Autonomie, tables rondes et fin des utopies

Tout d'abord, je voulais souligner la récente nouvelle selon laquelle le président des îles Canaries a officiellement reconnu, au nom du territoire qu'il gouverne et de ses habitants, la proposition marocaine d'autonomie comme solution au différend sahraoui.
Il est vrai qu'il appartient à un parti (Coalición Canaria) qui a même participé récemment à cette commission pour soutenir le Front Polisario (2022). Mais il n'est jamais trop tard pour que les girouettes politiques évoluent dans le bon sens.
Le Front Polisario est soutenu et accueilli à l'intérieur de ses frontières depuis des décennies, avec un soutien militaire, politique et diplomatique permanent de la part de son pays hôte, l'Algérie. Cependant, ce groupe armé ne cesse d'entraver et d'empêcher toute solution pacifique à ce différend. Après près d'un demi-siècle, il continue de détourner la possibilité d'une paix et d'une sécurité durables en Afrique du nord.
De même, nous devons nous rappeler que les habitants des camps ne sont que des pions dans leur jeu politique, emprisonnés dans le désert inhospitalier, souffrant quotidiennement de conditions impossibles à supporter et privés d'une vie digne, comme celle dont jouissent les Sahraouis qui prospèrent dans le Sahara marocain. Et tout cela est toujours sous le contrôle du groupe armé du Polisario et des intérêts de l'État hôte.
En ce qui concerne les droits de l'homme, Amnesty International a souligné à plusieurs reprises que les camps de réfugiés de Tindouf sont opaques à tout contrôle en la matière. D'autre part, Human Rights Watch a noté qu'« il existe des allégations crédibles de persécution de certains dissidents par les autorités, et que les droits des civils jugés par des tribunaux militaires ont été violés ».
Les violences politiques et physiques contre les dissidents, les outrages et violations des droits des femmes qui ont participé au programme des Vacances de la Paix, ou encore l'utilisation insensée et intolérable d'enfants soldats, y compris devant l'envoyé spécial Staffan de Mistura lors de l'une de ses visites, sont autant d'exemples parmi d'autres.
Dans cette situation de non-droit, la population des camps vit sans aucune possibilité de protection juridique ou judiciaire contre les violations des droits qu'elle subit. Le chef du Front Polisario lui-même, Brahim Ghali, est responsable de nombre de ces violations, avec la connivence de ses partisans à l'étranger, qui détournent le regard avec une répugnante politique de deux poids deux mesures.
En bref, nous sommes témoins de la façon dont l'Algérie délègue de manière irresponsable son autorité, et au mépris de sa propre souveraineté, à une milice armée ayant une longue histoire de violations des droits de l'homme et une histoire d'actions terroristes dont les victimes attendent toujours des réparations face à l'oubli, notamment en Espagne et en particulier dans les îles Canaries.
Dans le rapport de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF), il est indiqué que « ni le pays hôte ni le Polisario n'ont accepté qu'un recensement de la population des camps soit effectué par des organisations internationales, malgré les demandes formelles formulées par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés en 1977, 2003 et 2005, et à ce jour cette demande n'a pas été suivie d'effet ».
Un refus de recensement de la population qui vise à cacher la population réelle, dont les données actuelles sont des estimations et sont « gonflées » par le Polisario. En effet, l'aide humanitaire détournée à laquelle l'OLAF fait lui-même référence est accordée sur la base de données démographiques. Plus il y a de population, plus il y a d'aide ; plus il y a d'aide, plus il y a de détournement et donc plus il y a de corruption.
Ce détournement, rendu possible par le refus du Polisario et de l'Algérie d'autoriser le recensement de la population dans les camps de Tindouf, a permis l'enrichissement personnel de nombreux dirigeants du Polisario et le maintien d'un niveau de vie confortable pour eux et leurs familles en dehors du territoire, alors que la grande majorité de la population mène une vie difficile, sans liberté et sans espoir.
En outre, la menace terroriste dans la région du Sahel est bien connue et constitue actuellement un problème croissant, où l'instabilité politique et les conditions difficiles sur le terrain facilitent un transfert continu d'éléments terroristes, en raison de la perméabilité des frontières des pays concernés. La permanence du Polisario dans cette équation et la perpétuation de ce différend contribuent sans aucun doute à cette instabilité dans la région.
Dans le monde fragile et tendu d'aujourd'hui, où les scénarios de guerre sont imprévisibles, il est essentiel que ce problème soit résolu immédiatement. La proposition d'autonomie n'est pas seulement une approche potentielle, c'est une réalité incontestable que beaucoup d'entre nous défendent depuis son origine en 2007. Pour ce faire, il est impératif de reprendre les tables rondes avec la participation de toutes les parties, notamment l'Algérie, seul cadre pour mener à bien ce processus, conformément à la résolution 2703 du Conseil de sécurité du 30 octobre 2023.
Il est temps de laisser derrière nous cette situation d'instabilité après un demi-siècle de poursuite d'utopies basées sur des manipulations historiques créées par quelques parties intéressées. Il faut sauver le présent et construire le meilleur avenir possible. L'autonomie ne mettra pas seulement fin à des décennies de souffrance, elle réunira et réconciliera les familles sur leur terre d'origine. La paix, l'harmonie et la prospérité sont enfin à l'horizon, ne les enterrons pas dans le sable sous les promesses irréalisables de quelques-uns.
Ignacio Ortiz Palacio, président du Fórum Canario Saharaui