Le gouvernement se tire une balle dans le pied avec la panne d'électricité

Pedro Sánchez - PHOTO/Pool Moncloa-Borja Puig de la Bellacasa-Pool UE
La panne d'électricité qui a touché la péninsule ibérique a mis en évidence non seulement les faiblesses techniques du système énergétique, mais aussi les failles politiques dans la gestion du gouvernement

Dès le début, l'exécutif a déployé une stratégie visant davantage à diluer sa responsabilité qu'à clarifier avec rigueur les causes de la panne. Et il l'a fait en essayant de répartir les responsabilités à parts égales entre Red Eléctrica de España (REE) — dont 20 % du capital est public et qui est présidée par l'ancienne ministre socialiste Beatriz Corredor — et les compagnies d'électricité privées.

La thèse officielle est que la panne était « multifactorielle », une formule ambiguë qui permet de pointer du doigt sans accuser, d'insinuer sans assumer. Selon la troisième vice-présidente, Sara Aagesen, l'origine de la panne serait due à une combinaison de facteurs techniques : des phénomènes de surtension, des coupures automatiques de plusieurs centrales et une programmation insuffisante de l'énergie synchrone conventionnelle.

Un diagnostic qui, malgré son apparence technique, laisse entrevoir une manœuvre politique calculée pour limiter les dégâts. Il évite ainsi de pointer directement du doigt la conception du système ou les décisions du gouvernement en matière de planification énergétique.

Le discours officiel a trouvé dans les centrales photovoltaïques un bouc émissaire utile. De manière plus ou moins explicite, il a été suggéré que ce sont ces installations — ou du moins certaines d'entre elles — qui ont provoqué la chaîne de coupures qui a conduit à la panne générale.

Mais cette insinuation est en contradiction flagrante avec la politique que le gouvernement prétend défendre, à savoir la promotion résolue des énergies renouvelables. Comment peut-on soutenir qu'une ou deux centrales solaires, dont le poids économique est marginal, ont la capacité de provoquer une panne d'électricité à l'échelle nationale ?

Et plus grave encore, si elles étaient réellement responsables, elles devraient verser des indemnités de plusieurs millions d'euros pour les dommages causés à l'industrie. L'implication est claire et préoccupante. Si la production d'énergie renouvelable expose un opérateur à un tel risque juridique et réputationnel, qui voudra investir dans ce secteur ?

Cette rhétorique consistant à « viser sans tirer » a fini par se retourner contre un gouvernement qui se déclare défenseur de la transition énergétique. Attribuer des responsabilités aussi graves à des installations photovoltaïques décourage non seulement les investissements dans le secteur, mais érode également la confiance dans un système qui a un besoin urgent de sécurité juridique et de stabilité réglementaire.

Le précédent est encore plus alarmant si l'on considère que des anomalies avaient déjà été signalées sur le réseau quelques jours avant la panne. Le 22 avril, des techniciens et des opérateurs ont signalé des phénomènes étranges — surtensions et oscillations de fréquence — qui laissaient présager un déséquilibre structurel. 

Malgré cela, au moment critique, REE a choisi de programmer la plus faible part de production synchrone conventionnelle du mois, privant ainsi le réseau du matelas de stabilité nécessaire. Lorsque les protections automatiques ont commencé à déconnecter les centrales photovoltaïques en raison d'une surtension, la réaction en chaîne était déjà inéluctable.

Au lieu de reconnaître que l'architecture du système et sa planification opérationnelle ont été déficientes, le gouvernement a préféré ouvrir la porte à une interprétation qui désigne les énergies renouvelables comme une partie du problème. En termes stratégiques, il s'agit d'une contradiction flagrante, qui délégitime la pièce maîtresse de la transition énergétique au moment même où son rôle devrait être renforcé.

Ce que perçoit le secteur, c'est une tentative désespérée d'échapper au coût politique de la panne. Mais ce coût, que le gouvernement a voulu répartir entre les acteurs publics et privés, pourrait finir par se retourner contre lui.

Car si le message transmis est qu'une centrale solaire peut mettre en péril le système électrique d'un pays, cela revient à dire, de facto, que le système n'est pas fiable. Et cela, plus que n'importe quelle panne d'électricité, est ce qui sape véritablement la confiance.