Après la réunion du Conseil des ministres de lundi, le président algérien a l'intention de faire avancer le projet de loi qui protégera les processus judiciaires de l'armée avec confidentialité

Algérie : Tebboune appelle à renforcer les mécanismes de la Loi sur la justice militaire

photo_camera PHOTO/AFP - Abdelmadjid Tebboune, président de l'Algérie

Le gouvernement algérien entend protéger les procès militaires à l'aide de la nouvelle loi sur la justice militaire. Le projet, qui prenait la poussière dans un tiroir depuis 2018, a été relancé par le président de la République, Abdelmajjid Tebboune, lors du dernier Conseil des ministres tenu lundi à Alger.  

Selon le rapport donné par l'agence de presse officielle du gouvernement algérien, le gouvernement de Tebboune veut mettre un veto sur les procès militaires à la presse et au public. 

"Le président de la République a donné des instructions pour enrichir le projet de loi, en insistant sur l'impératif de prendre en compte la spécificité des missions qu'il recouvre et la confidentialité requise dans le cadre de la protection des intérêts suprêmes de l'Etat", précise le rapport d'Algérie Presse Service. "Conditionner toute déclaration aux médias sur des questions liées à la défense nationale et qui intéressent l'opinion publique, avec l'autorisation préalable du ministre de la Défense nationale", poursuit le texte, qui fait référence à toute question liée aux forces armées et à la défense nationale. 

said chengriha, jefe del estado mayor de defensa de argelia

Par le passé, les tribunaux militaires algériens ont étendu leur champ d'action aux accusations portées contre des civils, comme ce fut le cas en 2020 avec la dirigeante du Parti des travailleurs algériens, Louisa Hanoune, dans le cadre du complot présumé de Saïd Bouteflika, le frère de l'ancien président décédé en 2021. Dans ce cas, les accusations d'"atteinte à l'autorité militaire" ont élevé le processus judiciaire au niveau des forces armées plutôt que de rester dans les tribunaux civils plus transparents. 

Si le procès contre Hanoune et Bouteflika a pu être suivi dans une certaine mesure par les médias et la communauté internationale, la France en tête, les amendements que le gouvernement Tebboune entend apporter au projet de loi sur la justice militaire annuleraient les garanties déjà faibles du procès Hanoune-Bouteflika. 

Les procès impliquant des officiers militaires de haut rang sont récurrents en Algérie. Il convient de rappeler que les militaires algériens disposent d'un pouvoir important et que la direction dirigée par le chef d'état-major des armées, Said Chengriha, exerce une grande influence sur le gouvernement civil. Le binôme impliquant les militaires est communément appelé "Pouvoir". 

Argelia

Depuis l'indépendance, la mainmise des généraux sur la politique algérienne a fait d'eux la cible d'attaques de la part d'autres factions au sein de l'État. Les derniers procès militaires qui ont amené trois généraux de haut rang sur le banc des accusés sont ceux des généraux Median, Nezzar et Tartag. Deux d'entre eux étaient responsables des services de renseignement et le troisième était chef d'état-major de la défense algérienne dans les années 1990 et 2000. Ces intentions de la part du gouvernement suggèrent une poursuite de la collusion entre les forces armées et le gouvernement civil qui a marqué l'Algérie depuis la chute de Bouteflika en 2019. Avec ces nouvelles mesures, les forces armées pourront continuer à traiter ce type de dossier de manière plus discrète et à huis clos. 

Le manque de ressources du côté civil du gouvernement rend impossible d'empêcher les militaires de chercher à obtenir plus de pouvoir politique en Algérie. L'une des étapes cruciales de cette prise de pouvoir a été le transfert du renseignement intérieur aux forces armées, une ressource précieuse qu'Abdelaziz Bouteflika a gardée pour lui pendant ses années au pouvoir depuis la fin de la guerre civile.
 

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