Convulsion européenne « ma non troppo »

La presidenta de la Comisión Europea y candidata principal del PPE, Ursula von der Leyen - Kenzo TRIBOUILLARD / AFP
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne et principale candidate du PPE, prononce un discours lors d'une soirée électorale du PPE après le vote pour les élections du Parlement européen, à Bruxelles, le 9 juin 2024 - PHOTO/JOHN THYS/AFP
Sauf pour les militants de gauche très amateurs de café ou dont les reins sont bien couverts de subventions et d'avantages, l'Union européenne a confirmé l'essentiel de ses prévisions : une victoire confortable du centre-droit et une avancée spectaculaire de l'extrême-droite. Cette dernière, bien qu'elle se soit présentée séparément aux élections, représentera plus de 25 % des Européens, ce qui en fait la deuxième force derrière le Parti populaire européen (PPE) et loin devant l'Alliance progressiste des socialistes et démocrates (S&D). 

Ensemble, la triple alliance des Populaires, des Sociaux-démocrates et des Libéraux, qui a constitué l'épine dorsale de la législature précédente, dispose d'un volume suffisant pour réitérer les majorités lors des votes cruciaux qui concernent les 450 millions de citoyens des 27 États membres de l'UE. Mais il serait évidemment suicidaire de ne pas prendre en compte les raisons pour lesquelles les droites nationalistes et souverainistes ont réalisé des gains aussi substantiels. Les qualifier d'eurosceptiques est déjà un non-sens, puisque ces groupes n'appellent pas à la sortie de leurs pays respectifs de l'UE, surtout après avoir vu les ravages du Brexit dans la « Perfide Albion », mais plutôt à un changement de cap du gouvernement de l'UE. Une aspiration qui a autant de légitimité que celle de n'importe quel autre groupe politique qui respecte les lois et les règles, ce qui, soit dit en passant, a de nombreuses exceptions chez beaucoup de ceux dont la bouche est pleine de slogans polarisants, diviseurs et pleins de murs d'exclusion. 

Deux questions parmi tant d'autres nécessiteront un grand dialogue entre les formations de l'Europarlement afin de tempérer la colère exacerbée et croissante dans les champs et les villes des pays européens : le Pacte vert et l'immigration. A ce stade, à l'exception de quelques écervelés, personne ne nie l'existence du changement climatique et de la catastrophe humaine qu'il pourrait entraîner. Cependant, au vu du comportement pour le moins peu solidaire des puissances émergentes dans leur production polluante, l'Europe ne peut et ne doit pas être naïve et adopter une attitude totalement donquichottesque consistant à lutter seule contre les graves changements climatiques, tout en étant la victime propitiatoire de ceux qui ne le font pas, ou ne le font pas avec le même engagement et la même intensité que les Européens. 

Quant à l'immigration, le grand éléphant dans la pièce dont les plus exquis ne veulent pas parler, la réalité des flux croissants de millions de personnes incontrôlées vers l'Europe ne peut plus être ignorée. Derrière chacun d'entre eux, il y a bien sûr un drame et plus d'une histoire émouvante. Cela n'empêche pas de reconnaître que la solution ne consiste pas à observer avec indifférence l'afflux massif de ces personnes sur le territoire de l'Union, et à accroître leur propre vulnérabilité en les jetant à la rue et dans les champs sans les moyens de survivre. Nier que des situations aussi dramatiques et nombreuses conduisent de plus en plus à la criminalité n'est pas du bonisme, c'est de la stupidité, car cacher le problème ne signifie pas qu'il disparaîtra comme par enchantement, et il faudra l'affronter. 

Les lectures nationales des élections et les réactions correspondantes montrent également la diversité de l'Europe. En France, la défaite brutale du président Emmanuel Macron face au gauchiste Jordan Bardella a entraîné la dissolution immédiate de l'Assemblée nationale. En Allemagne, ils pensent peut-être à une issue similaire après le nouveau revers subi par le chancelier social-démocrate Ofaf Scholz, battu non seulement par ses adversaires démocrates-chrétiens de la CDU-CSU, mais aussi par l'extrême droite Alternative für Deutschland (AfD). 

Giorgia Meloni, que les médias espagnols de gauche continuent de qualifier de « fasciste » en sépia, a fait de son parti le parti le plus voté en Italie, avec le mérite supplémentaire d'avoir symboliquement dirigé elle-même la candidature, démontrant ainsi que c'est avec elle, en tant que dirigeante incontestée de la troisième puissance économique de l'UE, qu'Ursula von der Leyen devra de préférence composer - tout semble indiquer qu'elle réitère son mandat - pour conclure des accords européens d'envergure qui vont au-delà d'une simple majorité arithmétique. 

Enfin, dans l'anomalie espagnole, on tente désespérément de faire croire qu'un PSOE qui est passé de 9 sièges et 13 points d'avance sur le PP à 2 sièges, 4 points et 700 000 voix d'avance sur ce dernier par rapport aux précédentes élections européennes de 2019, résiste très bien.  Posé en termes de plébiscite, il ne semble faire aucun doute, sauf à parler d'analystes du type Tezanos, que la majorité des électeurs espagnols n'a pas pardonné la corruption, la mal-gouvernance ou les amnisties anticonstitutionnelles. Dès les premiers instants qui ont suivi l'élection, les spécialistes de l'opinion publique et des talk-shows ont vendu la position privilégiée présumée du président Pedro Sánchez pour diriger les socialistes européens dans la répartition des postes institutionnels de l'UE. Il reste cependant à voir si, dans la nouvelle Europe qui émergera de ces élections, un plus de pouvoir sera accordé à quelqu'un qui, malgré l'immense manne des fonds européens, n'a pas atteint l'objectif principal pour lequel ils ont été créés : la transformation de la société espagnole, pour en faire un pays moderne avec des structures préparées à affronter un avenir plus compétitif et plus difficile que jamais. 

Aussi confortables et agréables que soient les subventions et les avantages de type péroniste, à Bruxelles on est bien conscient de la situation, et un tel modèle socio-économique, par ailleurs asphyxiant et de plus en plus interventionniste, est très éloigné de celui de la libre entreprise et de la liberté de marché, qui est l'un des piliers fondamentaux de l'Union.