Humaniser la diplomatie pour faire la paix entre l'Espagne et le Maroc

L'histoire commune de l'Espagne et du Maroc montre que la proximité géographique n'est pas une condamnation ou une menace, mais plutôt une opportunité et un pont qui permet la rencontre des cultures, des traditions et des religions qui, lorsqu'elles se rencontrent et interagissent, génèrent sans aucun doute une richesse qui nourrit la civilisation humaine et la paix mondiale.
Les deux pays voisins, en plus de partager une histoire et un patrimoine communs, sont appelés à participer à la construction de ponts de rencontre, de reconnaissance et de compréhension, en tenant compte de leurs intérêts et défis communs, et en sachant qu'il reste encore beaucoup à faire pour que l'Espagne et le Maroc apprennent à mieux se connaître.
La crise actuelle montre qu'il y a effectivement beaucoup à faire pour que les deux pays apprennent à mieux se connaître, en accordant de l'importance non seulement aux intérêts politiques et économiques, mais aussi aux intérêts humains partagés par les deux sociétés. Dans une crise comme celle d'aujourd'hui et pour faire la paix entre les deux pays, plus que des mots, il faut des actes pour humaniser la diplomatie, les intérêts et les relations bilatérales.
Humaniser la diplomatie entre les deux pays, c'est opter pour une diplomatie de la rencontre, du dialogue et de l'ouverture à l'autre sans préjugés ni complexes ; c'est rendre la diplomatie plus humaine en œuvrant pour la dignité de chaque être humain, et faire en sorte que les citoyens des deux pays se sentent compris, reconnus et responsabilisés.
Il est temps de comprendre que le conflit actuel entre les deux pays est une opportunité de changement qui permet aux deux parties de grandir ensemble et de construire la confiance, la compréhension et l'entente entre elles, il est temps de remercier la vie qui offre aux deux voisins la possibilité de créer un processus constructif de changement pour s'enrichir mutuellement et transformer leurs préjugés, leurs incompréhensions et leurs peurs de manière pacifique. Il est donc temps d'humaniser le conflit et non de le politiser, en gardant à l'esprit que le conflit est inhérent aux relations humaines et que, s'il est transformé pacifiquement, il sera un moteur de changement et une source de création et d'innovation qui engendrera des changements positifs et permettra aux deux pays de cultiver de nouvelles relations humaines.
La crise actuelle améliorera sans aucun doute les relations bilatérales en participant à la déconstruction de relations mal construites et à la reconstruction de ces relations sur des bases solides, renforcées par la confiance, le bon voisinage, la reconnaissance et la responsabilisation des citoyens des deux pays.
En effet, afin de bien reconstruire les relations déconstruites, d'éviter d'autres crises et de prévenir d'autres conflits négatifs à l'avenir, les deux pays sont appelés à adopter une vision à long terme, en créant des espaces et des processus de changement constructif qui permettront aux citoyens d'être préparés à affronter ensemble leurs défis. Dans ce sens, et avec cette vision à long terme d'humaniser les relations bilatérales entre les deux pays, j'ai présenté en janvier 2020, à l'ambassade du Maroc en Espagne et à l'ambassade d'Espagne au Maroc, le Plan d'éducation hispano-marocain pour la culture de la paix, qui découle du besoin exprimé par les deux pays d'améliorer leurs relations bilatérales à tous les niveaux, de transformer pacifiquement leurs conflits et d'affronter ensemble leurs défis contemporains et communs, tels que l'immigration illégale, le changement climatique, la pauvreté, le terrorisme et l'extrémisme violent, entre autres. Il souligne également la collaboration efficace entre l'Espagne et le Maroc dans la lutte contre le terrorisme et les mafias d'immigration clandestine, et ouvre des espaces de paix par l'éducation pour consolider et renforcer un partenariat plus stratégique.
Le plan, qui a été examiné par plusieurs experts internationaux et docteurs en études sur la paix et les conflits, a reçu le soutien de M. Miguel Ángel Moratinos, Haut représentant des Nations unies pour l'Alliance des civilisations. Il serait donc intéressant, pour faire la paix entre les deux pays, de reprendre cette initiative, qui reconnaît que l'éducation est essentielle dans tout projet visant à construire une génération capable d'affronter ses défis de manière pacifique, afin de faire de l'Espagne et du Maroc un modèle de coexistence entre les sociétés occidentales et musulmanes et un exemple d'application sur le terrain des objectifs de l'Alliance des civilisations des Nations unies.
Said Bahajin est titulaire d'un doctorat en études internationales sur la paix, les conflits et le développement et est chercheur à la chaire UNESCO de philosophie pour la paix de l'université Jaume I, en Espagne.