L'Algérie était classée 139e au monde en termes de liberté de la presse en 2024

La liberté d'expression et la liberté de la presse en Algérie sont limitées : le gouvernement algérien s'appuie sur des médias qui le soutiennent, tandis que les médias indépendants ou privés sont considérés comme « peu fiables » 
Una fotografía difundida por la página de Facebook de la Presidencia argelina muestra al actual presidente argelino, Abdelmadjid Tebboune, hablando con la prensa después de votar en Argel el 7 de septiembre de 2024 - PHOTO/Página de Facebook de la Presidencia argelina
Le président algérien Abdelmadjid Tebboune s'adressant à la presse après avoir voté à Alger le 7 septembre 2024 - PHOTO/Page Facebook de la présidence algérienne.
  1. Absence de liberté d'expression
  2. Un décret pour contrôler le journalisme numérique 
  3. Les médias officiels, source de désinformation 

Le ministre algérien de la Communication, Mohamed Meziane, a mis en garde, lors d'une conférence intitulée « La politique médiatique du ministère face aux défis affectant le front intérieur », contre le danger de s'appuyer sur des sources d'information non officielles et suspectes, soulignant l'importance de garantir l'exactitude dans ce domaine, dans une démarche qui montre la tendance des autorités à restreindre l'information à des parties spécifiques.

Les nouvelles et les informations qui circulent sur les médias sociaux sont une préoccupation évidente pour le régime algérien, car elles mettent en évidence le mécontentement populaire et les critiques généralisées à l'encontre du régime du pays. Par exemple, une récente campagne sur les médias sociaux appelée « Manish_Radi » exprime le mécontentement populaire et a été largement diffusée. 

De même, le dernier numéro du magazine Army a mis en avant les avertissements de Meziane sur les dangers de se fier à des sources non officielles et suspectes. Par ailleurs, le ministre a souligné l'importance de la précision dans ce domaine, valeur fondamentale dans le traitement de l'information, et a évoqué le cyberespace comme un domaine susceptible d'exercer une influence négative sur la cohésion sociale. 

Pour freiner la diffusion de fausses informations, Meziane a indiqué que le ministère de la Communication a adopté une politique intégrée visant à renforcer le système médiatique. Il s'agit de produire des contenus médiatiques qui positionnent l'Algérie comme un pays victorieux et fort, et qui défendent les valeurs nationales. 

Cette politique intégrée comprend également la poursuite de la localisation des sites web, ainsi que la modernisation et la sécurisation des infrastructures du secteur de la communication.  

En avril 2021, la Chambre des représentants algérienne a approuvé des amendements au code pénal, y compris des articles criminalisant la publication et la diffusion de fausses nouvelles. L'un d'entre eux stipule : « Quiconque publie ou promeut intentionnellement de fausses nouvelles par tout moyen portant atteinte à la sécurité et à l'ordre public est puni d'une peine d'emprisonnement d'un à trois ans ».  ​

El presidente argelino Abdelmadjid Tebboune asiste a una sesión del Foro Económico Internacional de San Petersburgo (SPIEF) en San Petersburgo, Rusia, el 16 de junio de 2023 - RIA NOVOSTI/ PAVEL BEDNYAKOV vía REUTERS
Le président algérien Abdelmadjid Tebboune participe à une session du Forum économique international de Saint-Pétersbourg (SPIEF) à Saint-Pétersbourg, Russie, le 16 juin 2023 - RIA NOVOSTI/ PAVEL BEDNYAKOV via REUTERS

Absence de liberté d'expression

En Algérie, la diffusion de l'information se heurte à la liberté d'expression et à la liberté de la presse dans le pays. Par exemple, selon Reporters sans frontières, des sujets tels que la corruption et la répression des manifestations sont considérés comme sensibles, et leur traitement peut compromettre les journalistes sur le plan juridique.  

En outre, des journalistes qui couvrent des sujets tels que le Hirak, un mouvement de protestation populaire en Algérie qui a débuté en 2019 et qui lutte pour des réformes démocratiques et le renouvellement du système politique du pays, ont été arrêtés et font face à de graves accusations telles que des accusations de terrorisme.   

En ce qui concerne les questions juridiques, une loi sur l'information est entrée en vigueur en 2023 qui ne permet pas, par exemple, aux personnes ayant une double nationalité de posséder un média. Cette loi oblige également tous les médias à justifier leur capital social et l'origine des fonds investis, interdisant toute forme de financement étranger.  

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Boualem Sansal - PHOTO/FILE

L'arrestation de personnes comme Khaled Drareni, qui luttent pour la liberté de la presse, illustre également la répression à l'encontre des journalistes indépendants. De même, l'écrivain Boulamen Sansal peut être mentionné, car il est un exemple du peu de liberté d'expression qui existe dans le pays. L'écrivain a été arrêté à l'aéroport par les autorités algériennes, car il était accusé de porter atteinte à la sécurité de l'État. Le président algérien lui-même a affirmé qu'il s'agissait d'un imposteur envoyé par la France. 

Un autre point important est que la crise économique a entraîné la fermeture de plusieurs médias, en particulier ceux qui sont indépendants et ne sont pas soutenus par le gouvernement algérien. Il convient de noter que Reporters sans frontières a déclaré que l'Algérie, selon le classement 2024 de la liberté de la presse, était classée 139 sur 180, ce qui montre l'environnement restrictif pour les médias dans le pays. 

Un décret pour contrôler le journalisme numérique 

Depuis 2012, le journalisme numérique dispose d'un cadre juridique, même si les mesures et les conditions de cette pratique n'ont été déterminées qu'en 2020 avec le décret 20-332 précisant les modalités de réalisation de la diffusion de l'information via internet. Ce décret a été publié à la suite de déclarations gouvernementales faisant état de campagnes de « fake news » biaisées.

À l'époque, des activistes des médias sociaux affirmaient que le fait de parler de problèmes de corruption chez certains fonctionnaires suscitait le mécontentement des autorités, car des personnes proches de l'armée étaient citées.  

Said Chengriha, jefe del Estado Mayor del Ejército Nacional Popular de Argelia
Said Chengriha, chef d'état-major de l'Armée nationale populaire algérienne - PHOTO/FILE

Le gouvernement algérien a essayé de faire en sorte que ses loyalistes prennent le « commandement » du journalisme numérique de manière à le mettre de son côté et à promouvoir un récit qui lui convienne, car plusieurs sites web spécialisés dans la propagande pour le régime publient toute information qui leur convient. 

Cette stratégie gouvernementale servirait à confronter les informations indépendantes, en particulier les informations étrangères, au motif qu'il s'agit d'informations fabriquées et de sources de « fake news » (fausses nouvelles) parce qu'elles proviennent d'autres pays.  

Les médias officiels, source de désinformation 

Abdelmadjid Tebboune, le président algérien, appelle régulièrement les médias du pays à soutenir les efforts de l'État pour répondre à la guerre à laquelle l'Algérie est confrontée et met l'accent sur la création d'outils de contrôle des programmes et des connaissances pour faire face aux guerres de la quatrième génération. 

Un journaliste algérien, qui a préféré garder l'anonymat, a déclaré que l'ironie dans son pays est que les autorités font de grands efforts pour lutter contre les « fake news », alors que les médias officiels, y compris l'agence de presse officielle, ont été stigmatisés comme sources de désinformation et de rumeurs. En outre, il a ajouté que les médias officiels algériens diffusent des informations trompeuses et incorrectes sous le prétexte de traiter des discours hostiles et des complots contre le pays.  

Le gouvernement algérien s'appuie sur des théories du complot pour dépeindre les médias d'opposition comme faisant partie d'un plan soutenu par l'étranger pour déstabiliser le pays. Il qualifie également les défenseurs des droits de l'homme et les activistes d'« agents » d'États hostiles. 

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Manifestations en Algérie - PHOTO/FILE

Tebboune a utilisé cette méthode à plusieurs reprises et affirme que l'ingérence étrangère est à l'origine des manifestations et de l'opposition. Par exemple, lorsque le président algérien a accusé le Maroc et Israël d'être à l'origine des troubles, les médias contrôlés par l'État ont soutenu l'idée que les activistes, à l'intérieur ou à l'extérieur du pays, sont des marionnettes de forces extérieures. 

Il s'agit d'un faux récit et les poursuites dont les activistes font l'objet sont fondées sur ce récit. En outre, les autorités algériennes ne se contentent pas de cibler directement les militants, elles harcèlent et intimident également leurs familles. C'est ainsi qu'elles parviennent à réduire l'opposition au silence. 

Dans une déclaration adressée au gouvernement algérien, le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme a exprimé sa compréhension des défis sécuritaires auxquels le pays est confronté, mais a mis en garde contre les dangers d'une restriction de la liberté d'expression par le biais de la loi 20-06 du 22 avril 2020. Cette loi punit le mépris et les insultes à l'égard des fonctionnaires des institutions de l'État, ainsi que la diffusion de fausses nouvelles.