​Dans l'attente de la Cour internationale de justice

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Cour internationale de Justice

Rien de moins qu'une plainte pour génocide du peuple palestinien par les forces de défense israéliennes sur ordre du gouvernement de Benjamin Netanyahu. C'est ce que le gouvernement sud-africain a soumis à la Cour internationale de justice de La Haye. Il s'agit d'un très grand mot qui a été plutôt banalisé ces derniers temps par l'usage et l'abus qu'en font des personnes et des institutions qui ne sont pas vraiment très rigoureuses lorsqu'elles l'invoquent. 

Le plaignant, avec des images abondantes de la destruction de la bande de Gaza, en utilisant les chiffres importants de morts et de blessés qui correspondent à ceux fournis par le ministère de la santé du Hamas (plus de 23 000 et 60 000, respectivement), en plus des propositions plus draconiennes des ministres les plus extrémistes du gouvernement de Jérusalem, estime qu'il y a une base pour intenter l'action en justice.

Mais surtout pour demander à la CIJ une injonction provisoire décisive : ordonner des mesures provisoires pour arrêter l'offensive militaire israélienne à Gaza. 

Le défendeur, Israël, non moins bien équipé d'une abondante documentation graphique, non seulement sur les attaques lancées par 3 000 assaillants du Hamas le 7 octobre contre un festival en plein air et deux kibboutzim, au cours desquelles ils ont assassiné, massacré, violé et enlevé des citoyens israéliens, mais aussi sur les actions du Hamas sur la population gazaouie depuis qu'il a pris le contrôle total de la bande de Gaza, nie toute justification à la plainte.

Elle réfute donc les allégations de l'Afrique du Sud, dont elle accuse les représentants de "déformer la réalité, de mentir sciemment sur ce qui se passe à Gaza", et finalement de nier tout fondement à une telle plainte. 

Les 15 juges qui composent la CIJ sont susceptibles de rendre leur verdict dans quelques jours sur ce qui leur est exactement demandé : adopter ou non les mesures provisoires qui mettraient fin à l'offensive militaire d'Israël. La Cour n'a pas les moyens de faire appliquer ce qu'elle décide, mais si elle accepte d'adopter une telle mesure et qu'Israël ne s'exécute pas, l'autorité morale de ce dernier s'en trouvera considérablement affaiblie. L'objectif des mesures provisoires est donc de geler la situation juridique entre les parties afin d'assurer l'intégrité d'un jugement final, qui interviendrait beaucoup plus tard, voire jamais. 

Par conséquent, la CIJ ne se prononcera pas sur la question de savoir si Israël commet ou non un génocide. Si elle décidait de se pencher sur cette question de fond, il lui faudrait plusieurs années pour rendre son verdict, après de nombreuses audiences, preuves et témoins.

C'est une tâche ardue, et il est important de ne pas banaliser davantage l'utilisation du terme "génocide", qui a été inventé par Raphael Lemkin, le juif qui a perdu 49 membres de sa famille dans l'Holocauste, et finalement inscrit dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948. 

Composée de 19 articles, cette convention fournit la première définition juridique du terme et, dans son deuxième article, énonce les cinq actes qui relèvent, en tout ou en partie, de l'intention de détruire un groupe national, ethnique, racial ou religieux : tuer des membres du groupe ; porter gravement atteinte à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; soumettre intentionnellement le groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; imposer des mesures visant à entraver la procréation au sein du groupe ; et transférer de force des enfants du groupe à un autre groupe.  

Malgré la surprise causée par la requête sud-africaine, évidemment en raison de l'ampleur et de l'impact public mondial de son contenu, il convient de noter que la CIJ reçoit et statue actuellement sur des requêtes visant à obtenir un redressement et une résolution favorable de conflits d'intensité variable. 

Elle examine actuellement deux affaires en cours opposant l'Ukraine à la Russie pour financement du terrorisme, discrimination raciale et génocide. Mais elle a également reçu d'autres requêtes au cours des trois derniers mois, par exemple de la part du Canada et des Pays-Bas qui demandent des mesures provisoires contre la Syrie pour mettre fin à des "actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants".

L'Arménie a également obtenu de la Cour des mesures provisoires pour protéger les Arméniens qui souhaitaient retourner au Haut-Karabakh et ceux qui y sont restés (environ 20 000 personnes) contre les préjudices et la discrimination après la prise de contrôle total du territoire par Bakou et la dissolution officielle de la République d'Artsakh.

En novembre dernier, le Canada, le Danemark, la France, l'Allemagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et les Maldives ont également demandé à la Cour le droit d'intervenir pour protéger les Rohingya du génocide perpétré contre eux par la junte militaire du Myanmar.

Enfin, tout récemment, la Guyane a demandé et obtenu des mesures de précaution pour empêcher l'annexion de l'Essequibo par la République bolivarienne du Venezuela.