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La ceinture de coupures du Sahel

El 30 de agosto de 2023, los habitantes de Libreville celebran con banderas nacionales de Gabón después de que un grupo de oficiales militares gaboneses aparecieran en televisión anunciando que estaban "poniendo fin al régimen actual" y anulando los resultados oficiales de las elecciones que habían otorgado otro mandato al veterano presidente Ali Bongo Ondimba
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photo_camera PHOTO/AFP - Habitantes de Libreville celebran con banderas nacionales de Gabón el golpe de Estado

Six mille kilomètres séparent les deux rives de l'Afrique, l'Atlantique et l'océan Indien. C'est la partie la plus large du continent, la bande sahélienne, qui est aujourd'hui un territoire où se joue une grande partie de l'avenir de l'Afrique, mais aussi de l'Europe. Tous les pays qui composent cette ceinture ont subi des coups d'État qui ont altéré le fragile statu quo issu de la décolonisation.

Si nous commençons par l'est, près de la mer Rouge, le Soudan, le Tchad, le Niger, le Mali, le Burkina Faso et la Guinée, déjà sur les rives de l'Atlantique, ont tous subi ces dernières années le renversement de leurs gouvernements respectifs par des soulèvements militaires, dans certains cas à deux reprises, comme au Mali et au Burkina Faso. Le Gabon, jusqu'à présent le dernier pays africain à avoir connu un coup d'État, n'est pas situé dans cette ceinture, au bord du tropique du cancer, mais sur l'équateur. Tous ces pays, à l'exception du Soudan, ont pour dénominateur commun d'avoir été des colonies françaises et d'avoir entretenu, après leur indépendance, des relations si étroites avec la métropole que la France a été non seulement leur principal partenaire commercial, mais aussi le garant de leurs avoirs, par le biais d'une monnaie frappée à Paris et garantie par la Banque de France, le franc CFA. Et, bien sûr, par le maintien de bases militaires, dont les troupes ont été chargées de protéger ses intérêts, ainsi que de contribuer fréquemment au maintien de l'ordre public et, ces dernières années, de faire face à des offensives terroristes de toutes sortes.

L'exploitation des vastes ressources naturelles de ces pays, allant du pétrole à l'uranium, au fer, au manganèse et même aux terres rares, a donc été entre les mains de sociétés françaises, parfois en concurrence féroce avec les États-Unis. 

La stabilité de nombre de ces pays a reposé sur des personnalités devenues de véritables chefs de guerre, souvent tentés à la fois de s'éterniser au pouvoir et d'en faire une entreprise héréditaire. Le cas de la famille Bongo au Gabon est l'un des plus significatifs, puisque le pays n'a pas connu d'autre président en soixante ans qu'Omar, décédé en 2009, et son fils Ali, qui avait revalidé son mandat lors des élections d'août, avec toujours les mêmes résultats élevés, non reconnus cette fois par son principal rival, Albert Ondo Ossa.

Les frères Bongo au Gabon, comme Mohamed Bazoum au Niger, Roch Marc Christian Kaboré au Burkina Faso ou Ibrahim Boubacar Keita au Mali, ont toujours agi comme les grands contremaîtres bien payés de leurs pays respectifs, devenus en pratique les domaines des multinationales françaises. Paris a toujours veillé à gérer fermement les affaires de ses anciennes colonies. Le président François Mitterrand, considéré comme un véritable "roi républicain", a créé à l'Elysée une cellule exclusivement consacrée aux affaires africaines, qui ne rendait compte qu'à lui.

L'irruption agressive de la Russie et de la Chine sur le continent, en plus du terrorisme islamiste des organisations affiliées à Al-Qaïda et à Daesh, a fini par bouleverser l'échiquier géopolitique du Sahel et des pays voisins, avec la perspective de le briser définitivement. Les militaires qui se sont emparés du pouvoir par des coups d'État successifs se sont attirés le soutien de la population sur la base d'un argument simple : le pays ne tire pas les bénéfices qui lui reviendraient des matières premières exploitées par les anciens colonisateurs. Un raisonnement manichéen qui se traduit par une hostilité ouverte à la France, et par extension à l'Union européenne et à l'Occident.

Des divergences sont également apparues au sein de la rébellion militaire. Certaines sont aussi sanglantes que celles que se livrent au Soudan le général Abdel Fatah al Burhan et son ancien subordonné, le général Mohamed Hamdan Daglo. A de très rares exceptions près, tous ont été formés à l'enseignement pratique de la loi du plus fort, selon laquelle il vaut mieux être craint que plaint.

La bande sahélienne est aussi un carrefour complexe, où les frontières tracées au compas et au biseau sont impossibles à tenir dans l'immensité du Sahara. C'est là que sont diffusées les centaines de milliers d'odyssées et de tragédies de migrants toujours plus nombreux qui abandonnent leurs petites économies, leur peau et souvent leur vie pour rejoindre l'Europe que les trafiquants d'êtres humains présentent comme le paradis sur terre.