L'Algérie et le discours séparatiste : influence et discours dans l'opinion publique espagnole

Banderas de Argelia y Marruecos - PHOTO/ARCHIVO
Drapeaux de l'Algérie et du Maroc - PHOTO/ARCHIVES
Au cours des dernières décennies, l'Algérie a déployé une stratégie idéologique et diplomatique soigneusement conçue pour influencer certains secteurs de l'opinion publique espagnole, en particulier ceux liés aux mouvements de gauche, afin de promouvoir le discours séparatiste du Front Polisario dans le conflit du Sahara occidental (marocain)

Cette campagne, soutenue par des canaux de communication et des réseaux politiques affinitaires, s'articule autour de messages persistants qui cherchent à façonner la perception européenne en invoquant des principes tels que le droit à l'autodétermination.

Ce phénomène ne répond pas simplement à une dynamique de confrontation idéologique, mais à une tactique sophistiquée de projection d'influence régionale. L'Algérie, par le biais de certaines plateformes médiatiques, d'associations de solidarité et de centres de réflexion présents en Espagne, canalise un discours qui, sous une apparence humanitaire, cache des objectifs géostratégiques concrets. Dans de nombreux cas, des voix respectées au sein du journalisme progressiste espagnol ont repris, peut-être sans en être pleinement conscientes, des arguments qui coïncident avec les intérêts de l'appareil politico-militaire algérien.

Le revirement de la position officielle du gouvernement espagnol, qui soutient désormais la proposition d'autonomie marocaine comme solution réaliste au conflit, a marqué une rupture avec des années d'ambiguïté diplomatique. Ce changement a suscité une réaction visible en Algérie, qui a intensifié sa présence symbolique et narrative dans l'espace médiatique ibérique. À travers des tribunes, des forums et les réseaux sociaux, on tente de revitaliser la cause séparatiste, en l'assimilant – à tort – à d'autres luttes de libération actuelles, comme le cas palestinien.

Loin de représenter aujourd'hui une alternative viable, le Front Polisario est confronté à des remises en question croissantes quant à sa représentativité, sa transparence et sa légitimité. Diverses enquêtes journalistiques et rapports d'ONG ont mis en évidence les conditions restrictives dans les camps de Tindouf, en Algérie, et l'absence de supervision internationale efficace. Malgré cela, certains groupes continuent de lui accorder un statut quasi mythique, évoquant le romantisme des luttes anti-impérialistes du XXe siècle.

Dans ce contexte, l'Algérie instrumentalise l'imaginaire progressiste européen pour réaffirmer son influence extérieure et, dans le même temps, gérer ses propres crises internes. La rhétorique de « l'ennemi extérieur » permet de justifier le contrôle militaire sur la vie politique algérienne et de renforcer une identité nationale autour du conflit avec le Maroc. Cette logique rappelle les paradigmes de la guerre froide, où la cohésion interne se construisait sur la base d'antagonismes extérieurs.

Dans certains discours, on observe une tendance à établir des parallèles entre le conflit du Sahara et d'autres tragédies contemporaines, telles que les violences à Gaza, sans tenir compte des différences fondamentales entre ces deux situations. Cette approche émotionnelle, bien qu'elle parte d'une bonne intention, peut conduire à des interprétations simplistes et manipulables par des acteurs intéressés.

Il est révélateur que l'Algérie, qui se présente comme la défenseuse des peuples opprimés, soit critiquée pour son manque de pluralisme, la répression de la presse indépendante et les restrictions imposées à la société civile sur son propre territoire. Dans cette optique, le soutien inconditionnel au Front Polisario ne se justifie pas comme une cause éthique universelle, mais comme le prolongement d'une stratégie régionale dont l'objectif n'est pas l'émancipation des Sahraouis, mais le frein au développement et à la stabilité du Maroc.

La proposition d'autonomie avancée par le Maroc, soutenue par de nombreux pays et organisations internationales, représente une voie intermédiaire qui cherche à concilier le respect de la souveraineté et la reconnaissance des droits culturels et politiques. Face à cette proposition, le rejet frontal du régime algérien semble répondre davantage à une logique d'obstruction qu'à une réelle volonté de trouver une solution.

Comprendre le discours algérien comme l'expression d'une crise systémique plutôt que comme la défense de principes universels permet au lecteur espagnol d'aborder avec un esprit plus critique un discours qui a trouvé un écho dans certains milieux idéologiques. À long terme, la vérité tend à s'imposer là où existent des mécanismes de pluralisme et de liberté de la presse.

Le débat sur le Sahara occidental en Espagne mérite une révision sereine et documentée, qui dépasse les clichés hérités et les fidélités idéologiques automatiques. C'est seulement ainsi qu'il sera possible de construire une vision plus juste, mieux informée et plus en phase avec les défis actuels de la Méditerranée et de l'Afrique du Nord.

Abdelhay Korret, journaliste et écrivain marocain