Ali Khamenei prépare sa succession aux élections iraniennes
À l'occasion du 45e anniversaire de la révolution et un an et demi après la répression sanglante de la mort de la jeune Mahsa Amini dans les rangs de la police des mœurs, l'Iran organise le 1er mars une double élection : pour pourvoir les 290 sièges du Parlement et les 88 qui composent l'Assemblée des experts de la République islamique.
Après près d'un demi-siècle de régime des ayatollahs, les médias étrangers se sont trompés en classant les politiciens iraniens parmi les conservateurs et les ouverts d'esprit. S'il y a jamais eu une approximation d'une telle division, après les récents développements de la politique intérieure et étrangère, il serait beaucoup plus proche de la réalité de les qualifier de rigoristes radicaux et d'ultra-extrémistes.
Le résultat des élections n'affectera pas la politique des ayatollahs
À l'heure où l'Iran mène une guerre contre Israël par l'intermédiaire des organisations terroristes du Hamas, du Hezbollah et des rebelles houthis, il est peu probable que le résultat des élections modifie le désir maintes fois exprimé par les ayatollahs de rayer l'État d'Israël de la carte. Mais il peut, en tout état de cause, mettre en lumière une configuration politique qui montrera quelle faction ou quel groupe de pouvoir a la plus grande prééminence.
La lutte pour les sièges est plus disputée que jamais. Pas moins de 15 200 candidats briguent l'un des 290 sièges du Parlement, soit deux fois plus qu'aux élections de 2020. Le nombre de femmes a également doublé cette fois-ci : 1 713 contre 819 il y a quatre ans.
Le Conseil des gardiens de la révolution, composé de 12 membres nommés à parts égales par le Guide suprême et le président de la Cour suprême, peut encore retirer de nombreux candidats des listes. Il l'a déjà fait pour deux personnalités : l'ancien président de la République Hassan Rouhani et l'ancien ministre de la justice Mustafa Pour-Mohammadi.
Rouhani nourrissait même l'espoir de se hisser au sommet de la direction suprême. Ce n'est pas pour rien qu'il a été pendant seize ans secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale, député dans cinq assemblées législatives, commandant en chef adjoint des forces armées iraniennes dans la guerre contre l'Irak et président de la République de 2013 à 2021. Comme l'écrit Alejo Vidal Quadras, qui n'a d'ailleurs aucun doute sur l'identité du commanditaire de l'attentat dont il est miraculeusement sorti indemne, "pendant le mandat présidentiel [de Rouhani], la torture, la flagellation, le vidage des orbites, l'amputation et la pendaison ont été pratiqués assidûment comme méthodes pour terroriser le peuple iranien et le maintenir dans la soumission". L'ancien vice-président du Parlement européen ajoute : "Un curriculum vitae vraiment exemplaire qui l'a fait considérer comme un modéré dans les chancelleries des démocraties occidentales. A suivre".
Quant à Mustafa Pour-Mohammadi, il était chargé de ratifier les condamnations à mort du massacre de 1988, au cours duquel 30 000 prisonniers politiques ont été exécutés, pour la plupart des membres de l'organisation d'opposition des Moudjahidines du peuple d'Iran, conformément à la fetua du fondateur de la République islamique, Rouhollah Khomeini. Le Conseil des gardiens n'est pas tenu de rendre publiques les raisons de ses vetos, mais on peut supposer que le retrait de ces deux candidats des listes n'est pas dû au fait qu'ils se sont montrés plus souples dans la défense de la rigueur islamique implacable.
Deux autres candidats bien connus, l'actuel président de la République, Ebrahim Raisi, et le président de la Chambre, Mohammad Bagher Qalibaf, ont bien figuré sur les listes, mais dans deux circonscriptions éloignées de Téhéran et contre des candidats très mineurs, craignant peut-être que les électeurs ne leur reconnaissent pas le statut de représentants du peuple dans les urnes.
Quant au Conseil des experts, parmi les 144 personnalités religieuses en lice pour les 88 sièges, il y aura un candidat très particulier : Mojtaba, le fils aîné du Guide suprême Ali Khamenei. Les cercles de rumeurs de Téhéran affirment que l'autorité suprême du pays est très satisfaite de son fils. Un bémol toutefois : Mojtaba était un simple mollah, mais son père l'a nommé à la tête du Bureau de l'Autorité suprême, c'est-à-dire le sien, ce qui implique l'élévation du fils au rang d'ayatollah, condition sine qua non pour, le cas échéant, être catapulté à la magistrature suprême du pays. Sachant que les 88 experts ont un mandat de huit ans et qu'Ali Khamenei est déjà âgé de 84 ans, il semble plus que probable que ce soit le nouveau Conseil qui élise le successeur du guide suprême, en poste depuis 34 ans.
Ces élections sont les premières à se tenir après la mort de Mahsa Amini, accusée de ne pas porter correctement le voile islamique, dans les locaux de la police des mœurs. Les manifestations populaires qui ont suivi ont fait plus de 500 morts, 4 000 blessés et 20 000 arrestations. Loin de prendre en compte leurs doléances, le régime a intensifié sa répression sanguinaire, craignant manifestement que la multiplication des manifestations n'ébranle les fondements de son pouvoir. Pour mémoire, 864 personnes ont été pendues en Iran en 2023, soit une moyenne de 72 par mois.