La Cour de justice des Communautés européennes annule les accords de pêche et d'agriculture entre l'UE et le Maroc

Le pacte agricole sera maintenu pour 12 mois afin d'éviter de « graves » conséquences économiques et pour des raisons de « sécurité juridique » 
Pescadores descargan cajas de pescado de su barco en el puerto de la ciudad del Sáhara Occidental, El Aaiún - AFP/FADEL SENNA
Des pêcheurs déchargent des caisses de poissons de leur bateau dans le port de la ville de Laayoune, au Sahara occidental - AFP/FADEL SENNA
  1. Le Maroc ne se considère pas concerné par la décision de la CJUE

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a confirmé l'annulation des accords de pêche et d'agriculture entre l'Union européenne (UE) et le Maroc au motif qu'ils violaient les droits du Sahara occidental au moment de leur conclusion. 

En d'autres termes, la Cour européenne de justice comprend que pour l'UE de sceller un accord international avec le Maroc sur cette région nécessite le consentement du peuple du Sahara occidental, un consentement qui n'existe pas, selon la Cour européenne. 

L'annulation de l'accord de pêche, qui avait déjà été suspendu depuis juillet 2023 à la suite d'un arrêt du Tribunal de l'UE (GCEU), implique pleinement les flottes de pêche d'Andalousie, des îles Canaries et de Galice, puisque 92 des 138 licences qui pêchent dans la zone sont liées à l'activité de pêche de l'Andalousie, des îles Canaries et de la Galice.

Quant à l'annulation dans le domaine agricole, elle sera prolongée de 12 mois « compte tenu des conséquences négatives graves pour l'action extérieure de l'Union qu'entraînerait son annulation immédiate » et « pour des raisons de sécurité juridique ».

Un barco pesquero marroquí ingresa al puerto de la ciudad del Sáhara Occidental , El Aaiún - AFP/FADEL SENNA
Un bateau de pêche marocain entre dans le port de la ville de Laayoune, au Sahara occidental - AFP/FADEL SENNA

La CJUE a ainsi mis fin au contentieux sur l'accord de pêche avec le Maroc et son protocole en rejetant les pourvois du Conseil européen et de la Commission européenne, conformément à l'arrêt du Tribunal de l'UE de 2021 et aux conclusions de l'avocate générale Tamara Capeta. 

L'application de ce protocole a expiré le 17 juillet 2023, ce qui a entraîné la suspension de l'activité, ce qui affecte particulièrement l'Espagne. 

L'arrêt soutient que les pactes conclus en 2019 l'ont été sans le consentement du Sahara occidental. « En 2019, il a introduit une série de recours devant le Tribunal pour l'annulation des décisions du Conseil approuvant ces accords. Constatant que l'Union et le Maroc ont conclu des accords applicables au Sahara occidental sans avoir obtenu le consentement du peuple du Sahara occidental, en tant que tiers aux accords litigieux, le Tribunal a annulé les décisions litigieuses, tout en maintenant temporairement leurs effets », note l'arrêt de la Cour.

Tribunal de Justicia de la Unión Europea en Luxemburgo
REUTERS/FRANCOIS LENOIR
Cour de justice de l'Union européenne à Luxembourg - REUTERS/FRANCOIS LENOIR

L'avenir du Sahara occidental, territoire contesté depuis que l'Espagne l'a abandonné en tant que puissance colonisatrice dans les années 1970, est toujours en litige. 

Le Maroc revendique la souveraineté sur le territoire et a proposé une formule de large autonomie pour le Sahara occidental sous sa propre souveraineté, ce qui donnerait aux autorités sahraouies une grande marge de manœuvre pour gérer leurs propres affaires et laisserait les questions de défense et de politique internationale entre les mains de l'État marocain.

Puesto de control fronterizo entre Marruecos y Mauritania en Guerguerat, ubicado en el Sáhara Occidental - AFP/FADEL SENNA
Poste de contrôle frontalier entre le Maroc et la Mauritanie à Guerguerat au Sahara Occidental - AFP/FADEL SENNA

Le défi du Maroc est de développer le territoire autant que possible dans tous les domaines, y compris tous les types d'activités économiques. 

Au cours des dernières décennies, cette question a été davantage politique, mais elle a également revêtu un aspect économique lié aux droits d'exploitation et aux diverses activités économiques sur le territoire sahraoui, et la justice européenne s'est prononcée sur cette question. « Au fil des années, le conflit a également commencé à affecter la légalité des accords économiques conclus, notamment, par le Maroc et qui portent sur l'exploitation des ressources naturelles du Sahara occidental et des eaux adjacentes à ce territoire », a souligné la CJUE, ajoutant que « la mise en œuvre d'un accord international entre l'Union et le Maroc sur le territoire du Sahara occidental doit obtenir le consentement du peuple du Sahara occidental », un consentement qui, selon la juridiction européenne, n'existe pas à l'heure actuelle. 

Face à la proposition marocaine d'autonomie pour le Sahara occidental, il existe une version opposée, celle du Front Polisario, l'organisation qui réclame un référendum sur l'indépendance du peuple sahraoui, difficile à réaliser selon divers analystes en raison de différents problèmes, comme celui de l'élaboration d'un recensement pour le vote. 

Par ailleurs, la proposition du Maroc d'établir une souveraineté réelle et formelle sur le Sahara occidental, conformément aux résolutions de l'Organisation des Nations unies (ONU), a reçu un large soutien international. Plus de 100 pays ont soutenu l'initiative du Maroc, la considérant comme le moyen le plus sérieux, le plus crédible et le plus réaliste de résoudre le conflit sahraoui, y compris des puissances et des nations majeures telles que les États-Unis, la France, les Émirats arabes unis, l'Allemagne, Israël et l'Espagne.

El norte de África es testigo de los peligrosos movimientos iraníes que pueden hacer estallar la situación en la región, especialmente con la Guardia Revolucionaria que continúa brindando marchas avanzadas al Frente Polisario, lo que amenaza la estabilidad en torno al Sáhara marroquí - AFP/FADEL SENNA
Image de l'environnement du Sahara occidental - AFP/FADEL SENNA

La souveraineté effective du Maroc sur le Sahara occidental permettrait à l'État marocain d'adopter toutes sortes d'accords contraignants sur le territoire sahraoui sans avoir à attendre la résolution d'une quelconque instance judiciaire, ce qui pourrait être bénéfique pour le territoire en permettant un plus grand dynamisme et le développement de l'activité économique. 

La proposition concernant le territoire du Front Polisario a moins de soutien sur la scène internationale, y compris celle de l'Algérie, le grand rival politique du Maroc au Maghreb, surtout après la décision de l'État algérien de rompre les relations diplomatiques avec le royaume marocain en août 2021 après avoir accusé ce dernier d'« actes hostiles » et en raison de profondes divergences politiques sur des questions telles que le Sahara occidental. 

Or, l'arrêt de la CJUE stipule que les accords de pêche et d'agriculture de l'UE n'ont pas donné au Sahara occidental des droits ou des avantages sur l'exploitation des ressources, que le Maroc pourrait avoir. Les répercussions et les conséquences de cette décision devront être vues dans le futur.

Le Maroc, par l'intermédiaire de son ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a déjà envoyé un message clair à l'Union européenne et à ses différentes institutions, y compris la Cour européenne de justice : « Le Maroc décidera de l'avenir de la coopération avec l'UE dans le domaine de la pêche ». 

Le Maroc ne se considère pas concerné par la décision de la CJUE

Le Royaume du Maroc ne se considère nullement concerné par la décision de la Cour de justice de l'Union européenne sur les accords agricoles et de pêche, a affirmé le ministère marocain des Affaires étrangères, soulignant que le Royaume n'a participé à aucune des phases de cette procédure.

« Le Maroc n'est pas partie à cette affaire qui concerne, d'une part, l'Union européenne et, d'autre part, le Front Polisario soutenu par l'Algérie. Le Maroc n'a pris part à aucune des étapes de cette procédure et ne se considère donc nullement affecté par la décision », précise le ministère dans un communiqué.

Le ministère parle d'« erreurs juridiques » dans la décision. « Le contenu de cette décision contient des erreurs juridiques évidentes », a déclaré le ministère des affaires étrangères, qui a dénoncé un “parti pris politique flagrant”.

Le pays nord-africain exige également le respect des accords internationaux afin de bénéficier d'une sécurité juridique. « Le Maroc exige du Conseil, de la Commission européenne et des Etats membres de l'UE qu'ils prennent les mesures nécessaires pour respecter leurs engagements internationaux, préserver les acquis du partenariat et assurer au Royaume la sécurité juridique à laquelle il a légitimement droit, en tant que partenaire de l'UE sur plusieurs dossiers stratégiques », indique le ministère des Affaires étrangères. 

Le royaume marocain appelle, comme toujours, au respect de son intégrité territoriale et de son unité et considère le Sahara occidental comme son propre territoire. « Le Maroc réitère sa position constante de ne souscrire à aucun accord ou instrument juridique qui ne respecte pas son intégrité territoriale et son unité nationale », a indiqué le ministère marocain des Affaires étrangères.