La Syrie et l'Arabie Saoudite annoncent la réouverture de leurs représentations diplomatiques

C'est le dernier pas vers la normalisation des relations diplomatiques entre Riyad et Damas. Deux jours après l'acceptation de la Syrie au sein de la Ligue arabe, les ministères des affaires étrangères des deux pays ont annoncé la réouverture de leurs délégations diplomatiques respectives. L'annonce est presque historique : l'Arabie saoudite met fin aux hostilités avec le pays de Bachar el-Assad après plus de 11 ans et 6 mois de rupture diplomatique.
"Conformément aux principes de la Charte des Nations unies et de la Ligue arabe, ainsi qu'aux conventions et normes internationales, le Royaume d'Arabie saoudite a décidé de reprendre le travail de sa mission diplomatique en République arabe syrienne", a indiqué le ministère saoudien des Affaires étrangères sur son compte Twitter. Le ministère syrien des Affaires étrangères a fait de même, arguant que "la Syrie croit au renforcement des relations bilatérales entre les pays arabes dans l'intérêt d'une action commune".
المملكة العربية السعودية تستأنف عمل بعثتها الدبلوماسية في الجمهورية العربية السورية pic.twitter.com/uBtuuDxm3f
— وزارة الخارجية 🇸🇦 (@KSAMOFA) May 9, 2023
C'est ce concept de "coopération régionale" qui a motivé le leadership du prince héritier saoudien Mohammed bin Salman à renouer des liens avec des pays arabes jusqu'alors rompus. Il l'a fait en mars dernier avec l'Iran, le principal adversaire régional, et maintenant avec la Syrie de Bachar el-Assad après plus d'une décennie de relations rompues.
La rhétorique utilisée par Riyad précède largement cette volonté d'unité arabe. Dans le communiqué, le ministère saoudien des affaires étrangères souligne "les liens fraternels qui unissent les peuples" d'Arabie saoudite et de Syrie et la volonté de contribuer au développement de la région arabe "conjointement" et de promouvoir "la sécurité et la stabilité dans la région".

Tournant diplomatique au Moyen-Orient
Damas a été exclu par la Ligue arabe et les principaux acteurs régionaux et internationaux en 2011, année du début des manifestations du printemps arabe contre le régime de Bachar el-Assad. L'oppression sanglante du soulèvement populaire a déclenché une guerre civile larvée qui divise toujours le pays en deux. Le contexte reste le même, mais le boycott arabe de la Syrie appartient désormais au passé. Le point de basculement de la crise syrienne se situe entre deux scénarios.
Le premier est le tremblement de terre de février dernier qui a secoué les régions frontalières de la Syrie et de la Turquie. La dévastation du terrain a encouragé plusieurs pays arabes, dont l'Arabie saoudite, à fournir une aide humanitaire et des secours à la région syrienne. Riyad, qui soutenait les rebelles depuis le début de la guerre civile syrienne, a radicalement changé de position.
La deuxième raison du rapprochement entre les pays arabes se trouve sous l'égide de la Chine. La Nouvelle route de la soie a pour objectif de pacifier les régions qu'elle traverse, en particulier le Moyen-Orient, jusqu'alors en proie à des conflits. L'ingérence chinoise porte déjà ses fruits : les accords entre l'Iran et l'Arabie saoudite scellés à Pékin, la tentative de pacification de la guerre au Yémen et maintenant le rapprochement entre Riyad et Damas.

Un rapprochement sous conditions
Les ministres des Affaires étrangères syrien et saoudien, Faisal al-Miqda et Faisal bin Farhan, ont initié lors d'une rencontre la volonté de reprendre les liens diplomatiques. Des rumeurs, en tout cas, jusqu'à l'adhésion de la Syrie à la Ligue arabe, approuvée dimanche dernier par l'ensemble de ses membres à l'initiative de l'Arabie saoudite.
Cela fait plus de 11 ans que l'organisation a suspendu l'adhésion de Damas suite aux manifestations de 2011. Bachar el-Assad n'a pas bougé d'un pouce dans sa politique depuis lors, mais la réadmission à la Ligue arabe est assortie de conditions.
L'Arabie saoudite, la Jordanie, le Liban, l'Irak et l'Égypte ont accepté de mettre en place un comité de contact ministériel pour assurer le suivi de ce qui a été appelé la "déclaration d'Amman" et établir les conditions du retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe. Pour l'heure, cette déclaration prévoit déjà, au conditionnel, le retour volontaire des réfugiés, le départ des forces étrangères "illégales" en Syrie, la lutte contre le trafic de drogue et la reprise des travaux d'un comité constitutionnel chargé de rédiger une nouvelle Magna Carta, une mesure réclamée avec insistance par les Nations unies depuis des années.
Toutefois, la mesure prioritaire vise à permettre l'acheminement de l'aide humanitaire "à tous ceux qui en ont besoin en Syrie", c'est-à-dire dans les zones rebelles non contrôlées par le gouvernement. C'est précisément la faim qui a été utilisée comme arme de guerre par Bachar el-Assad lors du tremblement de terre, lorsqu'il a refusé d'ouvrir les points de passage frontaliers avec la Turquie qui auraient garanti l'acheminement de l'aide humanitaire par les camions de l'ONU.
Le leadership de l'Arabie saoudite pour ramener la paix au Moyen-Orient pourrait changer les politiques de la Syrie de Bachar el-Assad une fois pour toutes. Il faut encore quelques médiations pour que la guerre prenne fin.