Le ministère marocain des affaires étrangères a publié une déclaration indiquant que la crise entre l'Espagne et le Maroc ne se terminera pas avec la comparution du Ghali devant la Cour nationale

Marruecos denuncia actos de hostilidad de España

PHOTO/MINISTERIO DE ASUNTOS EXTERIORES - La ministre espagnole des Affaires étrangères, Arancha González Laya, et le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, à Rabat, le 24 janvier 2020

Le ministère marocain des affaires étrangères a une nouvelle fois publié une déclaration concernant la crise diplomatique actuelle entre l'Espagne et le Maroc. Cette fois-ci en référence au procès qui se tiendra le 1er juin et au cours duquel le leader du Front Polisario, Brahim Ghali, devrait répondre des crimes dont il est accusé.

A cet égard, le ministère des Affaires étrangères a souligné que le fond de cette crise ne dépend pas de l'avenir du Ghali, mais "il s'agit d'une question de confiance brisée entre partenaires", car "le fond de la crise est une question d'arrière-pensées hostiles de l'Espagne à l'égard du Sahara, cause sacrée de tout le peuple marocain".

Ainsi, le Maroc a souligné que "la grave crise" entre les deux pays ne prendra pas fin avec la comparution du Ghali devant l'Audience nationale espagnole, mais lorsque l'Espagne "clarifiera sans ambiguïté ses choix, ses décisions et ses positions" sur la question du Sahara occidental".

Pour le pays alaouite, l'affaire du Ghali "a révélé la collusion de notre voisin du nord avec les adversaires du Royaume pour porter atteinte à l'intégrité territoriale, les attitudes hostiles et les stratégies néfastes de l'Espagne vis-à-vis de la question du Sahara".

La déclaration ajoute que, pour le Maroc, le soi-disant Ghali n'est rien d'autre que le reflet du "Polisario". De même, "la manière dont il est entré en Espagne, avec un faux passeport, sous une fausse identité algérienne et dans un avion présidentiel algérien, trahit l'essence même de cette milice séparatiste".

Brahim Ghali a été admis à l'hôpital San Pedro de Logroño le 17 avril pour y être soigné après avoir été infecté par le COVID, bien que certaines sources suggèrent qu'il était traité pour une maladie liée au côlon. Après son admission, le ministre espagnol des affaires étrangères, Arancha González Laya, a ensuite attribué sa présence dans le pays à des "raisons strictement humanitaires". Cependant, son accueil a entraîné une série de conséquences diplomatiques qui ont aggravé les relations entre le Maroc et l'Espagne.

Le communiqué conclut par des exemples qui attesteraient des bonnes relations que le Maroc entretient après avoir fait preuve de "toujours de solidarité avec l'Espagne" et précise qu'il "fait une distinction entre l'amitié du peuple espagnol et les dommages causés par certains milieux politiques", qu'il n'a pas nommés.

Cependant, le Maroc a tenu à rappeler qu'"il n'a aucun problème avec les Espagnols, ses citoyens, ses opérateurs économiques, ses acteurs culturels et ses touristes, car il les accueille en tant qu'amis et voisins du Maroc, car il restera attaché à son amitié naturelle et sincère avec le peuple espagnol". 

Texte intégral du ministère des Affaires étrangères du Maroc : 

DÉCLARATION DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LA CRISE MAROC DANS LA CRISE ESPAGNOLE

Ce mardi 1er juin, le dénommé Ghali comparaîtra devant la Cour nationale.  S'il est vrai que cette apparition constitue une évolution dont le Maroc prend acte, elle ne représente cependant pas le cœur de la grave crise entre les deux pays voisins. 

I.    L'apparition, une évolution dont le Maroc prend acte :

1.    Tout d'abord, l'apparition du soi-disant Ghali confirme ce que le Maroc avait dit depuis le début : l'Espagne a reçu sur son territoire, de manière intentionnelle, frauduleuse et dissimulée, une personne poursuivie par la justice espagnole pour des plaintes déposées par des victimes de nationalité espagnole et pour des actes commis en partie sur le sol espagnol.

2.    Deuxièmement, cette apparition montre le vrai visage du "Polisario" représenté par un leader qui a commis des crimes abjects, qui viole, torture, méprise les droits de l'homme et parraine des actes terroristes. 

3.    Cette apparition souligne également la responsabilité de l'Espagne envers elle-même, puisque les victimes du "Ghali" sont principalement espagnoles. Cette comparution constitue donc le début d'une première reconnaissance des droits des victimes et de la responsabilité pénale et criminelle de cet individu. C'est également la première fois que la justice espagnole convoque cet individu et le traduit en justice pour des crimes graves. 

4. Et pourtant, il ne s'agit là que des dénonciations qui ont été révélées. Qu'en est-il de tous les enfants, femmes et hommes qui subissent les ravages du "Polisario" ? Des traitements inhumains sont infligés quotidiennement aux habitants de Tindouf - les silencieux du "polisario" - sans que justice leur soit rendue. 

II. Cependant, ce n'est pas la racine du problème : 

1.    La racine du problème est une question de confiance brisée entre les partenaires. Le fond de la crise est une question d'arrière-pensées hostiles de l'Espagne à l'égard du Sahara, cause sacrée de tout le peuple marocain :  

- La crise ne se limite pas à l'affaire d'un seul homme. Elle ne commence pas avec son arrivée, ni ne se terminera avec son départ.  Il s'agit avant tout d'une question de confiance et de respect mutuel rompu entre le Maroc et l'Espagne.  C'est un test de la fiabilité du partenariat entre le Maroc et l'Espagne. 
- Si la crise entre le Maroc et l'Espagne ne peut se terminer sans l'apparition du soi-disant Ghali, elle ne peut être résolue par sa seule audition.  Les attentes légitimes du Maroc vont au-delà de cela.  Elles commencent par une clarification sans ambiguïté par l'Espagne de ses choix, décisions et positions. 

- Pour le Maroc, le soi-disant Ghali n'est rien d'autre que le reflet du "polisario".  La façon dont il est entré en Espagne - avec un faux passeport, sous une fausse identité algérienne et dans un avion présidentiel algérien - trahit l'essence même de cette milice séparatiste.  

- Au-delà du cas du dit Ghali, cette affaire a révélé les attitudes hostiles et les stratégies néfastes de l'Espagne vis-à-vis de la question du Sahara marocain.  Elle a révélé la collusion de notre voisin du nord avec les adversaires du Royaume pour porter atteinte à l'intégrité territoriale du Maroc.  

- Comment, dans ce contexte, le Maroc peut-il à nouveau faire confiance à l'Espagne ? Comment savoir que l'Espagne ne sera pas à nouveau de connivence avec les ennemis du Royaume ? Le Maroc peut-il réellement compter sur l'Espagne pour ne pas agir dans son dos ? Comment rétablir la confiance après une erreur aussi grave ? Quelles garanties de fiabilité le Maroc possède-t-il à ce jour ? En fait, cela revient à poser la question fondamentale suivante : que recherche réellement l'Espagne ? 

2.    Cette crise soulève également une question de cohérence. Nous ne pouvons pas combattre le séparatisme chez nous et l'encourager chez nos voisins :

- C'est au nom de cette cohérence envers lui-même d'abord, et envers ses partenaires ensuite, que le Maroc n'a jamais instrumentalisé le séparatisme. Elle ne l'a jamais encouragée comme monnaie d'échange dans ses relations internationales, notamment avec ses voisins.

- À cet égard, la politique du Maroc à l'égard de l'Espagne a toujours été claire. Pendant la crise catalane, le Maroc n'a pas opté pour la neutralité, mais a été l'un des premiers à prendre clairement et énergiquement parti pour l'intégrité territoriale et l'unité nationale de son voisin du nord. 

- La question est légitime : quelle aurait été la réaction de l'Espagne si un représentant du séparatisme espagnol avait été reçu dans le palais royal marocain ? Quelle aurait été la réaction de l'Espagne si ce représentant avait été reçu publiquement et officiellement par son allié stratégique, son important partenaire commercial et son voisin du Sud le plus proche ? 

- N'ayons pas la mémoire courte. En 2012, par exemple, lors de la visite au Maroc d'une délégation économique catalane, le programme a été modifié, à la demande du gouvernement espagnol, afin que cette délégation ne soit pas reçue à un haut niveau et que tous les entretiens se déroulent en présence du représentant de l'ambassade d'Espagne à Rabat. 

- En 2017, la même cohérence a été donnée lorsque le Maroc a refusé la demande de visite et de rencontre d'un important leader du séparatisme catalan.

- Le Maroc est en droit de n'en attendre pas moins de l'Espagne. C'est le principe même d'un véritable partenariat.

3. Le Maroc a toujours fait preuve de solidarité envers l'Espagne : 

- Il y a bien sûr les difficultés naturelles liées au voisinage, dont les crises migratoires cycliques. Ces difficultés ne doivent cependant pas nous faire oublier que la solidarité est au partenariat ce que la fiabilité est au bon voisinage et ce que la confiance est à l'amitié.  

- C'est la solidarité dont le Maroc a toujours fait preuve envers l'Espagne. L'histoire récente nous montre qu'il y a eu de nombreux gestes à cet égard.

- En 2002, par exemple, lors du naufrage d'un pétrolier, le Maroc a généreusement ouvert ses eaux territoriales à 64 bateaux de pêche de la région de Galice, alors que les accords de pêche n'étaient pas encore en vigueur.

- En 2008, alors que l'Espagne était en pleine crise économique, le Maroc a accordé des dérogations pour accueillir à bras ouverts les travailleurs et les hommes d'affaires espagnols et leur permettre de s'installer et de travailler au Maroc.

- En pleine crise catalane, l'Espagne a toujours pu compter sur le Maroc, qui a défendu sans réserve la souveraineté nationale et l'intégrité territoriale de l'Espagne par ses actions (interdiction de l'entrée des séparatistes catalans au Maroc, interdiction de tout contact entre le consulat marocain à Barcelone et le mouvement séparatiste catalan) et ses prises de position (communiqués de soutien clairs et énergiques).

- Le même esprit de solidarité a toujours prévalu dans la coopération en matière de sécurité et dans la lutte contre l'immigration clandestine.  Ainsi, la coopération migratoire a permis, depuis 2017, de faire avorter plus de 14 000 tentatives de migration irrégulière, de démanteler 5 000 réseaux de trafiquants et d'empêcher d'innombrables tentatives d'agression.  

- La coopération dans la lutte contre le terrorisme a, quant à elle, permis le démantèlement de plusieurs cellules, avec des ramifications tant au Maroc qu'en Espagne, et la neutralisation de 82 actes terroristes. En outre, les services marocains avaient apporté une contribution décisive aux enquêtes sur les attentats sanglants de Madrid en mars 2004. La coopération dans la lutte contre le trafic de drogue a également permis un échange fructueux d'informations sur une vingtaine d'affaires liées au trafic international de drogue. 

- Comment, après tout ce qui a été dit, peut-on sérieusement parler de menaces et de chantage à la lumière des déclarations de l'ambassadeur de Sa Majesté à Madrid ? La franchise n'a jamais été une menace et la défense légitime des positions ne peut être assimilée à du chantage. 

4.    Le Maroc fait une distinction entre l'amitié du peuple espagnol et les dommages causés par certains milieux politiques : 

 Dans cette grave crise maroco-espagnole, le Maroc a toujours fait une distinction claire entre, d'une part, le peuple espagnol et certains dirigeants politiques clairvoyants qui valorisent l'amitié avec le Maroc et le bon voisinage, et d'autre part, certains milieux politiques, gouvernementaux, médiatiques et de la société civile qui cherchent à instrumentaliser le Sahara marocain et à nuire aux intérêts du Maroc.  Ceux qui, dans le confort de leurs stéréotypes dépassés, continuent à considérer le Maroc avec des approches anachroniques, sans renoncer aux restes d'archaïsme hérités du passé.

- Le Maroc n'a aucun problème avec les Espagnols, ses citoyens, ses opérateurs économiques, ses acteurs culturels et ses touristes, qui sont accueillis comme des amis et des voisins au Maroc. 

- Certains citoyens espagnols travaillent même au Palais Royal du Maroc bien avant la naissance de Sa Majesté le Roi et de Leurs Altesses Royales, Princes et Princesses. Cela montre que le Maroc n'a rien perdu de la densité et de la solidité des liens humains entre le Maroc et l'Espagne. 

- Le Maroc restera attaché à son amitié naturelle et sincère avec le peuple espagnol. 

 Les autorités marocaines espèrent que cette déclaration sera diffusée dans son intégralité afin d'éclairer l'opinion publique espagnole par des faits, des données et des chiffres.