Erdogan est assis dans le nord-est de la Syrie

Le président de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan, avance dans son projet d'imposer son ordre territorial à la frontière avec la Syrie. Depuis le début de l'offensive unilatérale contre les Kurdosyriens dans le nord-est de la Syrie, la Turquie a fait des pas de géant dans son empressement expansionniste et introduit un nouvel élément déstabilisateur dans la guerre civile syrienne. L'intervention que mènent les forces armées turques dans le nord-est du pays avec l'opération « Source de paix » a fait des progrès considérables, ce dont Erdogan veut profiter pour consolider sa présence dans le pays frontalier.
Ankara a annoncé jeudi qu'elle commençait la « construction de colonies » dans les zones illégalement occupées du nord de la Syrie. « Nous avons commencé à travailler à la construction de colonies entre Ras al-Ayn et Tal Abyad, en Syrie, où des centaines de milliers de personnes peuvent s'installer, tandis que d'autres endroits le long de la frontière entre la Turquie et la Syrie peuvent héberger jusqu'à un million de personnes », a déclaré jeudi Erdogan, selon le média turc pro-gouvernemental TRT-World.

La Turquie veut installer la majorité des réfugiés syriens, principalement sunnites, dans les zones kurdes de Syrie et, comme ça, déplacer les Kurdes qui y vivent et sont sous les projecteurs du Sultan. Cette annonce fait partie du plan d'Erdogan de créer une zone de sécurité dans le nord-est de la Syrie pour accueillir deux millions de réfugiés, qu'il a annoncé lors de l'Assemblée Générale des Nations Unies à New York en septembre.
Ce chiffre a changé depuis lors, Erdogan est venu proposer la réinstallation d'un million de Syriens dans la région, mais pas le désir de montrer du muscle et de gagner du terrain à la frontière de son pays avec la Syrie où il peut déménager et déplacer des centaines de milliers de personnes. De nombreux critiques disent que le but d'Erdogan est de procéder à un nettoyage ethnique contre la communauté kurdosirienne pour refléter ses désirs néo-ottomans.

De cette façon, la Turquie avance dans l'objectif de créer une ceinture de peuplement au cours de la frontière, où vivaient les kurdosiriens et d'autres minorités, et de les convertir en une série d'enclaves pro-turques. Une fois atteint, l'ordre territorial avec lequel le sultan Erdogan veut étendre sa présence dans le monde arabe est exécuté puisque la zone le long de la frontière où il créera les colonies servira de tampon pour la Turquie et de moyen de renforcer le soutien parmi les réfugiés syriens, déstabilisant davantage la région.
L'incursion menée par Erdogan, dans une opération unilatérale, pour délimiter le territoire du nord-est de la Syrie, commence déjà à donner des résultats. Depuis l'intervention en Syrie, lancée en octobre dernier, les forces turques ont arraché des milices kurdes connues sous le nom d´Unités de Protection du Peuple (YPG), que la Turquie considère comme des terroristes, une bande de plus de cent kilomètres de long et environ 30 de large dans le nord-est de la Syrie, à côté de la frontière turque, y compris les importantes villes frontalières Ras al Ain et Tal Abiad, où il serait censé construire les colonies.

La Turquie abrite environ quatre millions de réfugiés syriens qui ont fui leur pays depuis le début de la guerre civile en 2011, en provenance de différentes régions du pays comme Alep, Homs ou Hama. Depuis l'intervention en Syrie en octobre, le conflit a fait de nouvelles victimes et le déplacement forcé de milliers de civils. L'intervention a également un coût pour les forces turques qui ont perdu des troupes dans la bataille ouverte en Syrie. Pendant ce temps, à Idlib, le dernier bastion rebelle où les forces du régime de Bachar el-Assad mènent une offensive, la Turquie maintien des postes d'observation militaire dans la région.
La stratégie prévue par Erdogan de créer des colonies pour les réfugiés arabes syriens et un changement démographique pour les kurdosyriens coïncident actuellement avec l'intervention que la Turquie effectue en Libye. Cela a permis au Sultan de détourner le centre d'attention de la Syrie vers le pays d'Afrique du Nord ces dernières semaines. Maintenant, la Turquie a envoyé des milliers de milices de groupes rebelles syriens alliés en Turquie pour combattre la Libye, où elle soutient le gouvernement libyen basé à Tripoli, internationalisant ce conflit et exacerbant le chaos dans toute la région. Erdogan est venu pour lier leurs colonies en Syrie à leur nouvel accord maritime avec la Libye que de nombreux pays rejettent.

La Turquie a toujours été très critique à l'égard des colonies israéliennes illégales en Cisjordanie et a accusé le maréchal Khalifa Haftar de nettoyage ethnique, deux actions qu'il semble utiliser en Syrie. Beaucoup croient qu'Erdogan veut transformer le nord-est de la Syrie en une autre version de Chypre du Nord, une zone séparée dans le pays et que la Turquie approuve à sa guise.
Mais il y a beaucoup de doutes sur la façon dont il n’y parviendra en ne donnant pas les détails de son plan, de nombreuses inconnues dans l'air. De quelle capacité réelle la Turquie dispose-t-elle pour construire des colonies dans la région ? Comment allez-vous gérer un terrain occupé illégalement ? Ankara aurait promis un programme de plusieurs millions de dollars, expropriant des terres privées et construisant des villes dans le nord-est de la Syrie, mais Erdogan n'a donné aucune explication autre que ce que ses actes d'expansion territoriale et sa vision unilatérale de la région méditerranéenne montrent et le monde arabe.