L'Algérie demande à nouveau des comptes à la France pour ses essais nucléaires

<p>El presidente de Argelia, Abdelmadjid Tebboune, y el presidente francés, Emmanuel Macron, hablan antes de una sesión sobre Inteligencia Artificial (IA), Energía, África y el Mediterráneo en el segundo día de la cumbre del G7 en Borgo Egnazia, Italia, el 14 de junio de 2024 - REUTERS/LOUISA GOULIAMAKI&nbsp;</p>
Le président algérien Abdelmadjid Tebboune et le président français Emmanuel Macron s'expriment avant une session sur l'intelligence artificielle (IA), l'énergie, l'Afrique et la Méditerranée lors du deuxième jour du sommet du G7 à Borgo Egnazia, en Italie, le 14 juin 2024 - REUTERS/LOUISA GOULIAMAKI
Lorsque les relations entre la France et l'Algérie étaient relativement normales, la question de l'« héritage nucléaire » était occultée, c'était un tabou

Son nouvel et soudain éclatement montre maintenant que les liens entre les deux pays traversent l'un de leurs pires moments.

Soixante-cinq ans se sont écoulés depuis les premiers essais nucléaires réalisés par la France sur le territoire algérien.

Entre février 1960 et avril 1961, les Français ont procédé à quatre explosions atmosphériques sur le site d'essais de Reggane, et à treize autres explosions souterraines sur celui d'In Ekker, dans la wilaya de Tamanrasset, ces dernières ayant eu lieu au cours des cinq années allant de novembre 1961 à février 1966.

La plupart de ces essais ont été réalisés après la signature des accords d'Évian le 18 mars 1962, qui ont mis fin à la guerre de huit ans et ont marqué le début de l'indépendance de l'Algérie.

Malgré les concessions alors accordées en faveur de l'État français, l'Algérie n'a jamais cessé de réclamer à son ancienne métropole des indemnités matérielles et la transmission des documents scientifiques et militaires accumulés pendant cette période d'essais nucléaires, qui ont fait de la France la troisième puissance nucléaire occidentale, avec les États-Unis et le Royaume-Uni, et la cinquième au monde si l'on inclut la Russie et la Chine.

Mais si ce différend franco-algérien se déroulait en coulisses, il a maintenant refait surface avec force, grâce aux journées sur les « crimes nucléaires » [français], organisées par l'Assemblée populaire nationale, la chambre basse du Parlement algérien. Le président de cette dernière, Ibrahim Boughali, qui a ouvert les débats, a fait référence à cette commémoration du 65e anniversaire des essais nucléaires sur son territoire, avant de réitérer les principaux points des réclamations adressées à Paris : la décontamination complète des sites touchés par ces essais atmosphériques et souterrains ; la collecte et l'enfouissement définitif des déchets qui se trouvent encore sous les sables du Sahara, et l'indemnisation des victimes.

Boughali, qui serait soutenu par le président Abdelmadjid Tebboune, exige que la France prenne la responsabilité de nettoyer toutes les zones touchées par les radiations et les déchets nucléaires. Il soutient également que Paris doit fournir les archives complètes des sites où les essais ont été effectués « afin que nos propres experts puissent évaluer les dommages et prendre les mesures appropriées pour les atténuer ».

Bien qu'Alger n'ait pas établi de chiffre officiel concernant le nombre de personnes touchées, il estime à environ 30 000 le nombre de personnes ayant subi les conséquences de ces essais nucléaires et qui devraient donc être indemnisées. Mais c'est là que les graves divergences de vues entre Paris et Alger se font sentir. La France a mis en place un système d'indemnisation des victimes de ses essais, tant en Afrique qu'en Polynésie. Et à ce jour, le Comité d'indemnisation, créé en 2010 par la loi Morin, n'a inclus qu'un seul Algérien parmi les 545 victimes qui ont déjà reçu leur indemnisation respective. Au cours de la même période, la France a effectué 193 essais nucléaires dans les archipels polynésiens de Mururoa et Fangataufa, dans le Pacifique Sud, ce qui explique pourquoi ses habitants sont ceux qui ont enregistré le plus grand nombre de victimes indemnisables, selon Paris.

L'Algérie récuse par conséquent le système mis en place par la France qui consiste à verser l'argent directement aux victimes, et demande que, une fois le nombre de personnes concernées déterminé, l'indemnisation soit effectuée d'État à État, et que ce soit l'Algérie qui procède alors à la distribution de ces aides.

Ce contentieux, peut-être le plus difficile à résoudre de tous ceux qui empoisonnent les relations algéro-françaises, a été relancé à partir de 2007, à l'occasion de la visite du président Nicolas Sarkozy en Algérie. Il a alors été décidé de créer un comité bilatéral « pour dresser un inventaire des sites contaminés afin de diagnostiquer leur radioactivité, de déterminer les risques pour les habitants et l'environnement et de proposer des mesures de réhabilitation ». Cela n'a pas fonctionné.

Il en ira de même pour le nouveau groupe de travail créé en application de la Déclaration d'Alger sur l'amitié et la coopération entre la France et l'Algérie, signée lors de la visite du président François Hollande en 2012. De même, la recommandation du rapport de l'historien Benjamin Stora en 2021, élaboré à la demande du président Emmanuel Macron, pour parvenir à un consensus sur les conséquences des essais nucléaires français en Algérie, n'aura pas de résultats concrets.

Les relations franco-algériennes se sont gravement détériorées depuis l'été dernier, à la suite de la reconnaissance par le président Macron de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Les tensions se sont intensifiées cette année avec l'emprisonnement de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, accusé d'avoir porté atteinte à la souveraineté territoriale de l'Algérie en faveur du Maroc, pour des déclarations faites au magazine français Frontières.