L'UE envisage de créer des centres d'expulsion pour les migrants sous la pression de l'extrême droite

Les pays européens discuteront jeudi de moyens « innovants » d'augmenter les renvois de migrants en situation irrégulière et de demandeurs d'asile déboutés, y compris de projets controversés visant à mettre en place des centres de retour spécifiques dans des pays non membres de l'UE.
La progression de l'extrême droite dans plusieurs pays européens a contribué à faire de la question migratoire une priorité pour les ministres de l'intérieur des 27 États membres, qui se réunissent à Luxembourg avant le sommet des chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne qui se tiendra à la fin du mois.
Un déjeuner de travail ministériel se penchera sur la question de savoir si l'Union européenne devrait explorer « la faisabilité de solutions innovantes dans le domaine des retours, en particulier le concept de centre de retour », selon une note d'information figurant à l'ordre du jour officiel.
Cette réunion intervient quelques mois seulement après l'adoption par l'UE d'une vaste réforme de ses politiques d'asile.
Ce train de mesures négocié de longue date, qui doit entrer en vigueur en juin 2026, renforce les procédures aux frontières et oblige les pays à accueillir les demandeurs d'asile provenant d'États situés en « première ligne », tels que l'Italie ou la Grèce, ou à leur fournir de l'argent et des ressources.

Mais plus de la moitié des États membres de l'UE ont déclaré que cela n'était pas suffisant.
En mai, 15 États membres ont exhorté la Commission européenne à « sortir des sentiers battus », en demandant la création de centres en dehors de l'UE où les demandeurs d'asile déboutés pourraient être envoyés dans l'attente de leur expulsion, un projet qui sera débattu jeudi.
« La pression est forte pour accélérer les expulsions », a déclaré à l'AFP Jacob Kirkegaard, analyste au sein du groupe de réflexion Bruegel, basé à Bruxelles.
Un nombre croissant de gouvernements sont désireux de montrer qu'ils ont l'intention de « mettre hors d'état de nuire les migrants rejetés, d'une manière ou d'une autre », a-t-il ajouté.
Il n'existe pas de plans détaillés sur la manière dont les centres de retour pourraient fonctionner dans la pratique.

Questions juridiques
Selon une source diplomatique, une option possible serait de demander aux pays candidats à l'UE, sur lesquels l'Union exerce une certaine influence pour garantir des normes acceptables, d'accueillir ces centres.
Mais l'envoi de migrants dans des pays tiers pose des problèmes éthiques et juridiques qui pourraient empêcher cette idée de devenir réalité.
Une autre source diplomatique a averti que des évaluations juridiques et des droits fondamentaux étaient nécessaires pour vérifier la viabilité d'un tel projet.
L'année dernière, moins de 20 % des quelque 500 000 personnes sommées de quitter l'Union européenne ont effectivement été renvoyées dans leur pays d'origine, selon Eurostat, l'office statistique de l'UE.
Les rapatriements sont notoirement difficiles, coûteux et nécessitent la coopération des pays vers lesquels les migrants doivent retourner.
Selon l'agence Frontex, les trois principales nationalités des migrants qui ont traversé l'UE de manière irrégulière depuis le début de l'année sont les Syriens, les Maliens et les Afghans, originaires de pays avec lesquels Bruxelles n'entretient pas de relations ou, au mieux, des relations difficiles.
Outre les centres de retour, l'Autriche et les Pays-Bas ont proposé des modifications juridiques qui permettraient de sanctionner les demandeurs d'asile déboutés qui reçoivent l'ordre de partir et ne le font pas, ce qui, selon les experts, pourrait ouvrir la voie à des arrestations.
Le Premier ministre hongrois Viktor Orban, qui préside actuellement le Conseil de l'UE chargé de diriger les travaux de l'institution, a appelé mardi à la création de « hotspots » pour traiter les migrants arrivant en dehors des frontières de l'Union.

Certains considèrent qu'un accord entre l'Italie et l'Albanie visant à retenir et à traiter les migrants pourrait être une solution.
Toutefois, d'autres accords conclus par l'UE avec la Tunisie, la Libye et d'autres pays pour fournir de l'aide et des investissements en échange d'une contribution à l'endiguement des arrivées se sont avérés très controversés et ont fait l'objet de contestations juridiques pour avoir exposé les migrants à des mauvais traitements.
La semaine dernière, deux ONG ont intenté une action en justice contre Frontex, alléguant que l'aide apportée aux garde-côtes libyens pour localiser les bateaux de migrants était contraire aux règles de l'UE.
Sophie Pornschlegel, d'Europe Jacques Delors, un autre groupe de réflexion bruxellois, a déclaré que les capitales étaient prêtes à mettre en place un « spectacle politique, en raison de l'énorme pression exercée par les partis d'extrême droite ».
Les partis d'extrême droite, souvent animés par un sentiment anti-immigration, ont obtenu de bons résultats lors des élections européennes de juin et ont récemment remporté des scrutins nationaux et régionaux aux Pays-Bas, en Autriche et en Allemagne.
Le nouveau ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, est connu pour sa ligne dure en matière d'immigration.
« La question de l'immigration est de retour », a déclaré Eric Maurice, du European Policy Centre.
Les franchissements irréguliers des frontières ont chuté de 39 %, à près de 140 000, au cours des huit premiers mois de 2024 par rapport à la même période l'année dernière, selon Frontex.
Les pays de l'UE plus la Norvège et la Suisse ont reçu 85 000 demandes d'asile en mai, soit un tiers de moins que le pic atteint à l'automne dernier, selon l'Agence européenne pour l'asile.