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Coude à coude pour rejoindre les BRICS

AFP/MARCO LONGARI - Los países BRICS , acrónimo de los cinco miembros Brasil, Rusia, India, China y Sudáfrica, se reunieron durante tres días para una cumbre en Johannesburgo
photo_camera AFP/MARCO LONGARI - Les pays du BRICS, acronyme désignant les cinq membres que sont le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud, se sont réunis pour un sommet de trois jours à Johannesburg

Quarante pays ont été invités au dernier sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) à Johannesburg. Six d'entre eux rejoindront officiellement le groupe le 1er janvier 2024 : l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l'Iran, l'Égypte, l'Éthiopie et l'Argentine. Mais beaucoup d'autres ont exprimé leur volonté de faire partie de ce nouveau bloc, parmi lesquels l'Indonésie, le Mexique et le Nigeria se distinguent par leur poids démographique, économique et géopolitique.

Les architectes de cette agglomération aux portes des BRICS sont essentiellement la Chine et l'Inde, la première en tant qu'antagoniste évident de la grande superpuissance planétaire que sont les États-Unis ; la seconde en tant que puissance émergente explosive, qui aspire à son tour à rivaliser avec la Chine pour la suprématie en Asie.

Bien que l'Inde et le Brésil se soient opposés à ce que le sommet sud-africain devienne un "forum anti-occidental", il ressort clairement de tout ce qui y a été discuté, esquissé et convenu que la formation d'un bloc opposé à ce qui a représenté jusqu'à présent l'Occident en général et les États-Unis en particulier est en train de s'accélérer.

Malgré une morphologie politique très hétérogène et des déséquilibres économiques et financiers évidents, le bloc veut s'imposer comme le représentant de ce que l'on appelle le Sud global. La principale raison sous-jacente à cette course au club est la méfiance croissante à l'égard des États-Unis, non pas tant parce qu'ils jouent le rôle de gendarme du monde, mais parce qu'ils ne sont pas perçus comme jouant équitablement leur rôle d'arbitre des ambitions et des conflits mondiaux.

Ils trouvent la dédollarisation des transactions commerciales très attrayante, convaincus que la pire chose qui puisse arriver à un pays qui ne dispose pas d'outils de dissuasion ou d'armes suffisants et qui est pointé du doigt par Washington serait de ne pas avoir un protecteur fort, un "cousin du Zumosol" pour agir comme un tampon. A tort ou à raison, de nombreux pays aspirants considèrent que le système économique et financier actuel, dernier héritage de Bretton Woods, est susceptible d'être transformé à tout moment en arme de guerre par l'application de plus en plus fréquente de sanctions. Les conséquences de ces sanctions aboutissent rarement au renversement d'un régime dictatorial ou tyrannique, mais il est clair qu'elles constituent une lourde punition pour la population des pays qui les subissent. D'innombrables exemples viennent étayer cette thèse, de la Russie à Cuba ou au Venezuela, toujours en fonction des intérêts spécifiques de la partie qui sanctionne pour aggraver ou atténuer l'intensité de la punition.

La Chine s'est chargée de diffuser largement des données telles que celles publiées par le Center for Economic and Policy Research de Washington (CEPR), selon lesquelles les Etats-Unis ont augmenté de 933% en vingt ans les sanctions imposées à des individus, des institutions et des pays étrangers. Cela se traduit, selon des analystes chinois comme Alex Lo, par le fait qu'un tiers de l'économie mondiale et un quart des pays siégeant à l'ONU ont été sanctionnés par les États-Unis d'une manière ou d'une autre. La liste compilée par l'Office of Foreign Assets Control du département d'État et du Trésor compte 2 206 pages et plus de 12 000 noms d'individus et d'entités sanctionnés par l'administration américaine.

Avec cet argument, la diplomatie chinoise, secondée en l'occurrence par les diplomaties russe et brésilienne notamment, propage l'idée que Washington préfère le faible coût d'un système de sanctions et de blocus économique à ses proverbiales "bottes sur le terrain" qu'elle a appliquées lors des invasions de l'Afghanistan et de l'Irak, d'où elle a dû partir après un coût financier énorme, qui s'est finalement avéré contre-productif.

Le G7 aura fort à faire pour démontrer par des contre-arguments la justesse de son modèle de relations. Pour commencer, les 9 et 10 septembre à New Delhi, ils devront s'affronter lors du sommet du G20, surnommé par le chef de la diplomatie indienne Subrahmanyam Jaishankar "le sommet de la voix du Sud".

Pour l'heure, si le G7 représente 43,5 % du PIB mondial, celui des BRICS 11 à partir de janvier 2024 sera de 34 %, ces derniers ayant une supériorité écrasante en termes de capital humain. Au vu de tout cela, il semble également très clair qu'il n'y a plus de place dans ce monde pour les neutres ou les indépendants, même pour cet euphémisme de la guerre froide que sont les pays dits "non alignés".