L'Arabie saoudite lance une dernière offensive ? sur le Yémen

Les rebelles houthis d'Ansar Allah ont continué à harceler l'Arabie saoudite en tirant des obus, le plus récemment le 25 décembre sur la région de Jizan, dans le sud du pays, à la frontière avec le Yémen. Le prince héritier Mohammed Bin Salman (dit MBS) a immédiatement annoncé "une opération militaire de grande envergure", dont on comprend qu'elle vise à porter un coup définitif à une guerre qui va entrer dans sa huitième année et qui, selon l'ONU, a déjà fait plus de 370 000 morts et provoqué une gigantesque catastrophe humanitaire, projetée sur l'Europe à travers les centaines de milliers de réfugiés qui fuient leur pays de 30 millions d'habitants, dont 80% dépendent de l'aide humanitaire internationale.
À la tête d'une coalition internationale, dont l'autre principal pilier est les Émirats arabes unis (EAU), l'Arabie s'est engagée dans la guerre au Yémen en 2015, dans le but de faire reculer l'offensive des Houthis d'Ansar Allah, qui avaient pris les armes contre le régime d'Ali Abdallah Saleh dans le contexte des soulèvements arabes de 2011.
Mais sept années de guerre et un énorme investissement dans le matériel militaire, qui ont fait de l'Arabie le sixième plus grand dépensier d'armes au monde, n'ont pas permis d'atteindre l'objectif principal, que MBS avait estimé à l'époque à quelques semaines tout au plus. Pire encore, l'imbroglio de la guerre au Yémen est devenu un théâtre majeur de confrontation avec l'Iran, dont le régime islamiste soutient ouvertement les rebelles houthis. La guerre a vu la consolidation de la mainmise des Houthis sur la capitale, Sana'a, et une fragmentation rampante du territoire, qui s'est traduite par une multiplicité de centres de pouvoir.
Une analyse géopolitique détaillée réalisée par l'Institut royal Elcano (RIE) indique que "la carte politique actuelle du Yémen est plus éloignée que jamais d'un État viable et souverain, Ansar Allah contrôlant presque entièrement le nord du pays, tandis que le gouvernement d'Abdrabbuh Mansur al-Hadi, de crise en crise, est aux prises avec les aspirations sécessionnistes du Conseil de transition du Sud (STC) et tente de l'intégrer dans son alliance avec le parti Islah (une organisation islamiste peu structurée ayant une relation historique avec les Frères musulmans)".
L'échec des prévisions de MBS de conclure le conflit au cours de ces quelques semaines et la multiplication de toutes sortes d'incidents, d'escarmouches et d'attaques des Houthis contre les installations et les intérêts saoudiens semblent avoir amené Riyad à la conclusion qu'il est nécessaire de frapper un coup définitif au lieu de prolonger indéfiniment une guerre meurtrière mais apparemment de faible intensité, et surtout, une guerre dont l'issue à court terme n'est pas en vue s'il poursuit cette stratégie stérile en termes de résultats.
Bien que Téhéran nie être à l'origine des diverses livraisons d'armes, prétendument destinées aux rebelles houthis mais saisies par les forces de la coalition, Riyad dispose de suffisamment d'éléments pour prouver la coopération entre Ansar Allah et l'Iran. Cette alliance, qui est également liée au mouvement libanais Hezbollah, est considérée par l'Arabie saoudite comme une menace permanente pour sa sécurité et sa stabilité.
D'autre part, l'intervention au Yémen a été pour le royaume saoudien une occasion d'alimenter la ferveur nationaliste et un moyen d'exprimer la loyauté des citoyens envers leurs dirigeants. Selon le rapport de l'EIR, "il était également destiné à servir de démonstration du leadership régional de l'Arabie saoudite, caractérisé comme une aspiration légitime et le projet personnel du prince héritier". Par conséquent, si la nouvelle "opération militaire de grande envergure" décidée par MBS ne parvient pas à atteindre ses objectifs, à savoir mettre virtuellement fin à cette guerre, Riyad et MBS lui-même subiraient une érosion significative de leur prestige international et de leur autorité morale.