PLF-2024 ou la consolidation de l'Etat social au Maroc

PHOTO/MAP (AGENCIA DE PRENSA MARROQUÍ) - El rey Mohamed VI preside una reunión de trabajo dedicada a la activación del programa de emergencia para el realojamiento de las víctimas del desastre del terremoto en el Palacio Real de Rabat
PHOTO/MAP (AGENCE DE PRESSE MAROC) - Le Roi Mohamed VI préside une réunion de travail consacrée à l'activation du programme d'urgence pour la relocalisation des sinistrés du tremblement de terre au Palais Royal à Rabat

Le Projet de Loi de Finances 2024 (PLF-2024) fait face à un contexte très particulier au niveau national avec le récent séisme d'Al-Haouz, en plus d'une situation mondiale déjà difficile caractérisée par des tensions géopolitiques globales et des pressions inflationnistes persistantes. 

Ces budgets d'Etat constituent de véritables défis pour le gouvernement Akhannouch pour l'année à venir. Il envisage de lutter contre l'inflation, de combattre l'instabilité climatique, politique et économique régionale et mondiale, ainsi que de soutenir l'Etat social et la sécurité nationale. 

Le PLF-2024 intervient après l'impact douloureux du tremblement de terre qui a dévasté Al-Haouz, et dans une conjoncture mondiale complexe marquée par un ralentissement économique, des tensions géopolitiques majeures et des pressions inflationnistes sur les prix de l'énergie. 

En effet, l'une de ses priorités est la mise en œuvre du Programme de reconstruction des régions touchées par le tremblement de terre, ainsi que le renforcement des mesures de lutte contre ses impacts économiques. 

Comme c'est le cas depuis trois ans, le PLF-2024 prévoit de lutter contre l'inflation qui affaiblit la classe moyenne et appauvrit les plus pauvres. En septembre dernier, l'inflation a atteint 4,9 % par rapport au même mois en 2022. Le gouvernement veut réduire ce taux à 3,4 % en 2024 et à 2 % à partir de 2025. Pour cela, il va déployer la stratégie "Génération verte", déjà prévue pour la période 2020-2030, avec plus de 110 milliards de dirhams pour soutenir et améliorer la production et la distribution agricole. Parallèlement, l'approvisionnement en eau potable et en eau d'irrigation sera assuré, également prévu dans le programme "Gestion des ressources en eau" de 143 milliards de dirhams de 2020 à 2027. 

Le Maroc, en tant que pays agricole, continue d'investir dans l'eau face au changement climatique, ce qui a un impact sur l'économie nationale en termes d'inflation et, en particulier, sur les exportations. Par exemple, selon les données d'EastFruit, les exportations d'agrumes en 2023 se sont élevées à seulement 30 000 tonnes d'oranges d'une valeur de 13,7 millions de dollars au cours des huit premiers mois de cette année, contre 109 000 tonnes en 2022 sur la même période, générant des recettes de 71 millions de dollars. 

Ces budgets mettent fortement l'accent sur leur caractère social, avec l'ajout du programme d'aide sociale directe pour 2024, qui démarre en décembre de cette année, ainsi que le nouveau programme d'aide au logement pour le début de l'année 2024. Ce dernier est également étendu aux Marocains résidant à l'étranger (MRE) qui ne possèdent pas de biens au Maroc. 

Ces nouvelles aides directes s'inscrivent dans le cadre du vaste programme social lancé en 2022 et projeté jusqu'en 2025, sous les instructions du roi Mohammed VI, pour éradiquer la pauvreté et réduire la précarité des familles nécessiteuses. Il a débuté par la généralisation de l'assurance maladie obligatoire (AMO) et a déjà couvert plus de 21 millions de Marocains. Le programme social dans son ensemble s'achèvera avec la compensation de la perte d'emploi et l'élargissement de la base d'adhésion au régime de retraite en 2025. 

Plus précisément, les prestations sociales directes bénéficieront (1) aux familles avec enfants, (2) aux familles spécifiques sans enfants ou avec des enfants de plus de 21 ans, et en particulier aux familles qui s'occupent de personnes âgées dépendantes. Enfin (3), une prime de naissance sera également attribuée pour chaque naissance. 

Outre le programme social, le PLF-2024 met l'accent sur le budget de la défense, compte tenu de l'instabilité au Sahel et de la menace directe et manifeste de l'Algérie.  Les dépenses militaires passent de 66 milliards de dirhams (environ 6,6 milliards d'euros) en 2023 à près de 70 milliards de dirhams (environ 7 milliards d'euros) dans le PLF-2024. En ajoutant les engagements prévus, la dépense s'élèverait à 125 milliards de dirhams (environ 12,5 milliards d'euros). Un budget qui couvrira le coût de la montée en grade des professionnels, les équipements de guerre de défense aérienne (systèmes radar et batteries de courte, moyenne et longue portée) et la consolidation de l'industrie militaire du Royaume. 

Pour soutenir ces dépenses, il serait nécessaire d'augmenter les recettes, c'est-à-dire le PIB du pays. Le gouvernement s'appuiera sur plusieurs leviers. D'une part, il encouragera l'investissement et, d'autre part, il mettra en œuvre des mesures fiscales. Il s'attachera à consolider la dynamique d'investissement en mettant en œuvre des réformes dans des domaines tels que l'agriculture, le tourisme et l'administration publique. Cette dernière est soumise à un processus de déconcentration et de régionalisation avancée. Des réformes visant à faire de l'investissement un élément clé de la relance de l'économie dans les secteurs productifs à travers le Fonds d'Investissement Mohammed VI. Le tout sur la base de la nouvelle Charte de l'investissement. 

Le PLF-2024 intégrera progressivement et sans délai les activités informelles dans l'économie formelle, c'est-à-dire qu'il luttera contre l'économie souterraine et la fraude fiscale. Il prévoit également une sorte de régularisation fiscale ou d'amnistie pour les contribuables ayant leur résidence fiscale au Maroc, qu'il s'agisse de personnes physiques ou morales, qui détiennent des fonds non déclarés à l'étranger, tels que des comptes bancaires, des actions, des obligations, des biens immobiliers et d'autres actifs. Les contribuables pourront les déclarer ou restituer l'argent ou sa valeur en payant une taxe unique allant de 2 à 10 %, selon les cas. 

Parallèlement, la réforme, déjà entamée en 2022, continuera d'améliorer le climat des affaires en simplifiant les procédures administratives. Cela favorisera sans aucun doute la création rapide d'entreprises et d'emplois. En conséquence, la production et la contribution fiscale augmenteront. Par ailleurs, pour que l'Etat social soit efficace, le gouvernement insiste, dans ce PLF-2024, sur la poursuite de la réforme de la justice pour défendre et promouvoir les droits fondamentaux indispensables à l'épanouissement des individus et garantir ainsi la paix sociale. 

Enfin, afin d'équilibrer les grandeurs macroéconomiques et d'atteindre les objectifs du PLF-2024, à savoir réduire le déficit budgétaire à 4% avec une croissance estimée à 3,7%, il est proposé d'amender la loi de finances pour introduire de nouvelles mesures fiscales relatives à la TVA. Entre autres, la liste des produits exonérés sera élargie, tels que les produits de base de grande consommation (beurre et dérivés du lait), les médicaments ou les fournitures scolaires, etc. Le commerce numérique sera taxé, et les pourcentages pour des produits tels que le tabac électronique, les boissons alcoolisées et les transports, à l'exception des trains, seront augmentés. 

L'impôt sur le revenu fera également l'objet d'interventions, par exemple en ce qui concerne la déduction des cotisations de sécurité sociale pour les professionnels, les indépendants et les professions libérales. Dans le même temps, les taxes sur les droits d'enregistrement des actes juridiques de diverses natures seront adaptées. 

L'assistance sociale dans son ensemble est à la base de l'État social au Royaume du Maroc, qui coûtera 25 milliards de dirhams (environ 2,5 milliards d'euros) d'ici 2024, et que l'on pourrait qualifier de "révolution sociale". Il s'agit d'une initiative historique qui renforcera le contrat social entre l'État et les citoyens, favorisera le sentiment d'appartenance à la patrie et augmentera la confiance des citoyens dans leurs institutions. En effet, cette redistribution des richesses rend justice à un peuple qui a su faire des sacrifices durant de longues années de privations et de difficultés suite à la récupération du Sahara occidental marocain, en faisant preuve de solidarité et de fidélité aux valeurs du Royaume. 

Le PLF-2024 a reçu 410 amendements de différents groupes politiques. D'une manière générale, il donne une continuité à la fois à la consolidation de l'État social, qui culminera en 2025, et au soutien de l'industrie militaire et de la défense nationale.