L'ambassadrice du Soudan en Espagne met en garde contre le danger que représente l'instabilité au Sahel pour l'Europe

Maha Ayoub appelle la communauté internationale à condamner les atrocités commises par les Forces de réaction rapide et à les considérer comme une organisation terroriste
Maha Ayoub. embajadora de Sudán en España - PHOTO/ADRIANA ICAZA
Maha Ayoub, ambassadrice du Soudan en Espagne - PHOTO/ADRIANA ICAZA

« Le Soudan est loin de l'Espagne, sur la côte de la mer Rouge, mais la bordure occidentale du Sahel est beaucoup plus proche qu'il n'y paraît. Il est donc dans l'intérêt de l'Espagne et de l'Europe d'empêcher le terrorisme des Forces de réaction rapide de se propager dans la région ». C'est sur cet avertissement que l'ambassadrice du Soudan en Espagne, Maha Ayoub, a conclu son intervention devant les médias, en soulignant la nécessité pour la communauté internationale de ne pas oublier la situation au Soudan, qui a été éclipsée par la guerre en Ukraine, d'abord, et par la guerre au Moyen-Orient, aujourd'hui.

  1. 12 millions de personnes déplacées
  2. Vidéos d'atrocités
  3. Appel à la communauté internationale
  4. Les Etats-Unis
  5. Destruction systématique

12 millions de personnes déplacées

Les chiffres avancés par l'ambassadrice lors de son intervention font froid dans le dos : depuis le début des attaques des Forces de soutien rapide (une milice créée par le régime d'Omar el-Béchir, président déchu en 2019), 12 millions de Soudanais, soit plus d'un tiers de la population totale du pays, ont été contraints de quitter leur foyer, pour fuir les viols, les pillages et les atrocités commises par ce groupe armé.

« Il y a un énorme afflux de personnes de toute l'Afrique au Soudan, qui rejoignent les milices et occupent nos maisons. Notre culture et notre identité sont systématiquement effacées. Il est clair que cette guerre au Soudan aura des répercussions dans toute la région du Sahel en Afrique, à travers la prolifération des bandes criminelles armées, la circulation des armes et la propagation du crime organisé, y compris le trafic d'êtres humains et de drogue », a averti l'ambassadrice Ayoub.

Vidéos d'atrocités

Pour étayer leurs allégations, les représentants de l'ambassade du Soudan ont montré une vidéo compilant des images enregistrées et publiées sur les médias sociaux par les membres des milices eux-mêmes, tuant, torturant et violant des civils sans défense, ainsi que des images de l'exode des réfugiés à travers les routes désertiques.

« La semaine dernière, d'horribles massacres ont eu lieu dans des centaines de villages des États orientaux de Gezira et d'Al-Butana, au centre du Soudan, dans une région considérée comme le grenier à blé du pays. Les milices ont tué des centaines de civils non armés et forcé plusieurs centaines de milliers de familles à fuir leurs maisons à pied. Elles ont également mené une campagne systématique de destruction des infrastructures de la région pour empêcher les gens de rentrer chez eux, brûlant les ponts et les fermes, détruisant les récoltes, coupant les lignes électriques et empoisonnant même les puits », a-t-elle déclaré.

Appel à la communauté internationale

Selon Ayoub, ces vidéos enregistrées par les milices « sont des preuves qui obligent les pays et les organisations internationales à qualifier les Forces rebelles de soutien rapide de groupe terroriste, à les traiter comme tel et à criminaliser toute coopération avec elles ».

Maha Ayoub, embajadora de Sudán en España (centro), junto a dos miembros de su equipo - PHOTO/ADRIANA ICAZA
Maha Ayoub, ambassadrice du Soudan en Espagne (au centre), avec deux membres de son équipe - PHOTO/ADRIANA ICAZA

L'ambassadrice n'a pas hésité à pointer du doigt « les parrains régionaux, complices de ces crimes », dont « les Emirats arabes unis, le Tchad et l'Ethiopie ».

Concernant la possibilité de demander une assistance militaire à la communauté internationale, l'ambassadrice s'est montré sceptique : « si c'est bon pour le Soudan, nous le ferons certainement, mais je ne sais pas dans quelle mesure ce type d'intervention militaire internationale est efficace, car cela a déjà été fait pour lutter contre Daesh et Boko Haram, et les deux groupes sont toujours actifs ».

Les Etats-Unis

Maha Ayoub a également fait référence à la récente élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis : « Je crois honnêtement qu'avec l'administration Trump, il y aura un plus grand intérêt pour ce qui se passe au Soudan, parce qu'il a une approche très différente du Moyen-Orient et de l'Afrique ; avec Biden, nous n'avons pas vu les États-Unis agir à la hauteur de leur potentiel ».

Il convient de rappeler que le Soudan était l'un des signataires des accords d'Abraham, promus par Trump lors de son précédent passage à la Maison Blanche, qui ont vu le rétablissement des relations diplomatiques et commerciales entre divers pays du monde arabe et d'Afrique et Israël.

En effet, après la signature des accords, le Soudan a autorisé les compagnies aériennes israéliennes à survoler son territoire. Selon l'ambassadeur, « le Soudan veut revenir dans la communauté internationale et faire partie du prochain processus de paix. Lorsque la guerre à Gaza et au Liban sera terminée, nous pourrons nous asseoir à la table des négociations et rechercher une solution à deux États ».

La embajadora de Sudán en España, Maha Ayoub (centro), durante su comparecencia ante la prensa - PHOTO/ADRIANA ICAZA
L'ambassadrice du Soudan en Espagne, Maha Ayoub (au centre), lors de son intervention devant la presse - PHOTO/ADRIANA ICAZA

Destruction systématique

Enfin, Maha Ayoub a dénoncé la destruction systématique des infrastructures et du patrimoine historique perpétrée par les milices : « Elles ont pillé et détruit la Banque du Soudan, le Palais présidentiel, la Banque de l'agriculture, le Musée national et 16 autres musées. Ils ont volé des objets historiques inestimables pour les vendre sur ebay pour quelques centaines d'euros. Il s'agit d'objets vieux de plus de 5 000 ans, issus de la civilisation nubienne ».

Des trésors qui ont été transportés par camion à travers les frontières du Soudan avec le Tchad et l'Éthiopie. « Nous perdons notre présent, car nous sommes tous des réfugiés, notre avenir, car nos enfants ne peuvent pas étudier, et notre passé, car ils détruisent notre patrimoine historique ».