La gauche et les syndicats français n'acceptent pas la démocratie

Les règles de la démocratie sont depuis longtemps mal acceptées, voire directement boycottées, dans une partie de plus en plus importante de la géographie qui bénéficiait jusqu'à présent du "pire système de gouvernement à l'exclusion de tous les autres". Dans le même temps, il est de plus en plus fréquent de délégitimer les résultats des élections lorsqu'ils favorisent les options de centre et de droite modérée. En raison de son histoire emblématique, la France est déjà l'un des exemples les plus clairs où l'opinion majoritaire de la société à travers ses électeurs est disqualifiée de la manière la plus éhontée par les nostalgiques de la rancœur et de la révolution prétendument en suspens ou permanente.
Le président français Emmanuel Macron, qui a non seulement remporté une victoire écrasante pour sa réélection à la tête du pays, mais aussi une avance considérable aux élections législatives, a également obtenu l'aval du Conseil constitutionnel pour la mesure législative phare de son mandat : la réforme du système des retraites, et essentiellement le relèvement de l'âge de la retraite de 62 à 64 ans. Il ne s'agit pas d'une réforme inattendue qu'il n'avait pas inscrite dans son programme, ni d'une approbation sans un soutien législatif suffisant, puisqu'une grande partie des Républicains (LR), les anciens gaullistes, a voté largement en faveur de cette mesure.
Les "neuf sages" (comme on les appelle communément) qui composent le Conseil constitutionnel (CC) ont approuvé à l'unanimité et sans équivoque l'essentiel de la réforme, admettant au passage qu'"il n'y a pas eu de comportement anticonstitutionnel dans les procédures du gouvernement", bien qu'ils aient averti qu'il aurait pu en être autrement. Pour couronner le tout, le CC a rejeté une demande de référendum d'initiative partagée (RIP), déposée par la gauche, qui, si elle avait été admise, aurait permis de recueillir les 4,8 millions de signatures nécessaires à l'organisation d'une consultation sans précédent qui aurait annulé la réforme approuvée.
Au-delà du contenu de la réforme elle-même, qui n'aligne même pas l'âge de la retraite des Français sur celui de leurs collègues et voisins européens d'Allemagne, d'Italie et d'Espagne, la réalité est que, dès que le décret du CC a été connu, la réaction des forces les plus extrémistes, ainsi que des syndicats, a démontré leur volonté sans équivoque d'imposer leurs thèses et de ne pas respecter les règles de la démocratie.
Le sulfureux leader de La France Insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, a appelé à "continuer la lutte", dans laquelle ses partisans ont soutenu les incidents, les destructions et les pillages à travers la France ces derniers mois. La Confédération générale du travail (CGT), d'obédience communiste, a également appelé à la "mobilisation populaire", un appel qui a été immédiatement traduit par au moins une bonne partie de ses militants et sympathisants par les habituels incendies, émeutes et destructions à Paris et dans de nombreuses autres capitales départementales du pays.
La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, a proposé aux sept autres grandes organisations syndicales françaises une action commune et coordonnée pour élever le niveau des manifestations qui convergeront vers le 1er mai, qu'elle prédit comme une "date historique" pour renverser ce qui a été approuvé par le Congrès et le Sénat et entériné par le CC.
L'extrême droite, emmenée par la candidate à la présidence Marine Le Pen, souvent battue, n'est pas non plus en reste. La dirigeante du Rassemblement national (RN) a au moins utilisé un langage moins révolutionnaire, déclarant que "le sort politique de la réforme des retraites n'est pas scellé", tout en appelant ses électeurs à se préparer à l'alternance [au pouvoir] et à revenir sur cette réforme inutile et injuste".
De nombreux analystes locaux suggèrent que la stratégie de la gauche et des syndicats est de faire de la France un pays ingouvernable, dans le sillage de ce que leurs homologues d'Amérique latine mettent progressivement en place dans plusieurs pays de ce continent, où soit la gauche gouverne, soit, si la droite arrive au pouvoir, elle sera continuellement délégitimée, en plus d'être soumise à la pression continue des émeutes, des manifestations violentes et du harcèlement continu de chacun de ses représentants dans les différents niveaux de gouvernement.
Ce n'est pas une bonne nouvelle. La France, peut-être trop exaltée par l'histoire de sa Révolution de 1789, pourrait aujourd'hui montrer la voie de la disparition de la démocratie telle que nous la connaissons, une fois que la gauche aura dépoussiéré l'un de ses principes politiques directeurs de la première moitié du 20ème siècle : la démocratie n'était qu'une étape vers le but final, qui n'est autre que la révolution.