Bien plus qu'un coup de massue tarifaire

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Le président Donald Trump - AP/CHARLIE NEIBERGALL
Ce 2 avril pourrait entrer dans l'histoire comme le jour J où les États-Unis ont rompu le lien transatlantique

C'est la date que le président Donald Trump avait lui-même fixée pour l'entrée en vigueur de ses tarifs douaniers brutaux à l'encontre de l'Europe et d'une grande partie du reste du monde. La première conséquence de ces augmentations, qu'elles soient réduites ou atténuées ou non, bouleversera le commerce mondial, avec des conséquences, certaines prévisibles et d'autres non, sur l'ordre international déjà en construction.

Dans le cas de l'Europe, l'augmentation des préjudices cumulés est en cours de quantification, car, outre les droits de douane directs sur les produits provenant des 27 pays européens, il faudrait ajouter ceux que les pays tiers exportent vers l'Europe, qui seraient également pénalisés par la décision du président américain.

Dans le cas spécifique de l'Espagne, si les menaces de 25 % annoncées se concrétisent, nous parlerons de pas moins de 12 milliards d'euros. Il s'agirait donc de taxes supplémentaires aux 18,2 milliards de dollars de marchandises et de services exportés l'année dernière vers les États-Unis, et aux 28,2 milliards de dollars d'importations en provenance de pays susceptibles d'être désormais sanctionnés par ces nouvelles taxes. 

Si la sanction est brutale, l'énorme fossé de méfiance qui s'ouvre entre la rive orientale de l'Atlantique européen et celle qui baigne les côtes américaines n'est pas moins important. L'Europe est passée du statut de partenaire et d'allié privilégié à celui de cible politique directe, sans même passer par le purgatoire de l'indifférence. Un désaccord qui, s'il a eu au départ le mérite de réveiller une Europe endormie, l'oblige désormais à construire rapidement des alternatives à son propre ordre désormais bouleversé, une décision qui sera si coûteuse qu'elle pourrait même menacer l'existence même de l'Union européenne, compte tenu de la première et logique réaction lorsque le tsunami apparaît par surprise : celle de « sauve qui peut ». 

Il existe une grande convergence dans les rapports que les ambassades accréditées aux États-Unis envoient à leurs gouvernements respectifs, toujours confidentiels, bien sûr, mais qui « jusqu'où peut-on aller sans révéler de secret classifié », apprécient non seulement une distanciation de l'Europe et des Européens, mais aussi une hostilité croissante. 

Les diplomates et autres observateurs de tous bords ont été surpris de constater que le tandem présidentiel, Donald John Trump et James John Vance, ce dernier semblant être celui qui professe le plus de ressentiment envers l'Europe. À cet égard, dans la fuite - fortuite ou non - de la soi-disant Groupe Signal, on peut lire que le vice-président dit textuellement « détester avoir à sauver l'Europe à nouveau ». 

Dans cette conversation, à laquelle le rédacteur en chef de The Atlantic aurait été inclus par erreur, le vice-président Vance faisait référence aux bombardements imminents des États-Unis contre les Houthis au Yémen, tout en considérant comme une erreur que les États-Unis s'impliquent dans ce guêpier, étant donné que « seulement 3 % du commerce américain passe par le canal de Suez, contre 40 % du commerce européen ». 

Si l'on ajoute à tout cela la volonté de plus en plus ferme d'annexer le Groenland, « d'une manière ou d'une autre, sans exclure l'option militaire », ce sont là des indices plus qu'éloquents pour certifier que, avec toutes les précautions et restrictions mentales que l'on voudra, les États-Unis et l'Europe sont sur le point de subir une rupture structurelle. 

Et alors ? Eh bien, que ce soit collectivement (ce qui est le plus souhaitable) ou chacun de son côté, les Européens devront se débrouiller. Et sur cette planète de plus en plus petite à l'échelle mondiale, il n'y a pas beaucoup d'alternatives. Trump et Vance semblent pousser l'Europe dans les bras de la Chine, avec qui il ne sera pas facile de nager et de garder quelques vêtements sur le rivage. Le voyage précipité du président Pedro Sánchez à Pékin montre que, mis à part ses nombreux autres problèmes, il cherche à être le premier à se présenter au comptoir chinois des solutions d'urgence alternatives. Il faudra également composer avec la Russie, dont le président Vladimir Poutine est réintroduit par Donald Trump sur la scène internationale. 

Dans tous les cas, nous entrons dans le jeu dangereux des alliances pour se placer du bon côté de l'histoire. Une activité presque purement récréative en période de stabilité, de prospérité et de calme plat, mais avec des risques indéniables de se tromper, de déraper et de se retrouver dans la mer de boue et de misère du mauvais côté.