Nouvel ordre, nouveau Yom Kippour

REUTERS/RONEN ZVULUN - Soldados israelíes observan los restos de una comisaría de policía que fue lugar de una batalla tras una infiltración masiva de pistoleros de Hamas desde la Franja de Gaza, en Sderot, sur de Israel, el 8 de octubre de 2023
REUTERS/RONEN ZVULUN - Des soldats israéliens regardent les restes d'un poste de police qui a été le site d'une bataille suite à une infiltration massive d'hommes armés du Hamas depuis la bande de Gaza, à Sderot, dans le sud d'Israël, le 8 octobre 2023

Une première analyse de la brutale attaque surprise du Hamas contre Israël suggère que le groupe terroriste a planifié cette action depuis un certain temps avec un objectif prioritaire : réactiver le conflit en profitant de la faiblesse politique interne d'Israël, afin de provoquer le déclenchement d'une guerre qui pourrait se transformer en un conflit régional de plus grande ampleur qui mettrait à mal les équilibres obtenus après la fin des guerres en Syrie, en Irak et au Yémen.  

La signature des accords d'Abraham ces dernières années entre Israël et certains pays arabes (Emirats, Bahreïn et Maroc) et le rapprochement politique entre Israël et l'Arabie Saoudite dans le même sens, avaient mis les Israéliens sur la voie d'une normalisation régionale, interprétée par les radicaux palestiniens comme un gouffre infranchissable pour projeter leurs revendications politiques et leur discours antisémite dans le monde arabe.  

Pour ce faire, le Hamas a choisi la date du 50e anniversaire de la guerre du Kippour, la dernière fois qu'une coalition arabiste menée par l'Égypte et la Syrie a été soutenue par l'opinion publique arabe dans son ensemble. Depuis lors, l'Etat israélien n'avait pas déclaré l'état de guerre, même si la défense armée contre divers groupes islamistes radicaux (Hezbollah, Jihad), palestiniens (Hamas, Fatah ou Intifadas), dictateurs (Hussein, Al Asad) ou Etats antisémites (Iran), n'a pas cessé au cours des décennies suivantes. Les deux dernières interventions de l'armée israélienne à Gaza en 2008 et 2014, ainsi que d'autres réactions pour contenir les Intifadas, ont été vivement critiquées par d'importants secteurs de l'opinion publique internationale.  

Cependant, depuis la dernière décennie, Israël a réussi à renverser, au moins partiellement, son image d'acteur déstabilisateur dans la région en raison de son intransigeance et de ses politiques répressives. Il est devenu un acteur stratégique renouvelé, axé sur l'innovation et la conduite de projets multilatéraux, et capable de ne pas intervenir directement dans les conflits voisins, même s'ils comportent des risques pour sa sécurité. L'attaque inadmissible du Hamas est une provocation pour qu'Israël se réveille du rêve d'une coexistence régionale pacifique, pour que sa population retrouve le sentiment d'une peur permanente et pour que le gouvernement réagisse avec un niveau de réponse qui fera disparaître la fiction d'un ordre nouveau, différent et plus stable.  

Mais dans une seconde analyse plus ouverte aux transformations en cours à l'échelle mondiale, il faudrait se demander si le Hamas a imaginé d'autres raisons pour mener son action terroriste en ce moment. Et si ces raisons ont été promues depuis d'autres centres de décision ou de déstabilisation. Avec un ordre mondial incertain et sans leadership clair, les États-Unis retirés du Moyen-Orient, la guerre en Ukraine en cours et les grandes puissances sans position commune pour résoudre le conflit, et avec l'instabilité économique présente. Une série de facteurs permet de comprendre la décision du Hamas comme une tentative de provocation à plus grande échelle qui déstabilise l'ordre régional au Moyen-Orient mais qui a aussi des répercussions sur l'ordre international affaibli. D'abord parce qu'un nouveau foyer de violence apparaît qui le rend plus ingouvernable, ensuite parce que les divisions de critères entre les différentes puissances peuvent se reproduire, enfin parce que la radicalisation fondamentaliste peut faire son apparition en Afrique du Nord ou dans d'autres territoires sous l'impulsion de la guérilla islamiste palestinienne, historiquement financée par l'Iran.  

Les États-Unis, l'Union européenne, l'ONU et une grande partie de la communauté internationale ont condamné l'attaque du Hamas et soutenu la légitimité de la réponse israélienne. Il serait souhaitable, sur le plan humain et politique, d'exhorter Netanyahou à un usage proportionné de la violence. Mais l'attention des gouvernements doit être renforcée par la possibilité que les feux allumés à Gaza se propagent à d'autres territoires politiques voisins.