Le marché européen de l'énergie : une opportunité historique

Alors que le mois de septembre touche à sa fin, les Européens attendent avec une certaine appréhension l'arrivée de l'automne et de l'hiver long et rigoureux dans plusieurs pays, avec des baisses de température importantes. En Espagne, en tout cas, Teresa Ribera, ministre de la Transition écologique et du Défi démographique, garantit à plusieurs reprises que "quoi qu'il arrive, les familles espagnoles ne subiront pas de coupures de gaz ou d'électricité dans leurs foyers".
La situation est complexe face à la guerre de Poutine en Ukraine avec toutes les conséquences collatérales que l'on connaît, et ici en Europe nous commençons à en ressentir les graves effets sur nos poches.
L'urgence au sein de l'Union européenne (UE) est de trouver le plus rapidement possible un moyen de résoudre la quadrature du cercle pour le marché européen de l'énergie, qui est pratiquement dépendant des importations de gaz et de pétrole.
L'Europe a laissé sa viabilité énergétique entre des mains extérieures. Ce n'est rien d'autre qu'une énorme irresponsabilité, car il s'agit d'une vulnérabilité qui non seulement menace sa sécurité énergétique actuelle et future, mais aussi, bien sûr, met en danger son usine de production. Comment peut-elle produire sans l'électricité, le gaz et le pétrole nécessaires ?
Je ne dis pas assez, les indispensables qui font tourner les usines, les entreprises et les industries au quotidien. La grande question est de savoir comment les stratèges et conseillers internationaux, toujours désireux de créer des scénarios de risque futuristes, n'ont pas vu une telle faiblesse de l'UE sous leur nez.
La Russie l'a finalement cristallisé en lançant son attaque sur le talon d'Achille des Européens, qui ont devant eux un défi majeur et en même temps une opportunité historique claire. Jamais autant qu'aujourd'hui, l'UE n'a eu l'occasion de reformuler son modèle énergétique.
L'Europe fracturée est appelée à relever le défi énergétique par nécessité, stratégie, survie et viabilité. Il ne s'agit pas d'une question passagère ou temporaire, les décisions doivent être de nature structurelle.
Pour l'instant, son principal problème est la Russie. Mais dans une ou deux décennies, ce pourrait être l'Algérie ou un autre pays africain, voire les États-Unis ; son allié transatlantique a passé quatre ans à la dérive de la mondialisation sous l'administration de Donald Trump, qu'il est politiquement trop tôt pour considérer comme mort à l'approche de 2024.
Ce serait une grave erreur de passer de la dépendance énergétique de la Russie à la dépendance énergétique d'autres pays politiquement instables avec lesquels des questions telles que la démocratie et les droits de l'homme sont en jeu. On ne peut pas mépriser les dictatures au seul motif d'un intérêt énergétique persistant, sans maintenir la cohérence que l'UE elle-même exige pour des questions aussi sensibles.
L'UE a payé 195 milliards d'euros pour le pétrole importé et 63 milliards d'euros pour le gaz en 2021, soit un total de 258 milliards d'euros. Cette année-là, la facture totale payée aux entreprises énergétiques russes s'est élevée à 160 milliards d'euros (gaz et pétrole confondus), une somme considérable.
Nous avons un club européen qui, année après année, achète en moyenne 92 % du pétrole dont il a besoin et 84 % de son gaz. Les défis actuels doivent s'imposer aux idées éculées de certains pays sur l'utilisation de l'énergie nucléaire, mais l'UE doit investir davantage dans l'exploration en eaux profondes et relier la Méditerranée et l'Europe centrale et orientale par des gazoducs.
La diversification du bouquet énergétique ne se fera pas demain, car il y a beaucoup à investir pour générer un boom dans l'éolien, le solaire, les alternatives à l'hydrogène et les biocarburants, dont personne ou presque ne parle et qui pourraient générer une nouvelle industrie autour d'eux. Les alternatives pour atteindre l'indépendance énergétique existent, ce qui manque c'est la vision, la volonté et laisser l'égoïsme au placard.
L'Espagne a une opportunité historique d'être au cœur de ce changement structurel si elle parvient à consolider son alliance avec l'Allemagne pour le gazoduc à travers les Pyrénées qui a suscité tant de suspicion chez le président français Emmanuel Macron, réticent au projet pour des raisons écologiques et intéressé à ne pas ouvrir un débat sur la question dans son pays parce qu'il n'a pas de majorité au Congrès.
La France a toujours été un partisan de l'énergie nucléaire. Elle dispose à ce jour de 56 réacteurs et a réussi à éviter l'impact du prix de l'électricité qui, par exemple, se fait déjà sentir pour les consommateurs espagnols et d'autres en Italie, en Grèce, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Autriche, en Belgique et aux Pays-Bas.
Il n'existe pas non plus de politique générale de subventions qui pourrait être promue depuis Bruxelles pour faciliter l'installation de panneaux solaires par les collectivités. Certaines subventions sont disponibles au compte-gouttes et les systèmes restent très chers. J'insiste : la fenêtre d'opportunité a été ouverte par Poutine, il reste à l'Europe à en tirer le meilleur parti.