Faire de Trump un adversaire pressé

Le tir d'un sniper dont les connexions mentales étaient déréglées a tout changé. À 6 mm près, la balle qu'il a tirée avec une grande précision sur la tête de Trump n'a pas soulevé le sommet de son crâne, mais a seulement effleuré son oreille droite, suffisamment pour le faire saigner et s'élever au-dessus de la nuée d'agents des services secrets qui étaient censés utiliser leur corps pour empêcher qu'une nouvelle balle ne vienne achever le travail.
En une fraction de seconde, Trump est passé du statut de favori dans les sondages à celui d'imbattable, qu'il soit opposé à Biden ou à qui il veut. Cette victoire prévisible a fini par convaincre les principaux dirigeants du parti démocrate qu'une telle prédiction signifierait non seulement la perte de la Maison Blanche, mais aussi du Sénat, qui est renouvelé par tiers, et de la Chambre des représentants, qui est renouvelée dans son intégralité. La panique s'est emparée des démocrates à l'idée d'une défaite qui les renverrait dans l'opposition pour longtemps. Le choix de l'énergique JD Vance pour rejoindre Trump sur le ticket républicain a permis d'effacer la faiblesse de Trump concernant son âge avancé. En tant que vice-président éligible, Vance assurerait la persistance du trumpisme même si Trump devait se retirer à la fin de son hypothétique mandat de quatre ans ou dans n'importe quelle autre éventualité. Trop de pouvoir était donc en jeu pour que le Parti démocrate se résigne à perdre faute d'un adversaire solide face à Trump, si bien que toute la machinerie des poids lourds, et surtout les grands donateurs du parti, ont clairement fait comprendre à Biden qu'il ferait mieux de se retirer gracieusement de la course avant qu'ils ne soient obligés de recourir à des pressions encore plus insupportables sur sa santé chancelante.
Simultanément à l'annonce de son retrait, Joe Biden a logiquement apporté son soutien à sa vice-présidente, Kamala Harris. Elle a toute légitimité pour que les votes des 4 000 délégués présents à la convention démocrate du 19 au 22 août à Chicago cèdent à Harris les voix qu'ils étaient chargés de donner à Biden. C'est désormais probable, mais pas si évident. La convention est désormais une conférence ouverte, au sein de laquelle des candidats inattendus peuvent être élus. C'est du moins la théorie, bien que la machinerie du parti travaille déjà à la préparation du "ticket" le plus potentiellement favorable, pour l'amener à la conférence déjà cuisinée.
Kamala Harris, actuellement également loin derrière Trump dans les sondages, pourrait néanmoins être consacrée candidate du Parti démocrate, mais à condition qu'on lui donne un colistier vice-président politiquement et personnellement solide, quelque chose comme un autre JD Vance, mais avec des convictions progressistes fermes.
Les grands gourous du parti, de l'ancien président Obama à l'ancienne présidente de la Chambre Nancy Pelosi, en passant par la pléthore de gouverneurs et de grands donateurs, scrutent déjà les CV des aspirants possibles, sinon pour battre le binôme Trump-Vance, du moins pour limiter l'éventuel grand naufrage et au moins pour ne pas perdre de postes au Capitole.
Si Kamala Harris devenait candidate à la présidence, son partenaire serait, en plus de cette personne aux caractéristiques idéologiques décrites ci-dessus, un homme et blanc, ce qui exclurait la gouverneure du Michigan, Gretchen Whitmer, qui a remporté en 2018 un État dans lequel Trump avait déjà triomphé.
En revanche, tant le gouverneur de Californie Gavin Newson que le gouverneur de l'Illinois J.B. Pritzker pourraient donner un fort coup de pouce à Kamala Harris, dont la féminité et les racines indiennes lui confèrent un ascendant incontestable auprès de la moitié féminine de la population et d'une bonne partie des minorités raciales.
Quoi qu'il en soit, il reste à peine trois semaines pour façonner ce "ticket", qui démontre au moins aux électeurs que Trump a déjà un adversaire. En outre, les cerveaux de la communication et de la propagande du parti devront travailler d'arrache-pied pour rendre ce "ticket" suffisamment attractif, et pour contrecarrer l'aura donnée à Trump par le "miracle" d'avoir survécu à un attentat qu'un auteur fou solitaire ou dirigé par d'autres - cela reste à savoir avec certitude - entendait radicalement écarter de la course électorale.