De la douleur à l'espoir

Surprenant dans la mesure où cet événement a nécessité la collaboration des ambassades respectives des deux pays, de l'Institut Cervantes à Tel Aviv et du Centre Sefarad-Israël lui-même, qui est après tout une institution de diplomatie publique, dont le conseil d'administration est composé de membres nommés par le ministère espagnol des Affaires étrangères, de l'Union européenne et de la Coopération.

L'exposition est une sélection de portraits du photographe polyvalent Erez Kaganovitz, organisée par Einat Talmon, responsable culturelle de l'Institut Cervantes de Tel Aviv, et présentée par la journaliste de i24News Nicole Mischel. Cette dernière a réalisé plusieurs programmes destinés à des millions d'hispanophones, juifs et non juifs, à travers le monde, dans lesquels, selon ses propres mots, elle tente de transmettre ce qu'a été la constatation de la perte de toutes les valeurs humaines en plein XXIe siècle. Cela ne l'empêche pas de continuer à plaider avec détermination pour la coexistence entre Palestiniens et Israéliens, en appelant à une empathie mutuelle qui, au vu des représailles dévastatrices d'Israël, semble aujourd'hui plus éloignée que jamais.
Bien qu'il soit évident que toute action humaine comporte une motivation et des conséquences qui peuvent être qualifiées de politiques, la représentante du Cervantes explique qu'ils ont évité que les portraits et le récit de l'expérience personnelle de chacun d'entre eux puissent être qualifiés de « politiques ».

Les trois concepteurs de l'exposition s'accordent à dire que ce 7 octobre a eu un effet dévastateur sur la société israélienne et a bien sûr profondément affecté les hispanophones, car parmi les plus de 200 000 originaires d'Espagne et d'Amérique latine vivant en Israël, il y a eu des victimes, des otages et des évacués. Ils expliquent que si cette journée tragique a été marquée par la cruauté et l'horreur, elle a également été marquée par l'héroïsme, la fraternité, la solidarité, le sauvetage, le rétablissement, la croissance et des efforts inlassables. C'est pourquoi cette exposition donne un visage et une voix à des hispanophones d'origines différentes afin qu'ils puissent raconter leur histoire, car parmi les participants se trouvent des survivants, des proches de victimes, des bénévoles, des professionnels de santé, des universitaires, des journalistes... tous faisant partie du tissu social d'Israël.

Ils soulignent qu'ils partagent tous une langue espagnole aux accents différents. La langue est ce qui les unit, parfois comme source de réconfort, d'autres fois comme moyen d'expression, comme outil de création ou simplement comme canal de lamentation. Car « l'espagnol est leur patrie commune, même si Israël est leur foyer ».
Erez Kaganovitz, créateur de la série de projets documentaires « Humans of Israel », « Humans of Tel Aviv », « Humans of Holocaust » et « Humans of Cervantes », fait siennes bon nombre des affirmations des protagonistes de ses portraits. Par exemple, celle du Chilien Rodrigo González : « Avoir des informations sur Israël après le début d'une guerre, sans le contexte, ce serait comme regarder une série télévisée en commençant par la troisième saison après avoir sauté la première et la deuxième ». Ou celle de l'Argentin Haim Jelin, qui, penché à une fenêtre après un grand incendie, tient deux roses en signe d'espoir : « Ils ne parviendront pas à anéantir notre esprit. Nous reconstruirons le kibboutz Beeri rasé, nous retrouverons les valeurs de solidarité et nous renaîtrons pour être une lumière pour Israël et pour le monde entier ». Et, bien sûr, celle du philologue d'origine uruguayenne Itay Green Baruj : « Ce qui m'a sauvé, c'est Don Quichotte, lorsque j'ai décidé d'arrêter de dévorer les actualités et de me remettre à lire de la littérature. La relecture de Don Quichotte m'a apporté réconfort, perspective et compréhension du pouvoir de la fiction à changer la réalité ».

Pour en revenir à Nicole Mischel, née au Venezuela, séfarade ayant des racines au Maroc, en Argentine et bien sûr en Espagne, elle me transmet le message que lui a adressé le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, avant de se rendre à Madrid : « Dites aux Espagnols que nous ne les aimons pas seulement, nous les aimons beaucoup ». Elle insiste sur un avenir plein d'espoir, mais le contrepose à « la haine, qui est aveugle par nature », accusant le djihadisme d'être incompatible avec le dialogue et le respect de l'autre. La journaliste n'hésite pas à répondre à la double question de savoir ce qu'elle pense que feront le Hamas et Israël dirigé par Benjamin Netanyahu : « Le Hamas détient des otages israéliens, mais il a également pris en otage le peuple palestinien à Gaza ; cela dit, il a réussi à convaincre une grande partie de l'opinion internationale qu'Israël est l'agresseur dans cette guerre. Mais l'État d'Israël, quel que soit son gouvernement, ne cessera jamais de préserver et de protéger la sécurité des citoyens du pays ».
Malgré les gestes de rupture du gouvernement espagnol avec Israël et le recul ou l'arrêt des relations commerciales, des événements tels que l'exposition au Centre Sefarad-Israël montrent que, heureusement, les ponts entre les deux pays et leurs peuples respectifs ne sont pas rompus.