Brexit sans finale heureuse pour les Tories

Le leader du Parti travailliste britannique Keir Starmer prononce un discours lors d'un rassemblement de victoire à la Tate Modern à Londres aux premières heures du 5 juillet 2024 - PHOTO/JUSTIN TALLIS/AFP
On leur avait promis un retour à la gloire de l'empire. Quitter l'Union européenne signifiait récupérer la souveraineté perdue, cesser d'être les contributeurs nets des pays les plus arriérés du continent, ces PIGS (Portugal, Italie, Grèce et Espagne), dont l'acronyme signifie "cochons", qui ne se distinguent pas exactement par leur ardeur au travail ou leur esprit d'économie. 

Le Royaume-Uni redeviendrait un paradis, avec un État-providence enviable et, sur le plan commercial, Londres monopoliserait les grands contrats avec les pays les plus développés du monde, en commençant par accroître les relations spatiales avec les cousins de l'Amérique, sans avoir besoin de l'intermédiation de Bruxelles. 

L'un après l'autre, quatre premiers ministres conservateurs en cinq ans ont dépeint aux Britanniques un scénario de rêve, une fois libérés des chaînes de la lourde et fastidieuse bureaucratie bruxelloise. Le paquet comprenait également la relance des services publics, en particulier le très apprécié National Health Service (NHS), fierté à juste titre du peuple britannique. 

Ce qui devait arriver arriva. Les électeurs, surtout ceux qui ont beaucoup d'histoire et d'expérience démocratique derrière eux, ont vu jour après jour que rien n'était comme on le dépeignait depuis le 10 Downing Street, certains avec la véhémence du charismatique - selon ses plus fervents partisans - Boris Johnson, d'autres avec le manque de conviction de Liz Truss "The Brief", et le dernier en lice, Rishi Sunak, découvrant son impuissance malgré sa bonne maîtrise des chiffres et des finances. 

Sir Keir Starmer n'a donc eu qu'à maintenir son attitude terne, voire ennuyeuse, à garder sa langue dans sa bouche et donc son pied dans la bouche, pour remporter une victoire écrasante, la deuxième plus importante de l'histoire du Labour depuis celle de Tony Blair. Et comme au Royaume-Uni on prend le dicton "dead king, new king" au pied de la lettre, Shunak a déjà quitté la résidence officielle du chef du gouvernement pour que le service de nettoyage et de remise en état laisse tout en ordre pour que Starmer prenne possession de sa nouvelle maison. 

L'homme qui, après avoir été promu par le précédent leader radicalisé du Labour, Jeremy Corbyn, a fini par pousser ce dernier hors du parti, a entrepris avec succès de le dépouiller de son extrémisme et de le recentrer. En gros, c'est son parcours et ses mérites que les électeurs ont a priori valorisés et qui lui ont donné une victoire aussi éclatante. Ses détracteurs disent qu'il manque de charisme, même dans son propre parti. Il est certain que cet attribut lui sera donné dans quelques jours. Avec une telle majorité absolue, nul doute que le charisme sera bientôt sur sa tête. 

Avec la fin du cycle malheureux de près de trois décennies consécutives du parti conservateur, Starmer a une tâche énorme devant lui. Il a veillé à ne pas se brûler les doigts, de sorte qu'il a démenti ceux qui prédisaient un nouveau référendum pour revenir dans le club européen, mais, si son premier mandat ne semble pas défaire le Brexit, les relations avec l'UE s'amélioreront certainement dans l'intérêt des deux, après avoir vérifié empiriquement l'affaiblissement de l'une et l'autre après la séparation. 

Londres et Bruxelles devront renforcer leur coopération sur le problème très délicat de l'immigration illégale, et au moins maintenir les niveaux d'assistance mutuelle et d'interrelation sur les questions de sécurité et de défense. Sur le plan intérieur, bien sûr, des mesures rapides et imaginatives devront être mises en place immédiatement pour restaurer les services publics, une tâche d'autant plus difficile que les finances ne sont pas au mieux de leur forme.