Le Canada estime que l'Iran a commis un acte terroriste en abattant un avion ukrainien

La Cour supérieure de justice de l'Ontario a jugé jeudi que l'Iran a commis un acte de terrorisme international en janvier 2020 en abattant le vol 752 de la compagnie Ukraine International Airlines avec deux missiles. L'attentat a tué les 176 passagers qui se rendaient de Téhéran à Kiev, dont 55 étaient des citoyens canadiens et 30 autres des résidents permanents du pays nord-américain.
"Les plaignants ont démontré que la destruction du vol 752 par les défendeurs était un acte de terrorisme et constitue une activité terroriste", a déclaré le juge de première instance, Edward Belobaba, dans son jugement. "Je conclus, selon l'équilibre des probabilités, que les attaques de missiles sur le vol 752 étaient intentionnelles et ont directement causé la mort de toutes les personnes à bord pendant une période où il n'y avait pas de conflit armé", a-t-il ajouté.
Parmi les accusés figurent des gardiens de la révolution et plusieurs hauts responsables de l'armée iranienne. Le Guide suprême, l'Ayatollah Ali Khamenei, est également incriminé dans cette affaire. Le jugement indique également que les autorités perses ont repoussé la reconnaissance des faits et ont prétendu au contraire que l'accident était dû à une erreur du système de défense. La version fournie par Téhéran indique qu'un opérateur a confondu l'avion avec un missile de croisière.

Le juge d'instruction dans cette affaire a fondé sa décision sur plusieurs rapports d'expertise présentés par l'accusation. L'un d'eux, compilé par l'analyste d'origine iranienne Bahman Jeldi du Centre canadien d'études persanes, affirme qu'il est impossible que deux missiles soient tirés par erreur "compte tenu des capacités militaires avancées du TOR-M1, des deux radars et du système de contrôle, des plans de vol pré-approuvés et du contrôle de l'espace aérien par l'IRGC". Belobaba a également inclus les conclusions de l'enquête menée par Agnès Callamard, rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires.
En principe, le pouvoir judiciaire canadien n'a aucune compétence juridique sur les autres États. Cependant, une loi établie en 2012 limite l'immunité des pays qui soutiennent le terrorisme. L'Iran a été inclus dans la liste la même année en raison de son soutien au régime de Bachar al-Assad en Syrie, de son programme nucléaire et de ses menaces à l'égard d'Israël, ce qui a conduit le ministre des Affaires étrangères de l'époque, John Baird, à rompre les relations diplomatiques entre Ottawa et Téhéran.
L'Iran a décidé de ne pas se défendre en justice contre le procès intenté par quatre familles de victimes. La justice canadienne a tenté de contacter les représentants iraniens à Washington, qui sont en charge des affaires du régime au Canada, sans recevoir de réponse immédiate. L'arrêt déclare donc l'Iran en défaut et jette les bases de la détermination du montant des dommages et intérêts à accorder dans le cadre du procès civil. Cependant, le blocus bilatéral fait obstacle à la future revendication formalisée par la justice canadienne.

L'un des avocats des victimes, Jonah Arnold, a déclaré à la télévision canadienne qu'il y a des biens iraniens au Canada et à l'étranger qu'il chercherait à saisir, notamment des pétroliers. "Nous nous tournerons vers l'étranger pour saisir tout ce que nous pourrons saisir une fois que nous aurons déterminé quel est le niveau de compensation", a-t-il déclaré. Arnold a de l'expérience dans cette affaire, ayant représenté d'autres clients dans des procès précédents contre l'Iran.
Kaveh Shahrooz, un autre avocat et militant des droits de l'homme, s'est félicité du jugement, mais a souligné que le défi consiste à le faire appliquer. "J'espère que cette décision n'empêchera pas le gouvernement du Canada de porter cette affaire devant des instances internationales telles que la Cour internationale de justice", a ajouté M. Shahrooz. "Et j'espère qu'un tel tribunal ne considérera pas cette affaire comme un substitut à un jugement international déclarant l'Iran responsable du meurtre de 176 personnes innocentes."
Le meurtre de 176 personnes en Iran fait suite à une période d'instabilité au sein du régime. Le 3 janvier 2020, le général des Gardiens de la révolution et commandant de la Force Quds, Qassem Soleimani, a été assassiné par les États-Unis. Cinq jours plus tard, l'avion a été abattu "en représailles", selon les quatre familles plaignantes.
Des voix du Parti conservateur du Canada ont demandé l'inscription des Gardiens de la révolution iranienne sur la liste des organisations terroristes. En réponse à cette position de l'opposition, le ministre des Affaires étrangères Marc Garneau a déclaré la semaine dernière que le Canada avait identifié la Force Quds, une branche de l'institution perse chargée des opérations à l'extérieur de l'Iran, comme une entité terroriste. Cependant, les familles des victimes n'interprètent pas ce geste comme suffisant, puisqu'il n'est pas directement responsable de la chute de l'avion.