L'Arabie saoudite en tête de la croissance touristique mondiale en 2025
À des fins géopolitiques et d'image internationale

Au premier trimestre 2025, l'Arabie saoudite s'est distinguée comme le pays ayant enregistré la plus forte augmentation des recettes du tourisme international au niveau mondial. Cette croissance reflète non seulement une stratégie résolue de diversification de l'économie grâce à de grands projets touristiques, mais aussi un effort pour renforcer sa présence et ses alliances sur la scène internationale.
- Record historique du tourisme international
- Investissements et mégaprojets touristiques : le moteur de la Vision 2030
- Jeu géopolitique
- Défis sociaux et réputation internationale
Record historique du tourisme international
Selon le Baromètre du tourisme mondial de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT), publié en mai 2025, le royaume saoudien a enregistré une augmentation de 102 % du nombre de touristes internationaux par rapport à la même période en 2019. Ce pourcentage dépasse largement la moyenne mondiale de 3 % et la moyenne régionale de 44 % au Moyen-Orient, consolidant ainsi la position de l'Arabie saoudite en tant qu'acteur clé du secteur touristique mondial.

L'Agence de presse saoudienne a interprété ces données comme une confirmation du succès de la stratégie nationale en matière de tourisme, guidée par les objectifs fixés dans l'ambitieux programme Vision 2030.
Le ministre du Tourisme, Ahmed Al-Khateeb, a souligné que cette performance exceptionnelle est le résultat direct du soutien des hautes instances du pays. Selon lui, le tourisme est devenu un « catalyseur clé » de la transformation de l'économie saoudienne, et la croissance soutenue du secteur reflète « les efforts intégrés du ministère et de tous les acteurs de l'écosystème touristique ».
Investissements et mégaprojets touristiques : le moteur de la Vision 2030
Le pays du Golfe a entrepris une transformation sans précédent en consacrant plus de 1 000 milliards de dollars à des mégaprojets touristiques dans le cadre de son ambitieuse Vision 2030, qui vise à diversifier son économie et à réduire sa dépendance au pétrole. Selon le Financial Times, cet investissement massif comprend des initiatives telles que NEOM, Qiddiya, Diriyah, Soudah Peaks et le Red Sea Project, qui visent à positionner le pays comme une destination touristique de classe mondiale, avec des propositions alliant durabilité, technologie et luxe extrême.

L'un des emblèmes les plus connus est NEOM, et, au sein de celui-ci, la ville futuriste The Line, un projet de 500 kilomètres de long avec zéro émission de carbone. Toutefois, des rapports récents indiquent que cette initiative est confrontée à des retards importants et à une réduction drastique de son ampleur : sur les 1,5 million d'habitants prévus pour 2030, on estime désormais que seuls 300 000 seront construits sur une fraction du tracé initial. En parallèle, le projet Red Sea Project a connu des avancées plus stables, avec l'ouverture de ses premiers hôtels de luxe en 2023 et la mise en place d'une réglementation spécifique pour les croisières, ouvrant ainsi la voie au tourisme maritime en mer Rouge. Le nouveau cadre juridique établit des normes de durabilité et de sécurité, consolidant cette zone comme un élément clé du développement touristique maritime du royaume saoudien.
Parmi les autres projets notables, citons Qiddiya, une « ville du divertissement » en construction près de Riyad, qui comprendra des parcs à thème, des stades, des musées interactifs et des centres culturels. En 2023, Qiddiya a reçu plus de 8 milliards de dollars d'investissements privés nationaux et internationaux, ce qui démontre la confiance du marché dans l'avenir touristique de l'Arabie saoudite. De même, Soudah Peaks, axé sur l'écotourisme de montagne, et Diriyah Gate, axé sur la restauration du patrimoine culturel islamique, visent à diversifier l'offre touristique avec des expériences uniques qui vont au-delà du luxe, en misant sur l'identité historique et la nature du pays. Ces projets ont été conçus avec les dernières technologies et visent à attirer plus de 100 millions de touristes par an d'ici 2030.

Jeu géopolitique
Le tourisme saoudien n'opère pas dans le vide : il est également un instrument stratégique. En décembre 2022, la visite du président chinois Xi Jinping à Riyad a marqué un tournant. Un partenariat stratégique global a été signé, intégrant la Vision 2030 saoudienne à l'initiative chinoise Belt and Road Initiative (BRI), couvrant la coopération dans les domaines de l'énergie, de la technologie, de la construction et du tourisme.
L'Arabie saoudite s'est particulièrement concentrée sur le marché chinois. En 2023, elle a accueilli 100 000 touristes chinois, mais elle aspire à atteindre 5 millions par an d'ici 2030. À cette fin, des mesures spécifiques ont été mises en œuvre, telles que l'obtention du statut de destination approuvée (ADS), la signalisation bilingue dans les aéroports, le personnel parlant mandarin et des accords avec des agences de voyage chinoises. Cette stratégie renforce non seulement l'économie, mais aussi les liens culturels et éducatifs, avec des programmes d'échange, des salons du livre et des traductions littéraires bilatérales.
La Chine participe également activement à des projets tels que NEOM et a proposé de financer des infrastructures clés telles que le train « landbridge » qui reliera le Golfe à la mer Rouge. Cette coopération renforce la position de l'Arabie saoudite dans un monde multipolaire, en équilibrant ses relations historiques avec les États-Unis et en facilitant son rôle d'acteur diplomatique régional, comme l'a montré la médiation chinoise dans la reprise des relations entre l'Arabie saoudite et l'Iran en 2023.

Défis sociaux et réputation internationale
L'ambitieuse transformation touristique de l'Arabie saoudite, menée par des mégaprojets tels que NEOM, a soulevé d'importantes questions sociales et relatives aux droits de l'homme. La construction de NEOM a fait l'objet de plaintes liées à l'expulsion forcée de communautés autochtones, en particulier la tribu Howeitat dans la région de Tabuk. En avril 2020, un membre éminent de cette communauté, Abdul Rahim Al-Huwaiti, a été arrêté et est décédé en détention policière après avoir résisté à l'expulsion de ses terres ancestrales. Depuis 2022, plusieurs membres de cette tribu ont été arrêtés et poursuivis pour des chefs d'accusation liés au terrorisme en raison de leur résistance à l'expulsion ; certains encourent des peines allant de longues peines d'emprisonnement à la peine de mort, selon des rapports des Nations unies et d'organisations telles qu'Alqst et Middle East Eye. Ces actions ont suscité des critiques et des observations internationales sur d'éventuelles violations des droits humains, en particulier sur l'absence de consultation préalable et d'indemnisation adéquate des communautés concernées.

Parallèlement à ces défis sociaux, l'Arabie saoudite a développé une stratégie internationale très médiatisée pour améliorer son image grâce à d'importants investissements dans des événements sportifs et culturels. Depuis 2021, le Fonds public d'investissement (PIF) a consacré plus de 6,3 milliards de dollars à la promotion du pays en parrainant et en organisant des événements mondiaux tels que la Formule 1, le circuit LIV Golf, l'achat du club de football Newcastle United et le siège de la Gold Cup de la Concacaf 2025. Cette politique, communément appelée « sportswashing », vise à attirer l'attention internationale et à diversifier l'image du pays en tant que destination moderne et ouverte.
Cependant, diverses organisations de défense des droits humains, telles que Human Rights Watch et Amnesty International, ont souligné que ces actions n'ont pas entraîné de changements significatifs en matière de libertés politiques et de protection des droits civils dans le pays, mettant en évidence la persistance des détentions arbitraires et des restrictions à la liberté d'expression.