Trois concepts clés du discours du Trône

Je voudrais souligner qu'au regard de ces trois axes principaux, le discours de SM le Roi a été fortement marqué par la production et l'utilisation de trois concepts clés qui déterminent, me semble-t-il, le sens profond du message royal.
1. L'identité marocaine
Avant d'aborder les deux principaux dossiers, la crise de l'eau et la question palestinienne, Sa Majesté a tenu à remercier Dieu "pour les nombreux acquis que nous avons accumulés au fil des années et pour les nombreux succès que nous avons enregistrés en matière de réformes politiques et institutionnelles et en matière de consolidation de l'identité marocaine".
Comment interpréter le fait que le discours royal inclut "la consolidation de l'identité marocaine" dans le cadre des réalisations accomplies ? "Tout d'abord, il faut rappeler que l'identité politico-étatique de la nation marocaine, comme toute autre nation, est définie sans équivoque par sa souveraineté, sa Constitution et son territoire, mais il y a aussi la composante socioculturelle de cette identité, le sentiment d'appartenance et d'identification à cette âme marocaine construite et reconstruite au cours d'un long processus historique, tel que défini par le roi Mohammed VI dans son discours du 13 octobre 2023 au Parlement à l'occasion de l'ouverture de la première session de la troisième année législative de la 11e législature" : "Ce drame (séisme d'Al Haouz) offre une précieuse leçon : les valeurs authentiques de l'âme marocaine ont prévalu", a dit le roi, expliquant que ces valeurs ont permis à notre pays de surmonter les adversités et les crises tout en nous permettant de devenir encore plus forts et plus déterminés à poursuivre notre chemin avec confiance et optimisme.
"Ce bel esprit et ce noble idéal nous habitent tous car ils représentent, pour nous, les ferments de l'unité et de la cohésion de la société marocaine", a-t-il dit. Ainsi, l'identité marocaine dont la consolidation est valorisée dans le discours du Trône, parmi les nombreux acquis que nous avons accumulés, constitue un enjeu crucial dans le développement sociopolitique du pays, renforçant la légitimité des institutions et la cohésion sociale.
Il convient de préciser que cette identité nationale unifiée repose sur des principes fondateurs que Sa Majesté avait rappelés lors de son discours au Parlement en octobre dernier, et qui se réfèrent en premier lieu aux valeurs religieuses et spirituelles, prônant la modération et l'ouverture sur l'autre, la tolérance et la coexistence interreligieuse et intercivilisée, en deuxième lieu aux valeurs nationales qui constituent le socle de la nation marocaine et dont la Monarchie est la pierre angulaire, et en troisième lieu aux valeurs de solidarité et de cohésion sociale.
Il convient de noter à cet égard que cette identité nationale façonnée par l'État devient en soi un outil de renforcement de l'État, ce qui constitue véritablement un acquis précieux consolidé conjointement par le roi et le peuple au cours du dernier quart de siècle.
2. La vision royale
Lorsque Sa Majesté le Roi insiste dans le discours du Trône sur l'urgence de la situation de l'eau au Maroc, ce n'est pas seulement pour décrire une situation urgente et qui s'aggrave, ou pour ordonner aux autorités compétentes de mettre en œuvre des mesures urgentes et novatrices pour prévenir les pénuries d'eau, mais essentiellement pour inscrire les politiques publiques correspondantes dans la Vision Royale, une vision stratégique volontariste et ambitieuse.
Il est clair que le discours réel prend tout son sens lorsqu'il est perçu dans l'action, car c'est dans l'action que se manifeste l'exercice du pouvoir réel, et c'est dans l'action communicative que se réalise la vision réelle, cette vision stratégique et absolument cruciale dans la gestion de la crise de l'eau qui frappe le pays, "conformément à Notre Vision Stratégique Volontariste et Ambitieuse, nous appelons à l'accélération de la mise en œuvre des grands projets".
Qu'il s'agisse des projets de transfert d'eau entre bassins versants, du traitement et de la réutilisation de l'eau, du développement d'une industrie nationale de dessalement de l'eau, ou de la création de filières de formation d'ingénieurs et de techniciens spécialisés, qu'il s'agisse des mesures relatives à la protection du domaine public hydraulique, de l'opérationnalisation de la police de l'eau, de la lutte contre le phénomène de l'exploitation abusive et du pompage anarchique de l'eau, tous ces projets et mesures doivent s'inscrire dans le cadre de la crise de l'eau, tous ces projets et mesures doivent s'inscrire parfaitement dans une vision stratégique, une vision réelle, ambitieuse et volontaire, qui ne tolère aucune négligence, aucun retard, aucune gabegie, qui assure l'activation de la coordination et de la cohérence entre la politique de l'eau et la politique agricole, qui encourage l'innovation technologique et l'exploitation du potentiel énergétique propre.
Cette vision stratégique, rappelée et partagée par le Roi avec la nation, est d'une grande importance dans la mesure où elle permet de définir une direction claire, de mobiliser les acteurs et les autorités face à l'incertitude, d'anticiper les risques et de coordonner les actions.
3. Les extrémistes des deux bords
Sur la question palestinienne, le discours royal rappelle que le Maroc s'est engagé de manière exemplaire et responsable dans l'aide alimentaire et médicale à Gaza, mais aussi dans des initiatives constructives visant à trouver des solutions pratiques pour un règlement définitif du conflit.
En effet, la diplomatie marocaine, sous la conduite avisée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, avait réagi avec clarté et fermeté après le bombardement par les forces israéliennes de l'hôpital "Al Maamadani", appelant à la cessation des hostilités, respecter le droit international humanitaire et œuvrer pour éviter que la région ne sombre dans une nouvelle escalade et de nouvelles tensions, et lorsque le Maroc, dont le souverain préside le Comité Al-Qods, appelle à ne pas attaquer les civils, il précise clairement et sincèrement qu'ils doivent être protégés "par les deux parties".
C'est dans le cadre de cette démarche d'honnêteté intellectuelle et de responsabilité politique que, lorsque Sa Majesté appelle à sortir de la logique de la gestion de crise pour trouver une solution définitive au conflit, elle inscrit cette sortie dans une perspective qui, parallèlement à la cessation urgente des hostilités à Gaza, nécessite l'ouverture d'un horizon politique capable d'instaurer une paix juste et durable, dans le cadre d'une solution à deux Etats. Mais elle exige aussi, pour relancer le processus de paix entre les parties palestinienne et israélienne, de "fermer la porte aux extrémistes des deux côtés".
Un théorème basé sur le bon sens géométrique qui veut que, dans un cercle comme en politique, les extrêmes se touchent. Partout dans le monde, les extrémistes perpétuent les conflits, attisent la violence et rendent difficile la recherche de solutions négociées. Les positions religieuses et idéologiques radicales de ces extrémistes entravent les négociations et les compromis nécessaires pour résoudre les conflits de manière pacifique et durable. Dans une perspective réelle, les extrémistes, quelle que soit leur origine, constituent un véritable obstacle à la paix au Moyen-Orient, car ils alimentent les conflits au lieu de chercher à les résoudre.
Lorsque le discours réel nomme les choses judicieusement, il permet non seulement de mieux comprendre le conflit, mais aussi de trouver une solution durable à celui-ci. Mal nommer les choses, disait Albert Camus, c'est ajouter du malheur au monde.