d'y participer. 
  • Les accords d'Abraham, signés en 2020, ont conduit à la normalisation des relations entre Israël et les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et le Maroc, sans la participation des Palestiniens. 
  • La récente conférence de 2025 à New York, organisée par les Nations unies, l'Arabie saoudite et la France, a représenté une nouvelle tentative de relancer les efforts de paix. Cependant, les intérêts divergents des principaux acteurs continuent d'entraver tout progrès réel. Plutôt que de refléter un véritable engagement à résoudre le conflit, la conférence a surtout servi de spectacle politique, tandis que la violence et les souffrances persistent sur le terrain, démontrant une fois de plus que le symbolisme et la rhétorique l'emportent souvent sur les actions concrètes en faveur de la paix. 

Netanyahu et Lapid : visions concurrentes pour le rôle futur d'Israël au Moyen-Orient

Les approches contrastées du Premier ministre Benjamin Netanyahu et du chef de l'opposition Yair Lapid, membre de la Knesset israélienne, reflètent clairement des visions différentes du développement d'Israël et de son rôle dans la région. Netanyahu, leader du parti Likoud, promeut des positions de droite et nationalistes, prônant fréquemment des mesures de sécurité strictes et exprimant son scepticisme à l'égard des initiatives de paix. Son gouvernement est empêtré dans des controverses, notamment des allégations de corruption et des appels internationaux de plus en plus pressants à rendre des comptes, autant de facteurs qui ont encore compliqué le paysage politique et sapé la position d'Israël sur la scène internationale. 

À l'inverse, Yair Lapid, chef de l'opposition à la Knesset, incarne une vision centriste attachée à la stabilité, aux valeurs démocratiques et à la coopération régionale. Il s'est déclaré prêt à former une coalition avec le parti de droite Likoud, mais sans Netanyahu, soulignant sa détermination à surmonter les divisions politiques profondes et à insuffler un nouvel élan à la politique israélienne. Lapid critique ouvertement les partis extrémistes et religieux, qu'il estime déstabilisateurs pour le pays, érodant les droits civils et ternissant la réputation internationale d'Israël. Sa vision se concentre sur le renforcement de la cohésion interne et de la démocratie, ainsi que sur une participation active aux processus de paix régionaux. Lapid soutient qu'une résolution durable de la question palestinienne ne peut être obtenue que par des discussions sincères et un dialogue diplomatique entre les deux parties. Il soutient également l'élargissement des accords d'Abraham à d'autres États arabes, estimant qu'une normalisation plus poussée des relations avec le monde arabe contribuerait à promouvoir la stabilité et le progrès dans la région. 

Une telle approche améliorerait les relations internationales d'Israël, renforcerait ses alliances et soutiendrait les efforts en faveur de la paix et de la prospérité dans la région.

Cette vision contrastée de Netanyahu et Lapid représente un défi majeur pour l'avenir d'Israël, qui façonnera à la fois sa politique intérieure et son rôle dans le paysage géopolitique en pleine évolution du Moyen-Orient. 

Implication internationale : l'Arabie saoudite, la France et les Nations unies en tant qu'organisateurs de la conférence de New York du 15 mai 2025 

L'Arabie saoudite et la France, en collaboration avec les Nations unies, ont consacré beaucoup de temps à la planification et à la coordination de la conférence dans le but de lancer un processus de paix entre Israël et les Palestiniens. L'intention était de réunir les principales parties prenantes autour de la table afin d'ouvrir la voie à des négociations et de réaliser des progrès tangibles dans le règlement de l'un des conflits les plus anciens au monde. Cependant, la complexité de la question et les intérêts contradictoires des participants ont considérablement réduit l'impact de cette initiative.

L'Arabie saoudite, en tant que pays musulman important, a cherché à utiliser la conférence pour réaffirmer son rôle de médiateur dans la question palestinienne. Cependant, sa politique a manqué de cohérence. Les défis internes et les tensions régionales ont réduit sa capacité à façonner un processus de paix significatif. Le royaume continue de concilier son soutien aux droits des Palestiniens et la nécessité de maintenir des liens étroits avec ses alliés occidentaux et avec les États qui ont déjà normalisé leurs relations avec Israël. 

En tant qu'acteur de premier plan de l'UE, la France a cherché à maintenir son rôle de médiateur pour la paix par des efforts diplomatiques, en plaidant pour des solutions fondées sur le droit international, en particulier le modèle à deux États. Cependant, les désaccords internes au sein de l'UE et la complexité du conflit israélo-palestinien ont limité son influence.

Les Nations unies, bien qu'elles soient officiellement le principal arbitre mondial en matière de paix et de sécurité, n'ont pas apporté un soutien décisif à la conférence. Sa participation a été largement symbolique, tandis que les divisions profondes au sein du Conseil de sécurité des Nations unies et l'impasse politique actuelle continuent d'entraver toute action efficace. 

La conférence qui s'est tenue le 15 mai 2025 au siège des Nations unies à New York était conçue comme une occasion de sortir de l'impasse et d'ouvrir la voie à une désescalade des hostilités. Les organisateurs – l'Arabie saoudite, la France et l'ONU – ont souligné l'importance d'une action commune et d'un compromis. 

L'événement visait à attirer l'attention internationale sur la crise humanitaire à Gaza, sans toutefois aborder directement la question. Cette approche s'est avérée non seulement inefficace, mais aussi contre-productive. L'accent excessif mis sur les conséquences humanitaires a occulté les questions politiques fondamentales, tandis que les mesures significatives en faveur d'une solution durable ont été totalement écartées. 

Au lieu de la percée attendue, la conférence s'est rapidement transformée en un nouvel exercice de relations publiques. Les conclusions adoptées étaient pour la plupart déclaratives et dépourvues de force contraignante, encore affaiblies par le refus des États-Unis de soutenir toute pression sur Israël. Sans le soutien des États-Unis, allié clé d'Israël, les accords et initiatives de ce type sont largement perçus comme unilatéraux et peu susceptibles de déboucher sur des résultats concrets. En fin de compte, la conférence n'a pas permis de réaliser des progrès tangibles. Le conflit se poursuit et les souffrances du peuple palestinien persistent. Cet épisode illustre clairement à quel point les processus de paix internationaux sont souvent entravés par des calculs politiques, des discours rhétoriques et des intérêts divergents, tandis que la volonté et la capacité réelles de trouver une solution durable restent difficiles à cerner. 

Les Palestiniens méritent d'avoir leur propre État 

La question palestinienne reste une plaie ouverte au Moyen-Orient qui exige une approche sincère et responsable de la part de toutes les parties concernées. La reconnaissance de la Palestine sans véritable statut d'État reste largement symbolique et performative, sans poids ni impact réel sur le terrain. Si les intérêts géopolitiques et les manipulations politiques l'emportent souvent, il est essentiel que la communauté internationale soutienne des mesures tangibles et concrètes en faveur de la stabilité, de la justice et d'une paix durable. 

Il est essentiel de relancer le rôle du Quatuor pour le Moyen-Orient, créé en 2002 et composé de l'UE, de la Russie, des États-Unis et des Nations unies, afin de rétablir une coordination des efforts diplomatiques et de renforcer la recherche d'une solution durable. 

À l'avenir, la communauté internationale doit aller au-delà des gestes superficiels et se concentrer sur des changements substantiels qui renforceront les institutions palestiniennes et jetteront les bases d'un État fonctionnel. Toute solution crédible et viable doit impliquer tous les acteurs concernés, y compris l'Iran, ainsi que les grandes puissances telles que la Russie et la Chine. 

Les puissances mondiales telles que les États-Unis, l'UE, la Russie et la Chine doivent aligner leurs politiques et soutenir des négociations fondées sur l'égalité, sans imposer de conditions unilatérales qui risquent d'aggraver les divisions existantes. Outre les initiatives politiques et diplomatiques, les programmes éducatifs et les efforts visant à renforcer la confiance mutuelle au sein des sociétés israélienne et palestinienne devraient occuper une place importante dans le processus de consolidation de la paix, car ils constituent le fondement d'une coexistence durable.

Avant tout, il faudra que les Israéliens et les Palestiniens aient le courage de reconnaître leurs intérêts communs et de surmonter les divisions qui fracturent la vie dans la région depuis des décennies. Seul un engagement sincère en faveur du compromis, de la responsabilité et du dialogue permettra de mettre fin au cycle de violence et de souffrance.

La paix à laquelle aspirent les deux peuples ne peut être obtenue qu'en faisant preuve d'un véritable courage pour accepter les compromis nécessaires et embrasser une vie commune dans l'harmonie, à l'instar de la France et de l'Allemagne, autrefois adversaires dans plusieurs guerres (1870-1945) et aujourd'hui piliers essentiels de l'Union européenne. Une telle approche apporterait une stabilité durable non seulement au Moyen-Orient, mais aussi à l'ordre international dans son ensemble, ouvrant la voie à un avenir plus sûr et plus prospère pour tous.

Dans l'intervalle, il est essentiel de garantir l'accès sans entrave à l'aide humanitaire pour les Palestiniens et d'assurer un cessez-le-feu permanent à Gaza. Ces mesures sont essentielles pour jeter les bases de toute initiative politique sérieuse.

Le peuple palestinien a le droit de vivre dans son propre État, en paix et dans la dignité, aux côtés d'Israël. Seules la reconnaissance mutuelle et un dialogue responsable peuvent ouvrir la voie à une paix durable. 

L'IFIMES (Institut international d'études sur le Moyen-Orient et les Balkans), basé à Ljubljana, en Slovénie, bénéficie d'un statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social des Nations unies (ECOSOC/ONU) à New York depuis 2018 et publie la revue scientifique internationale « European Perspectives ». Disponible à l'adresse : https://www.europeanperspectives.org/en