Amnistie pour les rêveurs américains

Joe Biden, President of the United States

Si ce n'est pas la première, ce sera l'une des mesures avec lesquelles le président Joe Biden inaugurera son mandat : l'interdiction d'expulser les plus de 600 000 immigrés sans papiers qui sont entrés aux États-Unis alors qu'ils étaient enfants. Ils étaient, ils sont, les soi-disant "rêveurs", pour qui leurs parents, pour la plupart d'origine latino-américaine, aspiraient non seulement à une vie meilleure mais même à ce que leur progéniture profite de tous leurs talents dans le pays des opportunités ; dans le grand pays où tout est possible, selon le cliché enflammé dans l'esprit de millions de déshérités.  

Biden révèle lentement comment il va démanteler nombre des politiques que Donald J. Trump a instituées et qui ont radicalement changé l'image et la soi-disant "soft power" des États-Unis. Le chapitre de l'immigration a été particulièrement dramatique dans un pays paradoxalement construit comme la destination rêvée de personnes de toutes races et de tous milieux, venant de toute la planète.  

Malgré les milliers d'immigrants illégaux que l'administration Trump a déportés, en plus des dizaines de milliers rejetés à la frontière avec le Mexique, bloqués dans le pays des Aztèques ou contenus en Amérique centrale, on estime que plus de onze millions vivent et travaillent aux États-Unis. Des États et des villes comme la Californie, Los Angeles ou New York ont eu les mains pleines avec la Maison Blanche pour avoir désobéi à ses ordres de persécuter et de priver de leurs droits fondamentaux que 3 % des 330 millions d'habitants des États-Unis sont illégaux.  

Biden entend amnistier ces plus de onze millions de personnes et régulariser leur situation, afin de mettre un terme à l'existence d'une partie de la population qui est soumise à toutes sortes d'abus précisément en raison de son statut illégal. Pour cette amnistie, Biden devra être approuvé par le Congrès. La majorité de la Chambre des représentants lui garantit son soutien, mais au Sénat, il devra compter sur un vote de l'opposition républicaine, qui n'est pas encore garanti, pour le réaliser. S'il le fait, ce serait la plus grande légalisation depuis que Ronald Reagan l'a signée en 1986, mettant fin à son cauchemar pour 3 millions d'immigrants sans papiers.  

Des retours en force et des criminels 

Le revirement de la politique d'immigration par la nouvelle administration américaine ne signifiera cependant pas une amnistie totale. Ceux qui ont été condamnés pénalement pour des crimes contre les personnes ou les biens, ainsi que ceux qui ont été récidivistes dans leur tentative d'entrer illégalement dans le pays, en seraient exemptés. Biden est conscient qu'il ne peut pas passer outre les 74 millions d'électeurs qui ont donné leur confiance à Trump lors des élections, entre autres raisons en raison de sa position sévère sur l'immigration illégale. Dans la même veine, il maintiendra très probablement dans son intégrité l'accord que son prédécesseur avait conclu avec le président mexicain Lopez Obrador, renforçant la "retour en force" -- les déportations vers le Mexique d'immigrants illégaux détenus sur le sol américain peu après avoir franchi la frontière. 

Biden complète ses intentions dans ce chapitre sur l'immigration avec son annonce d'augmenter le quota de réfugiés à 125 000, contre les 15 000 que Trump avait fixés comme limite pour 2021. Il a également l'intention d'abroger les restrictions d'entrée imposées aux citoyens de 13 pays musulmans, l'une des premières décisions de Trump, qui a servi à étayer l'accusation d'"islamophobie" avec laquelle les djihadistes radicaux disqualifient toute critique.  

Enfin, les 200 000 exilés vénézuéliens qui vivent et travaillent comme ils le peuvent aux États-Unis pourraient bénéficier du statut de protection temporaire, qui empêche le rapatriement ou la déportation vers leur pays d'origine et contre leur volonté de personnes susceptibles de subir des représailles.  

La future administration Biden devra faire preuve d'une prudence exquise pour convaincre de nombreux électeurs républicains que sa nouvelle politique d'immigration n'entraînera pas la perte des droits de ceux qui sont arrivés avant et qui, une fois installés, oublient leurs racines et ferment les portes à ceux qui, à leur tour, veulent essayer de réaliser leurs rêves également.