Détermination de l'identité de la société marocaine

L'un des principaux objectifs de l'initiative "Génération Verte" est de créer une "classe moyenne agricole", ce qui pose question. En effet, la nécessité de créer cette classe en 2023, après 67 ans d'indépendance, montre un retard dans le développement social du pays. Comment définir la société marocaine à l'heure de la mondialisation, des technologies de l'information et de l'intelligence artificielle, alors que le pays cherche encore à se doter d'une classe moyenne ?
Contexte historique et théorique
Pour comprendre cette problématique, il faut revenir aux théories de Karl Marx et de Max Weber sur la détermination des sociétés industrielles. Marx et Engels ont établi l'approche de la société en termes de classes, tandis que Weber a développé le concept de hiérarchie sociale. Pierre Bourdieu a repris ces théories en introduisant les trois formes de capital (économique, social et culturel).
Les analyses de penseurs tels que Simone Weil sur la situation des travailleurs, Tocqueville sur la classe moyenne, Pareto sur les élites et Lipset sur la disparition du concept de classe sociale enrichissent ce débat. Mendras a évoqué l'"intermédiation" de la société, tandis que Louis Chauvel a parlé du retour des classes sociales.
Particularités du Maroc
L'indépendance du Maroc en 1956 n'a pas résolu immédiatement le problème des inégalités sociales. Les plans en faveur des classes pauvres n'ont commencé qu'avec les discours du roi Mohammed VI, notamment son discours du 20/08/2008. En 2008, le Haut Commissariat au Plan a mené une étude pour définir la classe moyenne au Maroc, bien que les chiffres et l'analyse aient été critiqués.
L'économiste Driss Benali a présenté le Maroc comme un sablier, contrairement au globe des sociétés industrielles, qui est censé avoir une classe moyenne centrale montante. Des articles et des études, comme ceux publiés par le magazine La Coyuntura en 2019 et le Conseil économique, social et environnemental en 2021, continuent de tenter de définir cette classe moyenne.
Perspectives et critiques
Des analyses approfondies ont été menées par Noureddine Afaya et Driss Graoui dans "L'élite économique marocaine" (2009). Leur étude de la formation de l'élite marocaine à travers les concepts de hiérarchie et d'élitisme est pertinente. D'autres ouvrages comme ceux de Mohamed Ghallab Barada, Pierre Vermeren, Aziz Chahir et Ali Benhaddou offrent des perspectives sociopolitiques et historiques importantes.
Décomposition et propositions
Il est nécessaire de décomposer la société de classe marocaine et de comprendre comment les idéologies ont construit un récit spécifique qui condamne les idées de gauche et l'analyse de la lutte des classes. Thomas Piketty souligne que les inégalités sont un choix politique et nécessitent un discours sophistiqué pour justifier l'organisation sociale.
Je suppose que le Maroc n'est jamais devenu une nation capitaliste ou bourgeoise moderne. Il est resté figé dans une transition incomplète du féodalisme au capitalisme. Dans son livre "Le Maroc précapitaliste", Driss Benali se demande pourquoi une bourgeoisie décisive ne s'est pas développée comme en Europe occidentale.
Conclusión
En résumé, le Maroc n'a pas connu la révolution industrielle ou politique nécessaire pour devenir une société capitaliste moderne. Bien qu'il participe à l'espace capitaliste mondial, il n'a pas réussi à devenir une nation bourgeoise indépendante. Comme l'a souligné Edgar Morin, il ne s'agit plus de faire la révolution, mais de s'orienter vers un modèle social capable d'éviter la catastrophe et de guider le pays vers un salut partagé.