Le Polisario dans les cordes : l'ONU ne reconnaîtra jamais le Sahara occidental comme un Etat indépendant

Bachir Mustafa Sayed, miembro de alto rango del Frente Polisario - AP/PAUL WHITE
Bachir Mustafa Sayed, haut responsable du Front Polisario - AP/PAUL WHITE
Le numéro deux du Front Polisario, Bachir Mustafa Sayed, dans un long article publié ces jours-ci dans une revue de son obédience, Futuro Saharaui, a fait une critique dévastatrice de la direction actuelle du mouvement indépendantiste dirigé par Brahim Ghali. Une critique en prévision d'une crise et d'un changement.

En somme, le vétéran sahraoui vient dire que la décision de reprendre la guerre contre le Maroc prise par la direction du Front en novembre 2020 a été la plus grande erreur commise par Brahim Ghali depuis son installation comme secrétaire général du mouvement et président de la « République sahraouie » en juillet 2016 : "On ne peut pas déclarer une guerre quand on n'a pas et qu'on n'utilise pas les moyens pour la gagner".

Bachir Mustafa Sayed, frère du fondateur du Polisario El Uali Mustafa, membre du Parti communiste marocain pendant ses années d'études à l'Université Mohamed V de Rabat, est considéré comme un partisan de la vieille théorie de la "guérilla" en vogue dans les années 1960 et 1970 en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Bachir a critiqué à plusieurs reprises les "révolutionnaires de salon" et les opportunistes infiltrés dans les rangs du mouvement indépendantiste sahraoui, prônant la lutte armée et les actions de sabotage avec des armes et des explosifs par "les militants de l'intérieur" en référence aux territoires sahraouis sous administration marocaine.
 

Pour contrer le mirage de la "libération du Sahara par les armes" qu'il prêche dans son article dans la revue Futuro Saharaui, et qui suscite un malaise dans les rangs du Front, Bachir promet "l'adhésion de la République sahraouie aux Nations unies", ce qui est absolument irréaliste et dénué de sens.

Pour admettre un nouveau pays dans l'organisation internationale, une série de conditions sont nécessaires. Dans la situation actuelle, le Front Polisario ne peut remplir que la première de ces conditions : écrire une lettre au Secrétaire général de l'ONU pour demander son admission et accepter les règles de l'organisation internationale.

Quant à la deuxième condition, le Front Polisario ne pourra pas l'obtenir. Une fois la lettre admise par le Secrétaire général de l'ONU, celui-ci la transmet au Conseil de sécurité, qui doit approuver l'admission du nouveau membre par 9 voix sur 15, à condition que les cinq membres permanents du Conseil (États-Unis, Russie, Chine, Grande-Bretagne et France) aient donné leur "placet". Cela n'arrivera pas : les Etats-Unis ne voteront jamais en faveur de l'admission du Sahara Occidental en tant que nouveau membre de l'ONU, ni, probablement, la France ou la Grande-Bretagne.

Mais même dans le cas hypothétique où le Conseil de sécurité accepterait la demande, il devrait la transmettre à l'Assemblée générale pour adoption. Et cette procédure nécessiterait les deux tiers des membres de l'Assemblée, soit 128 pays sur les 192 que compte l'ONU.

Et c'est là qu'intervient le deuxième obstacle impossible à franchir. Au plus fort de son acceptation politique, grâce à l'efficacité de l'appareil diplomatique algérien en tant que parrain du groupe indépendantiste sahraoui, la "République sahraouie" (RASD) proclamée était reconnue par 84 pays. Depuis les années 1990 et au cours du premier quart de ce siècle, la RASD n'a reçu que la moitié de ces reconnaissances formelles, ce qui est loin des 128 votes positifs requis par l'Assemblée générale pour accepter un nouveau candidat.

Il reste un troisième obstacle que le mouvement indépendantiste sahraoui (séparatiste selon la terminologie utilisée par le gouvernement marocain) n'arrive pas à surmonter. L'ONU peut accepter que le Sahara occidental soit une nation indépendante, mais c'est tout autre chose d'accepter que le Front Polisario et son appareil gouvernemental (RASD) le représentent exclusivement. Différents représentants du Secrétaire général de l'ONU ont rencontré à plusieurs reprises des représentants de courants sahraouis qui ne sont pas inclus ou représentés dans le Polisario, tels que le mouvement Jat Achahid, l'Association sahraouie pour la défense des droits de l'homme (ASADEDH), et surtout le Mouvement sahraoui pour la paix, dirigé respectivement par Mahayub Mohammed Salek, Messaud Ramdan et El Hach Ahmed Baricalah.

Aucun de ces mouvements ne fait partie du Front Polisario, ni n'y est associé par ses dirigeants, pas plus que les diverses associations de défense des prisonniers et des disparus au Sahara pendant les années dites « de plomb » sous le règne de Hassan II. Même dans le cas hypothétique où l'ONU reconnaîtrait le Sahara occidental comme une "nation indépendante", l'organisation mondiale ferait tout son possible pour s'assurer qu'elle fonctionne sur la base de critères démocratiques et de représentativité de toutes ses composantes sociales, culturelles et politiques, comme elle l'a fait dans le passé avec des pays comme l'Angola, le Mozambique, le Nicaragua, la Namibie, et tant d'autres anciennes colonies qui ont accédé à l'indépendance dans les années 60 et 70 du siècle dernier.